Le journal du professeur Blequin (67) Petites colères

Publié le 04 avril 2018 par Legraoully @LeGraoullyOff

Mercredi 4 avril

10h : Côté Brest est un super journal ! Surtout quand j’écris dedans. Cette semaine, j’y ai publié une interview du professeur Pascal David, qui fut mon directeur de thèse, où il présente ses quatre lieux brestois de prédilection. Très fier d’avoir mis à l’honneur mon mentor, je montre la page à une amie qui croit spirituel de demander, ironiquement : « il n’a pas cité la gare et son piano » ? Car monsieur David a bénéficié malgré lui, par le passé, d’une notoriété médiatique provoquée par une connasse qui lui reprochait de jouer à sa guise sur le piano mis à la disposition des usagers de la gare de Brest : on a donné une importance excessive à cette histoire ridicule, on a été jusqu’à me dire que je risquais de ne pas pouvoir finir ma thèse, on a colporté les pires horreurs sur mon professeur… Je croyais que tout ça était oublié, mais j’ai eu la confirmation du contraire par la bouche d’une pourtant charmante personne (et qui reste quand même une amie). Si même cette jeune femme sans malice s’en rappelle, qu’est-ce que ça doit être chez les sycophantes professionnels prêts à saisir n’importe quel prétexte pour descendre en flammes un intellectuel contre lequel il ne peuvent pas lutter ! Alors qu’ils se le tiennent pour dit : monsieur David est (et restera probablement longtemps) le plus brillant des enseignants-chercheurs en philosophie que Brest ait connu, je suis très fier et heureux d’avoir été son élève, non seulement il a pu me diriger jusqu’à ma soutenance mais il suit actuellement une autre doctorante, après quoi il prendra une retraite bien méritée à l’heure qu’il avait lui-même choisie ! Et tous ceux qui auraient voulu se servir une péripétie banale pour le mettre à la retraite anticipée, JE LEUR DIS… Bon, j’arrête, je deviens grossier et puis il ne faut pas en rajouter.

Mais pourquoi suis-je aussi méchant ?

12h30 : Au comptoir de la cafétéria de la faculté des lettres et sciences humaines de Brest, une femme d’âge mûr, en reprise d’études, me demande ce que je viens y faire. C’est une question qui revient souvent : il est vrai que ma présence dans cette UFR peut surprendre vu que je ne suis plus étudiant et que je ne donne pas (encore ?) de cours. J’ai donc de plus en plus de mal à faire montre de patience quand je dois répondre pour une énième fois que je reviens à la fac par habitude, pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions entre deux rendez-vous à l’autre bout de la ville. D’ailleurs, là, je craque et avant même de faire cette réponse, je sors de mes gonds et je lui demande si elle me considère elle aussi comme un intrus ! Je m’en veux aussitôt d’être si agressif : qu’est-ce qui me prend ?

13h : Toujours au comptoir, je converse avec le doyen de la faculté et on échange des considérations sur le vent de fronde qui souffle actuellement sur l’université : il me fait remarquer que les étudiants qui occupent actuellement un amphithéâtre restent « corrects » au sens où ils ne se livrent à aucune déprédation et ne vont pas jusqu’à bloquer carrément la fac – c’est que ça s’est vu, savez-vous ? Je ne peux m’empêcher de lui dire qu’en mai 68, les étudiants brestois étaient déjà très sages bien que clairement engagés : pourtant, je sais pertinemment qu’on ne peut pas comparer ce qui arrive aujourd’hui à ce qui a eu lieu il y a cinquante ans. Les causes ne sont pas les mêmes et j’ai peur qu’elles n’aient pas non plus les mêmes effets : je suis peut-être trop pessimiste, mais au vu de ce qui s’est passé ces dernières années, j’ai peur que si ça dégénère, nous soyons plus près d’une révolution brune que d’une révolution rouge ! Je vois déjà le bon peuple faire des pogroms de musulmans ! Bref, si mai 2018 n’a pas lieu, ce ne sera peut-être pas plus mal ! Pour le changement, j’attendrai que les gens retrouvent la raison !