Ma collègue Mireille et moi sommes arrivées, il y a environ une semaine à la villa Scragge, une vieille pension de vacances dans la province de Zélande aux Pays-Bas, près du petit village de Molenke.
Le vieil intendant Willem Herrmans a pris sa retraite pour s'occuper de sa femme malade, Margriet. La vieille propriétaire, Mrs Scragge détestée de presque tout Molenke a appelé la CLEAN pour prêter main-forte à Harriet la cuisinière et Mensje, la discrète gouvernante.
Bien que la pension ne brille pas par son accueil et sa notoriété, il fallait quand même entretenir la vieille demeure tarabiscotée et sa chaudière capricieuse. Surtout qu'un couple de futurs mariés s'étaient invités avec leur wedding planner, fasciné par l'endroit.
Mireille et moi avions découvert que la pension était source de nombreuses convoitises (de la part du maire et du médecin notamment) et que si Mrs Scragge était aussi acariâtre, c'est peut-être elle à cause des trahisons qui avaient émaillé sa vie : ses amours et ses amitiés déçues.
Toujours est-il que la femme de Willem a parcouru la distance qui sépare la pension du village en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
C'est peut-être là que se trouve l'intérêt de la villa. Selon la légende, elle aurait appartenu à une vieille légende locale : non, pas Mrs Scragge ! Un pirate du nom de Menno Van de Braack !...
Le souterrain
ans la salle des petits déjeuners, l'ambiance est soucieuse. Que s'est-il vraiment passé ? Comment Margriet, est-elle arrivée au village ?
" Elle a emprunté le souterrain. Je suis sûre qu'il est dans la bibliothèque. On avait l'impression qu'elle avait vu un fantôme là-bas, dit Harriet.
- Mais je croyais que c'était des fadaises tout ça, ces histoires de souterrain, de pirates et de trésor..., ajoute Mensje.
" Oui, je vais y mettre mon ingrédient secret, vous m'en direz des nouvelles. C'est un tonic, ça donne un petit coup de peps. "
Tout le monde se retrouve dans le salon, blotti sous des plaids dans les canapés et les fauteuils, une tasse fumante dans les mains. Je trempe mes lèvres dans mon chocolat.
C'est vrai que ça fait du bien. Hum ! Oh zut, il y a comme un petit goût amer désagréable. Dommage.
Mrs Scragge demande à Mensje de rapporter une chemise de nuit propre pour Margriet. Elles redescendent toutes les deux de la salle de bain.
L'ancienne chambre du couple d'intendants est rouverte pour la nuit.
" Je pense que Margriet est assez perturbée comme ça pour ce soir. "
En effet, Margriet chantonne comme si de rien n'était :
Ne pas affronter la ville
Je ferai le tour de l'île
C'est mieux ainsi
Au bord de l'eau
Il y a cette fille qui t'appelle
Elle te trouve beau
Au bord de l'eau
Tu passes des heures avec elle
Sans dire un mot
On ne me remarque plus
Une ombre au coin de la rue
Un être à part...
Puis va s'asseoir entre Dorinthje et Niels. Le futur marié est aussi grand et mou que Dorinthje est petite et sèche : un nounours et une brindille.
" Ah ! Vous savez mes petits chéris, l'amour c'est pas ce que vous croyez : vous pensez avoir rencontré le prince charmant et en fait c'est un dragon. "
" Dragon ! Dragon !
- Nous devrions être en train de fouiller la bibliothèque à la recherche du souterrain, suggéré-je.
- Mais ce doit-être très dangereux, doute Mensje.
- S'il existe, il attend depuis plus de deux siècles, alors une nuit de plus ou de moins, ajoute Mrs Scragge.
- En tout cas, ça signifie que si le passage souterrain existe, le trésor de Menno Van de Braack aussi. Vous vous rendez compte !
- Demain, à la lumière du jour, les idées apparaîtront plus claires. Allez, au lit maintenant, nous ordonne la vieille propriétaire.
- Il faut se donner une stratégie : rendez-vous demain à 8h dans la bibliothèque, propose Willem. "
Chacun acquiesce. De toute façon, la nuit risque d'être courte.
Inutile d'insister. Il est trois heures du matin quand tout le monde monte se coucher.
