L'amour courtois des chevaliers, serait-il comparable à la galanterie de ce XVIIIe siècle : Jean Chapelain, dans son dialogue ''De la lecture des vieux romans'', tient à marquer la différence : « Je ne le dirai pourtant pas, parce que je veux que la galanterie soit galante, et j’avoue que celle de Lancelot ne l’est pas. » En quelques lignes Chapelain définit la galanterie comme un « art de plaire » et en bannit les chevaliers, véritables amoureux, mais dépourvus d’esprit et incapables « de se mettre bien auprès de [leurs] maîtresse[s] par des paroles étudiées ».
Les chevaliers sont des amoureux qui ne savent pas parler d’amour, et c’est le discours qui fait le galant. La confrontation du modèle galant et du comportement des anciens chevaliers permet ainsi à Chapelain de construire l’idéal d’une conception de l’amour parfait qui unifierait les actes et le langage, l’éthique et l’esthétique.
Il faut plaire : le plaisir est en relation étroite avec l'amour, en une éthique galante.
Le thème de la Galanterie – centrée sur la période de la favorite Mme de Pompadour (1745-1765), - donc la période que connut J.-L. De la Bermondie - est repris en art de la '' Fête Galante'' et popularisé par Antoine Watteau (1687-1721) ; et par Jean Honoré Fragonard (1732-1806) qui illustra les jeux de la séduction et de l'intrigue amoureuse. Ce thème clamait la joie de vivre, les délices de l'amour, l'alchimie des sentiments et le besoin de paraître.
Cecilia Bartoli joue AlcineDu 7 au 13 mai 1664, Louis XIV organisait une fête sur le thème de la magicienne Alcine tenant prisonniers en son palais Roger et ses preux chevaliers. La fête officiellement organisée en l’honneur d’Anne d’Autriche, sa mère, et de son épouse la reine Marie-Thérèse, était dédiée en réalité à Mademoiselle de La Vallière, sa maîtresse.
Meghan Lindsay in the title role of Handel's opera AlcinaUn peu comme Morgane qui retient dans sa prison du Val sans Retour, de preux chevaliers ''infidèles'' tout en leur offrant maints plaisirs... La magicienne Alcine retient Roger et ses chevaliers prisonniers dans son île pour en faire ses amants et leur propose de nombreux divertissements. À la fin des fêtes, les chevaliers se révoltent et détruisent le palais d’Alcine.
Si les plaisirs d’Alcine sont condamnés au nom de la vertu. C'est qu’Alcine est dominée par l’amour-propre et l’égoïsme. Alors que le plaisir royal est inséré dans un échange fondé sur la réciprocité et la générosité : celle précisément de ces fêtes...
Alcina, avec Anja HarterosLa figure du chevalier galant telle qu’elle se présente dans '' Les Plaisirs de l’île enchantée '' avec ce personnage de Guidon le Sauvage représenté par Saint-Aignan lie ensemble plusieurs composantes : la prouesse guerrière, la prouesse sexuelle ou le service galant des dames. Et c'est précisément en rupture avec l'idéologie médiévale ( et barbare …!).
La Fête 'Les Plaisirs de l'Ile Enchantée' donnée par Louis XIV à VersaillesPourtant, comme l'amour courtois et chevaleresque développé par les troubadours, la galanterie constitue peu à peu un code non écrit qui commande les rapports entre les deux sexes.
Mais, l'idéal du galant homme est d'être à la fois homme d'honneur et compagnon agréable. les dévots le combattent tandis que certains galants le dévoient en libertinage irrespectueux.
Le libertin, lui est tenté d'aller plus loin, vers l'utopie d'une liberté absolue. Ce libertinage imaginaire ne s'épanouira qu'en littérature. Le libertin est généralement un homme : prédateur à la Valmont ou à la Lovelace, insatiable séducteur à la Casanova, homme " à bonnes fortunes " ou habitué des lieux de plaisir les plus crapuleux...
A notre époque – celle de Jean-Léonard de la Bermondie – si un jeune ''chevalier'' ( page en réalité) tente d'être un '' galant homme '' ; il risque plutôt de ressembler à un '' Petit-Maître '' comme l'on dit d'un jeune élégant, aux allures et aux manières affectées et prétentieuses.
La galanterie est un savoir-vivre de l'élite sociale : elle est associée à « la capacité d’adaptation, la douceur et la maîtrise de manières sociales raffinées »
« Il me semble (...) qu’un galant homme est plus de tout dans la vie ordinaire, et qu’on trouve en lui de certains agrémens, qu’un honnête homme n’a pas toûjours ; mais un honnête homme en a de bien profonds, quoi qu’il s’empresse moins dans le monde. » : Le chevalier de Méré
Très vite, l'usage de la cour consiste à ''courtiser les Dames'' et l'on dit aussi « qu’un homme a gagné quelque galanterie avec une femme, pour dire, quelque petite faveur de Vénus qui demande des remedes » A. Furetière ( homme d'Église, poète, fabuliste, romancier et lexicographe français )... Si la galanterie est un plaisir de bonne compagnie ; elle est aussi comme un ''devoir'' mondain...
Hommes et femmes de cette époque reconnaissent que l'amour est une forme de galanterie qui s'apprend et s'utilise pour son plaisir et son intérêt personnel : Marivaux écrit dans le Spectateur français :
Eva Maria Veigel, Mme David Garrick (1724-1822)« Les femmes de qualité élevées dans les usages de Cour, qui sçavent leurs droits & l’étenduë de leur liberté, ne rougissent pas d’avoir un amant avoüé ; ce seroit rougir à la Bourgeoisie. De quoi rougissent-elles donc ? c’est de n’avoir point d’amant, ou de le perdre. »
Dans l’Histoire de la vie et les mœurs de Mlle Cronel publiée en 1739 par le comte de Caylus mais rédigée par Pierre Alexandre Gaillard, une mère prépare sa fille adulte, mais encore innocente, à la vie de maîtresse officielle d’un riche protecteur et l’initie à l’art de la galanterie : « Te voilà, ma chère Fille, dans l’état où je te souhaite depuis longtemps […]. La foiblesse de l’homme, & son penchant à la volupté, sont des sources de richesse pour une fille capable de plaire […]. La galanterie est un art méthodique, où l’on n’excelle jamais quand on s’écarte des regles, & ces regles sont differentes selon les divers caractères des Amans […] »
Cependant, n'oublions pas que si l’expression de la sensualité chez les femmes est tolérée dans les cercles les plus élevés, la liberté sexuelle fait toujours l’objet de stricts interdits moraux chrétiens...