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L'Orageux (inédit)

Publié le 22 février 2018 par Yannbourven

Nous tenons à nos maîtres, sans citations. Brisures bien senties, calme apparent. Nous tenons fermement à nos ancêtres, créateurs de prestige... Je ne suis qu’un presque-vivant. C’est elle qui se ramène, c’est la tempête mentale dont tu foutais ! Je soudoie l’Orage bien vivace afin qu’il me suive à jamais, qu’il me filme tel le drone spontané, qu’il assiste impuissant à ma dérive. Car je me perds dans les rues sur-moites de ces villes inutiles, je ne pense qu’à me perdre, je ne pense qu’à l’éloignement systématique. J’ai estomaqué le brave filet de bave tant attendu, une rivière polluée qui serpente sur des parquets je-vais-choir.  Tu me varies, sacerdoce ! Ah ! Proserpine ! Dont le petit cul vif et alerte, se tend d’un coup sec pour s’adresser sans trac à la foule résignée ! Mimant rouge le monde, le monde-barbelé entre mes tempes, que je me batte entre deux assoupissements ! Je me relâche ! Arrière, délirante ! Tu me varies, sacerdoce ! Les sabres enfoncés... ne dis surtout pas dans mon coeur ou je t'arrache la langue, fieffée sentimentale ! C’est bon, tu peux te relever bandante cambrure ! Marche arrière ou j’exulte !, ou j’exécute le passé. Je me reboutonne et pars m'encrapuler... Nous tenons à nos maîtres, sans citations. Brisures bien senties, calme apparent.
- Mais que cherches-tu, toi qui te prends encore pour Pluton ! me demande Proserpine qui se penche sur mes jambes déjà lourdes.- Je garde l’espoir de fuir une bonne fois pour toutes ce delirium-tremens qui se dessèche dans ma chambre assourdissante, d'autres questions ? Alors retourne te coucher ! Ou je te rends à ta mère ! Joue le jeu, merde !- Je préfère me coucher dans tes enfers, me noyer dans ton Styx, que de me retrouver de l'autre côté, comme avant, je t'aime car tu m'as enlevée à cette société de résignés, d'esclaves aux ventres recousus ! Mais je ne veux plus que tu me manques de respect !Je joue bien le jeu, là, non ? Ne plus revoir ma mère, ne plus revoir cette... - N'insulte pas ta mère ! Cette pauvre Cérès... Et n'oublie pas que tu resteras six mois ici avec moi, et six mois auprès d'elle... dans l'autre monde... Je lui ai bavé les mots purulents, à cette femme blessée, et même que je les ai tatoués sur ces genoux rougis. Ses jambes se sont infectées. On dit même qu'elle trimballe son cul-de-jatte dans les rues trempées d'aujourd'hui. Les ans se colleront à ses lèvres pétrifiées par le ressentiment. - Je n'aime pas ma mère, ni elle ni mon époque ni rien du tout.- Je bénis la génération qui va vivre les derniers jours de l'humanité, ce n’est pas la mienne évidemment, car ce n’est jamais le bon moment. - Assister enfin au lever du soleil ? Aux derniers jours de l'humanité ? Pluton ? C'est toi ? Tu as disparu ?- Je suis là, Proserpine, là tel un œil neuf surgonflé d’optimisme ! En pleine descente, douloureuse mais très bien ficelée... Par le velux j'observe le ciel en bavant... Suis encore capable d’apprécier le ciel ! dont les contours ont été subtilement élargis par nos corps repus et nos prières athées... J'avance vers le crépuscule et le le métal froid sous mes pieds me demande de quel bois je me chauffe... Je lui réponds en lui crachant de la cendre, nuée asthmatique à peine poudrée, provenant des hommes fous qui dérivaient dans l'espace, que l'on croisait parfois entre deux débris d'une planète pulvérisée par leurs propres enfants.- Ces mondes ont fondu, c'est ce qu'on dit, Pluton, cette planète a littéralement fondu... - D'où tiens-tu ces informations, Prose ? Mytho, va ! Comment pourrait-on faire fondre une planète, conne.