Même Mireille qui d'ordinaire a un sommeil de plomb se retourne dans son lit. J'entends une porte s'ouvrir et se refermer.
Finalement, je finis par tomber dans un trou noir abyssal. Ma couette pèse aussi lourd que du béton.
À côté de moi, la respiration lourde et rythmée de Mireille a remplacé ses longs soupirs.
- Mais, quoi, qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que vous faites là ?
- Il est 9h, m'invective le docteur Heinrich en me donnant des petites tapes sur la joue, J'ai mis une demi-heure pour rentrer, et une de plus à vous réveiller."
Il tire les lourds rideaux fleuris d'un coup et un soleil blanc me brûle les rétines. Je me redresse sur les avant-bras.
La nausée me soulève le cœur. Je prends des précautions avant de me lever.
Mireille se précipite dans le cabinet de toilette et vide le contenu de son estomac bruyamment.
Des litres de café et d'anti vomitifs plus tard, toute la pension se retrouve dans la salle des petits déjeuners avec la tête de lendemain de Nouvel An.
Il manque trois personnes à l'appel : Mrs Scragge, Théodore et Dorinthje, la future mariée.
- Elle, elle est morte ? ", balbutie Mensje.
Puis elle éclate en sanglots, rejoint bientôt par Harriet.
" Non, non, calmez-vous. L'ambulance est en route. Elle est inconsciente. Les secours vont arriver d'une minute à l'autre.
- Mais que nous est-il arrivé ?
- On vous a administré un puissant somnifère, probablement dans une boisson que vous avez bue hier soir.
- Le chocolat !
- Dans mon chocolat ? Mais vous n'insinuez tout de même pas que j'ai essayé de vous empoisonner ?
- Bien sûr que non, Harriet. C'est vous que j'ai eu le plus de mal à réveiller, souligne le docteur Heinrich. "
Notre petite assemblée est abasourdie. Seule Margriet, la femme de Willem ne semble pas consciente du drame. Elle chantonne et danse gaie comme un pinson. Elle s'est approchée de Niels, le futur marié.
Elle te trouve beau
Au bord de l'eau
Tu passes des heures avec elle
Sans dire un mot
Une ombre au coin de la rue
Un être à part...
" Personne ne les a vus ? Personne ne sait où ils sont ? "
Où est la mariée ?
" Théo n'est pas dans sa chambre et son lit n'est pas défait.
- Et vous Niels ? Votre femme, où est-elle ?
- Je l'ai entendue se lever cette nuit je crois, mais j'ai le sommeil très profond et ce matin quand je me suis réveillée, elle était déjà partie.
Je vais les appeler, ils ont dû aller faire un tour au village pour les préparatifs du mariage. Il doit y avoir une explication. "
Niels qui ressemble de plus en plus à un ours bourru, s'éloigne pour passer son appel.
Pendant que tout le monde s'interroge, j'en profite pour aller faire un tour dans la chambre de Théodore.
Lorsque je reviens dans la salle des petits-déjeuners, la conversation n'a pas dévié d'un pouce :
- N'exagérez pas ! Ils nous ont juste endormis, intervient Mireille.
- Donc, ils ne voulaient pas de mal, juste ne pas nous avoir dans leurs pattes pour...
- Pour explorer le souterrain..., conclut Harriet. "
Dans un mouvement unanime, tout le monde traverse la salle de réception pour se retrouver dans le hall. Willem stoppe notre élan en bas de l'escalier.
" Il faut nous équiper un minimum. Si le souterrain mène bien au village comme nous le supposons, il doit passer en partie sous la mer. La plupart d'entre vous sont encore en pyjama.
Niels nous rejoint l'air renfrogné :
" Je n'arrive pas à les joindre. "
Personne ne lui répond. Willem l'avertit de son plan. Après s'être changé, tout le monde se rejoint dans le hall équipé avec les moyens du bord.
Nous passons par les cuisines et gravissons les marches de l'aile ouest pour arriver dans la bibliothèque. Il est presque midi et le soleil afflue par les petites vitres carrées.
Exploration
Je commence à transpirer sous mon k-way étanche à chercher l'entrée du souterrain.
