Lorand Gaspar | Linaria

Publié le 17 janvier 2018 par Angèle Paoli



"lentement elle cherche son corps"
Ph. Frank Widmann

LINARIA P arfum de terre nue. Lorand Gaspar,
Vingt maisons blotties au creux de la rocaille
toutes fenêtres dehors
Soir : le ciel sur l'eau appuyé
des filles noires, des rires, des chuchotements.
La nuit est un monde grand de vingt chambres
penchées sur le halo des lampes à pétrole.
Une chapelle blanche
une vieille en noir
y brûle de l'encens.
Une taverne
des bras d'hommes pèsent sur les tables,
lourds de filets et de rames.
Ombres immenses jetées sur les murs
odeurs de poisson, des rires, des jurons -
l'huile vivace court dans les membres,
la danse !
lentement elle cherche son corps
son âme entre les bris de verre
se tend tout à coup et jaillit dans l'or
où se mêle le sang harponné.
Les voix aussi se cassent
les carafes brillent dans les yeux.
Quelqu'un regarde au large -
tant de nuit pour vingt regards à peine.
Patmos et autres poèmes, Éditions Gallimard [2001], Collection Poésie/Gallimard, n° 390, 2004, pp. 53-55.