Versailles – Le temple de la galanterie. 1/3

Publié le 14 février 2018 par Perceval

Les deux premières années, Jean Léonard de LA BERMONDIE fut le plus discipliné et l'un des plus habiles au service de tous les pages. Dès le début de cette troisième année, Solide et agréable de sa personne ; Jean-Léonard fut remarqué par la soeur du duc de Choiseul, madame de Gramont. De caractère ferme et décidé, elle se réserve le jeune garçon et se l'impose dans les carnets du ''grand écuyer''. Le page a su saisir cette chance ; elle va le conduire dans les couloirs du libertinage pratiqué à tous les étages de la cour...

Le Duc de Choiseul, sa maîtresse, la Comtesse de Brionne et l'Abbé Barthélmy. 1775

Cela commence avec Mademoiselle Julie, la femme de chambre de madame la duchesse de Gramont, qui s'amuse de caresses et d'agaceries inutiles puisque le garçon, s'il se sent le corps tout brûlant, n'en ai pas plus avancé...

Puis, il croise le regard de madame de Stainville, qui avait juste quinze ans, et en tombe amoureux... « On en fit des plaisanteries qui le lui apprirent ; elle en fut touchée... ».. Cependant, c'est M. le duc de Choiseul, qui en avait l'air occupé ( ce qui déplaisait à sa soeur ) il faut dire que le mari ( 40 ans et peu aimable …) était à l'armée - .

Les dames de l'entourage de la jeune mariée, n'étaient pas fâchées de lui donner un amant choisi par elles. Madame de Gramont, pensait qu'il lui reviendrait « quand il lui plairait, et cela semblait prévenir un attachement dont la perte de son crédit eût été la suite indispensable. Elle protégeait donc nos amours naissants, et nous faisait souvent venir chez elle ensemble »


Ci-dessous: Le-duc-et-la-duchesse-de-Choiseul avec Mme-de-Gramont

Un mot sur le mariage, en ce temps... Voici ce qu'en dit le Prince de Ligne : « On apprend à une fille à ne pas regarder un homme en face, à ne pas lui répondre, à ne jamais demander comment elle est venue au monde. Arrivent deux hommes noirs avec un homme brodé sur toutes les tailles. On lui dit : Allez passer la nuit avec ce monsieur ! Ce monsieur , tout en feu , brutalement fait valoir ses droits, ne demande rien, mais exige beaucoup. Elle se lève en pleurs, tout au moins, et lui, tout en eau. S'ils se sont dit un mot, c'est pour quereller. Ils ont mauvais visage tous les deux et sont déjà portés à se prendre en guignon. Le mariage commence toujours ainsi sous d'heureux auspices. Toute la pudeur est déjà partie. Est-ce la pudeur qui peut empêcher cette jolie femme d'accorder par goût à celui qu'elle aime ce qu'elle a accordé par devoir à celui qu'elle n'aime pas? Et voilà l'engagement le plus sacré des cœurs, profané par des parents et un notaire. »

Ainsi le ''mari'' est à cent lieux de ce que peut-être un ''amant''... Et le libertinage, la possibilité de répondre aux nobles sentiments de l'amitié et de l'amour ...


 

« Un jour fut l'un des plus heureux de ma vie. Je le passai tout entier avec ma jeune maîtresse, et presque toujours tête à tête. Elle me montrait combien elle était touchée de ma tendresse, et m'accordait toutes les innocentes faveurs que je lui demandais, et je n'en connaissais point d'autres. Je baisais ses mains; elle me jurait qu'elle m'aimerait toute sa vie ; je ne désirais rien au monde. »

Ensuite, « Elle alla beaucoup dans le monde avec madame la duchesse de Choiseul. Elle dansait à merveille ; elle eut le plus grand succès à tous les bals, fut entourée, admirée de tous les gens à la mode ; elle rougit d'avoir un enfant pour amant, me rebuta, me traita durement et prit du goût pour M. de Jaucourt; je fus jaloux, choqué, désespéré, mais je n'y gagnai rien »


 

1745, de Charles-Antoine COYPEL

« Je pris du goût pour une petite actrice de la comédie de Versailles,, âgée de quinze ans, nommée Eugénie Beaubours, encore plus innocente que moi, car j'avais déjà lu quelques mauvais livres, et il ne me manquait plus que l'occasion de mettre en pratique ce qu'ils m'avaient appris. J'entrepris d'instruire ma petite maîtresse, qui m'aimait de trop bonne foi pour ne pas se prêter à tous mes désirs. Une de ses camarades nous prêta sa chambre, ou pour parler plus vrai , un petit cabinet où elle couchait, et qu'un lit et deux chaises remplissaient entièrement. Une énorme araignée vint troubler notre rendez-vous : nous la craignions tous deux mortellement; nous n'eûmes ni l'un ni l'autre le courage de la tuer. Nous prîmes le parti de nous séparer, en nous promettant de nous voir dans un lieu plus propre, et où il n'y aurait pas de monstres aussi effrayants.

J'attirai, bientôt après, l'attention de madame la comtesse d'Esparbès, cousine de madame de Pompadour, mignonne, jolie et galante; elle me fit inutilement beaucoup d'avances que je n'entendis pas ; je fus enfin flatté de la distinction avec laquelle elle me traitait, et j'en devins amoureux. »

Sources : Extraits des Mémoires du Duc de Lauzin ( 1747-1783)