" Comment faites-vous pour aller au village ? Le village ? Par où passez-vous ? "
Il fallait s'y attendre : La colère envahit Niels tout entier, lui saisit les avant-bras et la secoue comme un prunier avant la cueillette :
Willem se précipite pour les séparer. Comment ce géant maladroit a pu se transformer en animal sauvage en une fraction de seconde ?
Niels nous regarde tour à tour comme s'il sortait d'un mauvais rêve. De grosses larmes coulent sur ses joues barbues.
" Je suis désolé, tellement désolé. Margriet, je veux vraiment savoir ce qui s'est passé où ils sont. Vous comprenez ? "
" Un peu de décence Niels. Laissez Margriet tranquille ! Pensez à Anna qui est entre la vie et la mort. ", les interrompt Willem.
Un fin bruissement provoqué par le glissement du bois sur la moquette précédé d'un clac : le mécanisme de la porte dérobée s'est mis en branle.
Là où quelques secondes auparavant s'accotaient des dos de livres, une bouche noire béante large et ouverte a pris la place.
" Attendez-nous Margriet ! "
J'ai l'impression de suivre un fantôme : Margriet volette dans la lumière de ma lampe torche et son ombre gigantesque se reflète sur les parois rocheuses et humides du souterrain.
Après une centaine de mètres, les parois s'effacent comme si le chemin prenait subitement fin. Notre petite procession stoppe encore une fois. J'appelle Margriet qui m'a devancée de quelques mètres : disparue.
Lorsque je balaye le faisceau de ma lampe torche sur les parois rocheuses, la lumière s'arrête à mes pieds sur les premières marches d'un escalier abrupt. Le souterrain continue ainsi plus avant sous le sol.
Nous descendons plusieurs mètres dans le ventre de la terre. Au-dessus de nos têtes, des gouttes salées tombent et glissent le long de nos manteaux imperméables et la température a encore baissé de quelques degrés.
J'ai l'impression d'être dans l'intestin humide d'un vers géant et une seule préoccupation me taraude : ne pas toucher les parois au risque de me faire digérer définitivement.
Une autre me vient aussitôt : comment Margriet fait-elle pour se déplacer sans lampe dans l'obscurité la plus totale ?
Le bout du tunnel
Lorsque nos pieds touchent enfin de nouveau la terre ferme, c'est le groupe entier qui pousse un soupir de soulagement.
J'aperçois même une fine lueur à quelques mètres. La lumière électrique s'arrête sur une simple porte de bois.
Nous sommes tellement pressés de sortir de ce boyau géant que je la pousse sans aucune arrière-pensée.
Il nous faut un peu de temps pour que nos yeux s'acclimatent à la lumière du jour. Mireille, Willem, Niels, Menjse, Harriet et moi, nous dispersons comme des petites particules de lumières en totale confiance.
Avons-nous fait un voyage spatio-temporel ? Nous sommes entourés de livres !
Lorsque je m'acclimate peu à peu, à part les livres. La pièce n'est pas la même que celle de la pension de Mrs Scragge. La sonnerie de mon portable retentit dans le silence.
" Ce ne sera pas encore pour cette fois qu'on aura la peau d'Anna ! "
Il a l'air sincèrement soulagé.
" Je suis obligée de vous laisser Docteur.
- Oh oui, bien sûr, hum...
- Il y a encore quelque chose Docteur ?
- Eh bien, oui, enfin on en discutera plus tard. Je vous envoie un document sur votre portable. "
Résultats d'analyse de Mrs Scragge
Après avoir constaté que nous ne sommes pas à la pension, nous empruntons un escalier. Je suis déjà venue ici : la bibliothèque municipale !
Où il est question de lecture
La pension Scragge et le village sont reliés par le souterrain et la bibliothèque. Willem essaie de sortir, mais la porte est fermée et il n'y a pas âme qui vive.
Normal il est 13h et la bibliothèque n'ouvre ces portes qu'à 14h. Il suffit d'attendre l'arrivée de Piet Hein, le bibliothécaire.
Moi, j'ai le cerveau en ébullition et je préfère rester debout.
J'explore les pièces attenantes à la salle principale, toutes miniatures avec une kitchenette, une réserve en plus de celle du sous-sol ainsi qu'une autre pièce fermée à clef.
Difficile de fouiner avec tout le monde présent, mais je suis terriblement curieuse de voir ce qu'il y a dans cette pièce secrète. En attendant, nous réfléchissons.
