Cons du volant (râlerie) [Je ne m’étais vraiment pas fait chier sur ce titre, dites donc]

Publié le 09 avril 2018 par Hesperide @IsaBauthian

Râlerie initialement parue dans le Lanfeust Mag de juin 2017.

J’habite une partie de l’année dans les Vosges, une région connue pour son frometon, son festival du film fantastique, sa bière et ses 30% de vote FN à chaque élection depuis 15 ans. On y trouve aussi de beaux paysages, de jolies routes pour les visiter et, sur ces dernières, des gens qui conduisent bien.
Sisi.
Mon autre patrie étant la région parisienne, je peux l’affirmer : le Vosgien est un as du volant (il faut dire que quand tu vis dans un coin où les pouvoirs publics t’octroient deux bus par jour s’ils sont de bonne humeur, t’as plutôt intérêt à miser sur le véhicule perso).
Le Vosgien présente cependant deux inconvénients majeurs :
– Il fait partie de cette catégorie d’innocents terrifiants adeptes du « Nan mas JE GÈÈÈRE ! ». Genre, ils peuvent enchaîner les cascades, rienafout’, ça passera, personne en face ne va paniquer, faire un écart et envoyer tout le monde CREVER DANS ATROCES SOUFFRANCES, on t’a dit qu’il gérait.
– Il roule à gauche.
Il.
Roule.
À gauche.
Et quand tu lui demandes « Mais pourquoi tu roules à gauche ? », il te répond : « Beh j’roule pas à gauche ! »
En roulant à gauche.
Le Vosgien au volant est un joli cas de dissonance cognitive à l’échelle départementale. Au pauvre banlieusard désirant se mettre au vert de faire avec lorsqu’un gars ou une meuf en confiance lui arrive dans la face en plein virage.
Il existe diverses spécificités chauffardes régionales (à Paris, c’est tout connement le fait de ne pas savoir conduire), mais certains comportements sont plus largement répandus.
Et il est temps qu’on en cause.

Clignotants

On a, dans notre pays, une chouette tradition : quand on tourne à gauche, on allume une loupiote à gauche. Ça mange pas de pain, c’est pratique, et ça évite au mec qui nous suit de nous rentrer dans le fondement et de creuser le trou de la Sécu. Certains esprits délicats, cependant, refusent de risquer un claquage de l’articulation interphalangienne proximale, et préfèrent tenter la télépathie. Les résultats sont diversement appréciés (les conducteurs désapprouvent, les garagistes sont fans). Mais, encore plus magiques sont ceux qui mettent le cligno APRÈS avoir tourné. Champions de l’ironie ou cons finis ? Je m’interroge (et je les hais).

Passages cloutés

Autre coutume mimi comme tout : les petites bandes blanches tracées sur le sol. On appréciera leur esthétisme et leur fantaisie : les mômes peuvent jouer à la traversée de rivière peuplée de crocodiles, pendant ce temps-là ils ne s’engueulent pas, c’est divin. Mais, le saviez-vous ? Nos amis les urbanistes ont en réalité imaginé ces fantaisies dans un but humaniste. Vous séchez ? Allez, un indice : ça s’appelle des passages PIÉTONS !
Je vous jure qu’il m’est arrivé, en m’arrêtant pour laisser passer des gens, tant la pratique est rare, de recueillir de ces regards reconnaissant qu’on réserve au chirurgien qui vous a transplanté un poumon ou, carrément, des airs suspicieux. Comme si les mecs se disaient : « Déconne pas,  Roger, c’est un piège ! » J’avais le pied sur l’accélérateur, le rictus meurtrier et la bave aux lèvres, et j’allais repeindre le bitume avec leurs entrailles dès qu’ils auraient la folie de poser un orteil sur la route.

Virages à gauche

Je ne sais pas vous, mais moi, quand j’ai passé mon permis, mes profs m’avaient fait une liste de trucs rédhibitoires. Du style, tu fais ça une fois, laisse le volant au suivant, tout le monde rentrera plus tôt chez lui. On avait par exemple le fait de rouler sur une ligne blanche, celui de ne pas marquer un stop et… de couper les virages à gauche. Du coup, j’ai pris l’habitude, quand je tournais à gauche, de bieeeen aller jusqu’au bout, puis de bieeeen pivoter à angle droit. Manifestement, je suis une grosse nerd sans fantaisie parce que je suis LA SEULE. Ce qui pourrait prêter à sourire si le virage large n’était pas L’UNIQUE MANIÈRE DE PROCÉDER SANS COLLER UN BORDEL SANS NOM, ENTRE LES GENS QUI, BLOQUÉS, NE PEUVENT PLUS TOURNER DANS L’AUTRE SENS, TOI QUI NE VOIS RIEN DE CE QUI ARRIVE À DROITE, ET LES TRENTE GARS DERRIÈRE EN MODE GOULOT D’ÉTRANGLEMENT JUSTE PARCE QUE ÇA T’ARRACHERAIS LES CHEVILLES DE POUSSER SUR LA PÉDALE SUR UN MÈTRE CINQUANTE DE PLUS, DUCON !!!

La créature qui ne double jamais

Le lemming. Créature de route départementale, dès qu’il monte dans sa bagnole, il débranche tout sauf le cerveau reptilien. Et il suit le flow, voyez. Vous roulez pénard, il vous colle au fion pénard, vous roulez pressé, il vous colle au fion pressé. Du coup, comme vous n’êtes pas suicidaire, vous roulez pénard, en espérant qu’il finira par doubler.
Ah, douce innocence ! Ça n’arrivera jamais. Votre seule chance, c’est qu’il vous lâche au prochain carrefour ou fasse une pause pour s’alimenter (auquel cas : oubliez votre estomac qui crie famine et tracez. Loin !)
Une fois ou deux, j’ai réussi à me débarrasser de la chose en m’arrêtant sur le bas-côté pour la laisser passer. Mais je suis persuadée qu’il en existe d’un taxon transgénique qui se seraient garés derrière moi !

Les vieux

Retour dans mes Vosges, département de vieux. Et qui dit vieux, dit baisse de vigilance et de réflexes. Les personnes qui en sont conscientes, et qui ont gardé un peu de respect de leur prochain, font gaffe quand elles prennent le volant obligatoire (vous vous rappelez les deux bus par jour ?) et conduisent lentement.
TRÈS lentement.
Quand tu viens comme moi de la capitale, et que tu n’as pas le pognon pour autre chose qu’une citadine qu’a pas de reprise, c’est foutu : tu es coincé.
Tu deviens la créature qui ne double jamais.
Parce que oui, même si c’est les Vosges, ça reste une terre de montagnes.
Et ces chieurs-là sont les pires : tu ne peux pas engueuler. Parce qu’ils nous pourrissent la route pour de bonnes raisons.

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