- Je ne sais pas comment, au juste... Mais ils l'ont fait ! Ne me traite plus de conne ou je te flingue...- Prose, tu es trop sûre de toi, gaffe quand même à toi, gaffe, je te dis !- Lorsque Carthage est tombée j'ai serré les dents, et je me suis découpée à cet endroit, tu vois ? au niveau du ventre... comme si j'avais été enceinte, alors j'ai fait semblant de m'avorter, d'après mon psy eh bien en fait je voulais avorter la prochaine civilisation... C'est mon psy qui me l'a fait comprendre, mais ça m'a coûté 80 euros...- Moi je ne dis pas : lorsque Tenochtitlan est tombée bla bla bla j'ai serré les fesses, je me suis coupé le sexe en rondelles, conne.- C'en est trop, tu me harcèles, tu m'insultes, tu te fous de moi continuellement  ! Je te déteste... Je vais te quitter, espèce de Pluton en carton, te quitter ! Je dégage, malade ! Je quitte ta chambre puante !- Très bien, Prose, qu'on en finisse, les rires et l'amour qui existaient et voletaient dans notre chambre se sont enfuis par la fenêtre, se sont évanouis dans la nature. Tu repartiras chez ta mère, je te récupérerai dans six mois ! - Va mourir, espèce de malade !
Le poète contemporain n'est ni une pleureuse ni un fonctionnaire qui attend impatiemment sa Proserpine ou ses grandes vacances pour écrire. Le poète n'attend que l'Orage, seul et en danger car débarrassé de ses paratonnerres... Ecrivains-voyageurs corrompus perlant bedonnant aux frontières,s'allumant clope sur clope buvant porto à la Kerouac sans le talent, crânant sur les promenades en héritiers pourris, pelotant fausse muses vraies michetonneuses. D'autres frileux, minaudant à l'arrière des cafés, s'essaient en poètes clamant proses défaites, s'inspirant de la chanson réaliste et du hip hop à la française, trop bourges pour être honnêtes, un jour vous vous étoufferez dans vos bars à soupe, et ce sera bien fait... Pères, patries et professeurs pisseux de bonne conduite, si vous aimez les hommes ne les nourrissez pas...
Je n’ai vu personne, au bout du tunnel, on me dit qu'une foule s'y était massée, happée par la Fin des temps, je n'y ai vu goutte, seulement quelques fringues éparpillées ça et là, une paire de lunettes, un téléphone portable, et une poupée... Où êtes-vous ? Au travail, dans le métro, ou bien vous errez dans les avenues numériques en quête d'amour physique... J'ai donc fait demi-tour, je ne suis pas un ambitieux, je ne termine pas grand-chose en réalité. Cette réalité : même les défunts n'y croient plus.
L'état des lieux se fera sans les propriétaires, puisque nous les aurons fait disparaître. Il doit bien encore exister une forêt primaire dans un coin de cette foutue planète... Les États tortionnaires qui pullulent en Orient et en Occident s'accrocheront aux dernières branches du souvenir, nous les regarderons se dessécher au soleil... Le combat physique et poétique ne sera pas de tout repos, mais je n'ai ni peur de la mort ni peur de renaître...En terrasse, face à la mer, se baffrent sans pudeur des espèces réapparues, nouveaux esclavagistes, groupes d'intérêt en concurrence perpétuelle, spéculant en dansant, le temps n'y comptant presque plus, suspendues au-dessus de la promenade, jugeant puis saignant la classe au-dessous, puis défenestrant le dernier homme résigné, car rien n'a changé depuis 1848. Fenêtre-moi le ventre, afin que mes angoisses rieuses puissent observer le monde. Nous ne sommes que des anges au dos brûlé qui n'ont encore rien vu. Ou, comme disait ma Proserpine enfuie, des esclaves aux ventres recousus...

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