" Théo et Dorinthje ont pu sortir eux, la bibliothèque devait être ouverte.
- Ils ont dû tomber nez à nez avec le bibliothécaire.
- Ils doivent être loin maintenant, annonce un Niels dépité.
- Mais que cherchaient-ils ? Pourquoi vouloir absolument explorer ce sous-terrain sans nous ?
- Je crois que j'ai trouvé quelque chose ! déclare Mensje. "
Elle est assise au bureau et feuillette un gros livre.
" Je crois savoir ce qu'ils cherchaient. Regarder, c'est le journal de Menno Van de Braack, le corsaire. D'après ce que je lis, il aurait caché son trésor dans le souterrain : un diamant bleu baptisé the Hope d'une taille phénoménal.
- Mais c'est ça qu'ils sont venus chercher. Vous avez vu la taille de ce caillou !
- Si un tel trésor n'avait jamais existé, Piet Hein, le bibliothécaire aurait été au courant.
- Moi, je n'ai jamais rien vu de tel ici.
- Oui, c'est plutôt étrange. "
Pendant que tout le monde se pose des questions, je trouve un gros trousseau de clefs dans les tiroirs du bureau. J'essaie toutes les clefs dans la serrure de la pièce secrètes pendant que chacun se triture le cerveau.
" Qu'est-ce que tu fais ? Arrête ! "
Je n'ai pas entendu Mireille se glisser derrière moi. Ouf, le loquet de la porte cède quand j'essaye la deuxième clef.
Inutile de lui répondre. La pièce est deux fois plus exiguë que la première et sur le mur des objets enfermés dans des vitrines.
Au centre, une stèle, un présentoir et un coussin sur lequel trône une pierre brunâtre enfermée sous une cloche de verre.
" Monsieur le Maire est venu nous libérer, venez ! "
Je referme la porte délicatement.
" J'ai vu qu'il y avait bien de l'agitation dans la bibliothèque alors qu'elle était censée être fermée à cette heure. Qu'est-ce qui se passe ici ? "
Nous tentons de lui expliquer ce qui se passe. Mais il nous écoute à peine. Ce qu'il a à nous apprendre semble bien plus important :
" Une tempête se profile, pire que celle de 1953. "
Willem et Margriet se signent et jurent ensemble :
- Qu'est-ce que ça signifie ?
- Intraduisible, littéralement, me murmure Mireille.
- Non, cette tempête de 1953 ? "
" En 1953, il y a eu une terrible tempête qui a ravagé la côte. Tout le littoral a été inondé sur plusieurs dizaines de kilomètres jusqu'à l'intérieur des terres. Les quatre presqu'îles sont restées inondées et coupées du monde pendant plusieurs mois.
- Non ! C'est impossible !
- C'est à la suite de cette catastrophe que la décision de construire la route des ponts a été prise : pour que plus jamais ne se reproduise une pareille tragédie, poursuit le maire.
- Il faut se dépêcher avant la fermeture du pont.
En sortant de la bibliothèque, le soleil radieux ne laisse en rien présager l'arrivée d'une tempête de force 5. Comme pour balayer nos doutes, des flocons de neige se mettent à voltiger doucement puis plus densément autour de nous.
" Ça a commencé comme ça la dernière fois, souligne Willem. "
Sur le pont, le barrage se met progressivement en place.
" Trop tard pour passer Messieurs dames. Nous ne prenons aucun risque : une fois l'alerte passée, le pont sera rouvert. "
Le géant barbu s'assoit sur le bord du trottoir, la tête dans les mains, désemparé. Mensje le rejoint.
" Et voilà, c'est terminé maintenant : ils sont loin tous les deux avec le trésor du pirate.
- Il faut emprunter les navettes pour le gymnase de Stömmel. C'est là qu'on regroupe tout le monde pour y passer la nuit, interrompt l'agent municipal.
Dans la file d'attente pour les navettes, des éclats de voix nous parviennent sur le côté, dans les bureaux.
Un policier essaie de contenir un jeune homme, pendant qu'une jeune femme le frappe avec son sac à main.
À peine ai-je le temps de comprendre la scène que Niels s'élance :
" Dorinthje ! Qu'est-ce que tu fais ! "
Le géant la saisit par la taille et la soulève de terre comme un fétu de paille pour l'éloigner de sa victime.
