Le Saturday Night Live a mis en boîte Catherine Deneuve et Brigitte Bardot pour leurs positions sur l’affaire Weinstein… Oui, je sais, j’entends déjà ceux qui crient haro sur l’arrogance des Américains qui se saisiraient du premier prétexte venu pour se foutre de la gueule de nos stars françaises : il a toujours été de bon ton, en France, de considérer les Américains comme de gros abrutis donneurs de leçons, et l’entrée d’un certain gros connard à la Maison Blanche n’a certes pas arrangé les choses…
Mais là, pour le coup, on peut comprendre nos amis d’Outre-Atlantique : en effet il ne se passe pas une semaine sans qu’une star de cinéma de chez eux apporte de l’eau au moulin des révélations sur le harcèlement sexuel à Hollywood en général et sur Harvey Weinstein en particulier ; rien qu’aujourd’hui, Uma Thurman est sortie du silence à son tour. Les actrices hollywoodiennes, si souvent décriées, auront ainsi contribué à libérer la parole autour d’un sujet jusqu’alors quasi-tabou, ce qui n’est sûrement pas la moindre des avancées pour la dignité des femmes. Et pendant ce temps-là, chez nous, deux femmes qui comptent parmi les rares actrices françaises à avoir conquis le statut de star internationale, autant dire deux ambassadrices historiques de notre pays, prennent ouvertement le parti des harceleurs ! Résultat : vue d’Amérique, la France passe une nouvelle fois pour un pays d’arriéré(e)s. Depuis la manif pour tous, on n’avait plus besoin de ça…
Cela dit, si je devais tout de même adresser une critique à l’équipe du Saturday Night Live, ce serait d’avoir renvoyé dos à dos les deux femmes. On ne peut pas vraiment les mettre dans le même panier : Catherine Deneuve, en co-signant la tristement fameuse tribune du Monde, défendait une conception « vieille France » de la séduction masculine ; elle trahissait son âge en prenant fait et cause pour une vision de la virilité qui avait cours dans sa jeunesse mais est aujourd’hui dépassée : en somme, elle a commis une maladresse parce qu’elle a été rattrapée par son époque et n’est pas susceptible de malveillance – elle a d’ailleurs compris son erreur et a présenté des excuses. Brigitte Bardot, en revanche, en reprochant aux actrices de se plaindre de ce qu’elles auraient elles-mêmes provoqué pour réussir, tient un discours culpabilisant qui n’est pas sans rappeler ce que certaines femmes violées ont pu entendre dans les commissariats (« vous les avez allumés ! ») ; ses déclarations, malveillantes et calomnieuses, trahissent donc son aigreur de vieille mégère.
Pour résumer, Deneuve a cherché à déculpabiliser les harceleurs, ce qui est maladroit, tandis que Bardot a essayé de culpabiliser les harcelées, ce qui est bête et méchant : l’équipe du Saturday Night Live exagère donc en les mettant sur le même plan. Est-ce que je le leur reproche ? Non : je suis bien placé pour savoir que c’est le propre des humoristes d’être caricaturaux et de ne pas s’embarrasser de subtilités ; ça n’enlève donc rien à mon rêve de revoir en France une grande, belle, chouette, marrante émission comme celle que diffuse la NBC depuis 40 ans – à mon avis, la télé française n’a jamais fait aussi bien depuis Les Nuls, l’émission, mais ça n’engage que moi et puis c’est un autre problème.