Râlerie parue dans le Lanfeust Mag de mai 2017.
Je ne sais pas si, comme moi, vous participez à beaucoup de débats sur Internet mais, si c’est le cas, vous avez forcément assisté à une de ces conversations qui dégénèrent tellement en bataille rangée qu’on en vient à lutter pour se souvenir du problème de départ (un peu comme la vraie-guerre de 14).
Généralement, c’est à ce moment qu’arrive un génie.
Le mec qu’a tout pigé.
Qu’était là depuis le début, hein. Qui s’écharpait comme tout le monde, et vomissait sa mauvaise foi par litrons, mais qui, lui, SAVAIT, voyez-vous.
Et qui, tout d’un coup, déclare sans trembler des genoux :
« Non mais laisse tomber. Les débats sur Facebook, ça n’a aucun intérêt. »
(Aparte : J’utilise volontairement le cas de Facebook, parce que, pour Twitter, je ne suis pas loin d’être d’accord).
En général, estimant que cette affirmation péremptoire ne suffit pas, il ajoute :
« Les gens ne cherchent qu’à convaincre. Ils ne lisent pas les arguments des autres. Les vrais débats, ça se fait en laïïïve. On en rediscutera autour d’un verre, mon pote ! (On entendrait presque le son de la claque bien virile dans le dos, dites donc ! Limite, elle ferait oublier l’anglicisme plaintif de hipster !). »
On pourrait croire ce genre de saillie réservée aux faux-culs qui commencent à perdre pied et espèrent s’en sortir d’un salto-arrière-réception-sur-le-pied-gauche-de-la-rhétorique, mais ce serait, je pense, se leurrer.
Il existe, j’en suis persuadée, des gens qui s’imaginent SINCÈREMENT qu’un débat sur les réseaux sociaux n’a aucun intérêt.
Alors, certes, un paquet de grandes gueules rengainent leur morgue plus vite qu’il n’en faut pour écrire « Espèce de bobo bien pensant, yen a marre, on peut plus rien dire », face à un interlocuteur de chair et d’os. Faut avouer que la perspective de la chair et des os dans la gueule colle un peu les miquettes. Mais, cette lâcheté mise à part, vous avez vraiment l’impression que les débats « en live » sont plus intéressants ?
Vraiment ?
Rappelez-moi… Enlaïve, c’est bien cet endroit où :
– vous n’avez pas les sources sous la main,
– vous pouvez couper la parole en gueulant comme des porcs,
– c’est vachement plus compliqué de ragequitter,
– vous risquez de froisser tonton/maman/papi/mamie entre le foie gras et le trou normand, et de devoir vous asseoir sur l’héritage
?
En live, vous êtes juste plus POLIS. Parce que vous avez les JETONS. Mais, vous êtes tout autant immatures, fermés, de mauvaise foi, fragiles et, disons-le tout net : CONS, que sur le net.
Figurez-vous – et je sais que ça va paraître fou alors posez votre café brûlant, je veux pas d’accident – que dans le monde des personnes civilisées qui ne cherchent pas à gagner mais à s’instruire, les réseaux sociaux sont un paradis.
Lesdites personnes – ne reprenez pas déjà votre tasse – fonctionnent généralement ainsi :
– Consultation posée de la question ;
– lecture des interventions précédentes (eh ouais !) ;
– exposition de point de vue argumenté et, idéalement, sourcé;
– prise de connaissance des réponses sans se sentir tout diminué dans son petit ego en dentelle par le moindre « tu as tort » ;
– précision éventuelle de sa pensée ou (ouf guedin !) changement d’avis ;
– ET. PUIS. C’EST. TOUT.
Parce qu’elle est là, la clef, les chouchous : vous êtes des inconnus comme les autres. (Traduction : oui, on s’en fout de votre vie). Et vos interlocuteurs ne sont pas vos daronnes ! Vous n’avez rien à leur prouver !
(Vous pouvez reprendre votre tasse. Elle est à la bonne température, maintenant. Merci qui ?)
Sur les réseaux sociaux, contrairement à chez tonton Gérard, vous trouverez des experts, des plus concernés que vous par un sujet, des plus cultivés, des qui ont au contraire un gros souci d’instruction que vous pouvez, s’ils le souhaitent, les aider à combler, des individus venant d’un pays différent, avec une autre religion, un quotidien ou un passif à mille lieues des vôtres… Alors pardonnez-moi d’être sérieuse deux secondes mais PUTAIN (« sérieuse » ≠ « polie »), jamais, dans l’histoire du monde, nous n’avons eu une telle ouverture sur la diversité des opinions et des vécus. Et il faudrait se priver de ça parce que vous et vos contacts avez zéro self-control et besoin de procrastiner ?
À un moment, il faut appeler un chat un chat, et un loser un loser : si, malgré vos efforts, vous ne parvenez pas à avoir de discussion adulte, en ligne, avec vos interlocuteurs… c’est probablement que vous êtes de gros gamins ! Et je doute fortement que vos conversations de vive voix soient plus constructives. (Juste : y’a de la bière).
Tout le monde n’est pas un dieu de l’écrit, mais la bonne nouvelle, c’est que puisque, je le rappelle, de base, les inconnus s’en foutent GRAVE de votre vie, vous n’êtes pas obligés de venir nous pourrir notre terrain.
Est-ce qu’on vient vous emmerder sur le vôtre ?
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L’article Réseaux asociaux est apparu en premier sur Isabelle Bauthian.