Le policier peut ainsi passer tranquillement le bras de Théodore derrière son dos et le menotter.
" Théodore Williams G. Banks, vous êtes en état d'arrestation, vous avez le droit de garder le silence...
Moi aussi je l'ai déjà vu quelque part...
Les choses sont allées vite dites donc. Ce doit être le docteur Heinrich qui a prévenu la police pour notre empoisonnement. Je demande au policier si nous allons être interrogés. Il ne peut réprimer un rire indélicat.
" Vous êtes tous fiancés à Dorinthje Kiekels ? En même temps, ricane le policier
- Je ne comprends pas. C'est moi le fiancé de Dorinthje Kiekels, Niels Booman.
- Ah vous, oui, je veux bien vous interroger. Suivez-moi, monsieur Booman. "
Nous attendons Niels au chaud dans la dernière navette au départ pour le gymnase de Stömmel.
Harriet sort de son sac un thermos et des gobelets en plastique. Elle nous sert son fameux chocolat. Comme nous regardons tous notre gobelet d'un air suspicieux, elle ajoute à l'assemblée :
" J'en ai refait ce matin, avant de partir. "
Pourtant je perçois le même petit arrière-goût amer qu'hier soir.
" J'y ai mis mon petit ingrédient secret que Mrs Scragge aime tant, de l'extrait de... "
C'est le moment que choisit Niels pour revenir, la tête dans les épaules et les yeux rougis. Je lui tends mon gobelet fumant.
" Je me suis fait avoir sur toute la ligne. "
Il s'assoit lourdement sur son siège et renverse sa tête dans les mains. Ses épaules sont secouées de douloureux sanglots. Entre deux vagues, il explique :
" Ils en étaient à leur huitième arnaque. Elle se fiançait, il organisait un immense mariage avec un gros chèque à la clé pour sa boîte de wedding planners et ils s'en allaient ensuite tous les deux la veille ou l'avant-veille du mariage en déplantant le malheureux.
Et aujourd'hui, le malheureux bougre c'est moi. "
Les sanglots s'enclenchent de plus belle. Margriet le console avec sa chanson triste, le prend dans ses bras et le berce comme un bébé.
C'est presque douloureux de voir cette force de la nature pleurer dans les bras de cette vieille femme.
Tout le monde tente de le rassurer comme il peut.
On comprend mieux pourquoi, ils ont tenté de prendre la fuite.
" Leur arnaque était au point et ils étaient sur le point de réussir. Ils changent de cible. Bon très bien, mais ça n'explique pas l'empoisonnement de Mrs Scragge ! précisé-je.
- Qu'est-ce que tu racontes ? m'interroge Mireille.
- Dans le chocolat, il y avait une molécule en plus du somnifère. Une molécule inoffensive pour nous, mais pas pour elle.
- Et voilà qu'elle recommence ! Tu ne crois pas que c'est suffisant ?
- Ça n'explique pas tout en effet. Ils nous endorment pour pouvoir partir tranquillement, libres, et le terrain dégagé.
- Ils empruntent le souterrain pour trouver le trésor de Manno, the Hope, celui que Mensje a trouvé dans le livre de la bibliothèque.
- Seulement, ils n'ont rien trouvé, répond Niels, les policiers m'ont demandé si je voyais des affaires à moi parmi les leurs et je n'ai pas vu de diamant bleu de la taille d'une boule de pétanque.
- Il faut retrouver le bibliothécaire."
" Connaissez-vous l'existence du souterrain de la bibliothèque ?
- Un souterrain dans la bibliothèque, sérieusement ?
- Et le diamant Hope ? Le diamant de Menno le rouge ?
- Des légendes tout ça. C'est l'oncle de Margriet, l'architecte qui a inventé tout ça pour relever l'intérêt de sa bicoque tarabiscotée. Mais il n'y a jamais rien eu de tel.
- Le souterrain existe bel et bien, nous sommes tous passés par là ce matin et Théodore Banks et Dorinthje Kiekels aussi. Vous les avez vus ?
- Je ne les connais pas. Je... "
Sans prévenir, Piet Hein, le bibliothécaire pousse Mensje dans les bras de Niels et se précipite vers la sortie dans la tempête de neige vrombissante.
Niels en tête et le reste de la troupe se précipite à sa poursuite. La nuit est noire et dense et les flocons l'épaississent encore.
Le froid et le vent nous laminent le visage et les mains : Mensje, Mireille et Harriet ont déjà rebroussé chemin.
Bientôt je ne sais plus où je suis. Les flocons me barrent les yeux même si je me suis acclimatée à l'obscurité. L'éclairage du gymnase me permet de distinguer une butte devant moi.
Deux silhouettes au sommet s'affrontent. Aucun doute : le bibliothécaire ne fera pas le poids. D'ailleurs, ce n'est pas pour Niels que j'ai peur.
Je redoute que le géant se laisse aller à la rage, à la folie et à la trahison.
Derrière moi, les cris des policiers et les faisceaux de leurs lampes me ramènent à la réalité. Je dois rentrer retrouver les autres sous peine de me transformer en glaçon.
Une fois que nous sommes réunis, nous écoutons les explications du bibliothécaire, refroidi et amoché :
" Bien sûr que je connaissais l'existence du souterrain, ça fait des années que je collecte les reliques du vieux pirate Menno. Tiens, depuis le départ de Guerrit.
Il est resté caché là trois jours avant son départ. Le père d'Anna Scragge le cherchait partout. Il l'accusait d'avoir détourné son argent et voulait que la police l'arrête.
C'est là que j'ai découvert l'existence du souterrain et la scheelite, cette pierre brune qui devient phosphorescente une fois qu'elle qu'elles ont emmagasiné de la lumière blanche.
- Après mon premier empressement, je me suis vite aperçu de la supercherie : aucune valeur, la scheelite. J'avais pourtant utilisé tous mes deniers pour racheter les fonds de la vieille bibliothèque.
Je chassais les intrus et les touristes, cachais mes trouvailles pour explorer en toute tranquillité mon souterrain.
Je désespérais complètement, ruiné et sans espoir quand je suis tombé sur de vieux parchemins de Menno le rouge.
Outre la valeur historique, il stipulait que parmi les faux diamants, il en avait trouvé un vrai " qui continuait à répandre sa lumière bleue même en plein jour. Il l'avait baptisé l'espoir, the Hope.
J'ai cherché pendant des années et des années après des indications sur l'emplacement de ce diamant ressemblant comme un jumeau au morceau de scheelite que j'ai chez moi à la bibliothèque et qui brille la nuit.
Mais absolument rien.
Jusqu'au jour où ces deux touristes sont passés per le souterrain avec cette fameuse carte. Nous nous sommes rapidement mis d'accord : si nous trouvions le diamant, nous division en trois.
Le coffre était à l'emplacement annoncé.
Je n'avais jamais été aussi heureux de ma vie.
- Comment étaient-ils entrés en possession de la carte ?
- Non ! Guerrit, précise Piet Hein en haussant les épaules, c'était le petit-fils de Guerrit et il lui avait légué sur son lit de mort. Pas si naïf que ça, le jeune Guerrit.
Pendant ses trois jours passés dans le souterrain en 1953, il avait découvert cette carte, mais n'avait pas eu le temps de trouver le diamant et il a légué la carte à son petit-fils.
- Où est cette pierre maintenant ?
- Ah !Ah !Ah ! Nous avons ouvert le coffre et il était complètement vide ! Ah ! Ah ! "
Le vieux fou s'agitait en rires sardoniques incontrôlables. Nous le laissons aux mains des autorités. Il aura, pendant plus de cinquante ans, dissimulé des trésors nationaux.
Le docteur Heinrich tente de nous joindre par téléphone. Malheureusement, à cause de la tempête, la liaison est mauvaise.
" Le principal c'est qu'elle soit sortie d'affaires, souffle Willem.
- Oui, tout le monde est sain et sauf.
- Oui, n'est-ce pas ? Mais où est Margriet ? "
Après une demi-heure intensive de fouille du gymnase, aucune trace de Margriet. Elle en peut être qu'à l'extérieur.
Lorsque Willem demande pour sortir à la recherche de sa femme, les autorités s'y opposent. Le mieux à faire, c'est d'attendre la levée de l'alerte-tempête.
Enigmatiquement,
Antoinette