T’es pas mon père ! (râlerie)

Publié le 01 mai 2018 par Hesperide @IsaBauthian

Râlerie initialement parue dans le numéro d’octobre 2017 du Lanfeust Mag.

Non, non, je ne vais pas vous parler de Star Wars, d’Œdipe, des films Thor de Marvel, ou de l’une des trouzemille histoires autour du sujet du parent caché et du choc de la révélation, non, non, non,  je ne vais pas faire culturel, je vais faire quotidien. Bassement quotidien. Tellement bassement quotidien que c’est devenu une foutue habitude. Tellement une habitude que ça me donne des envies de meurtre. Tellement des envies de meurtre que je vais plutôt en faire un article, ça défoule et c’est moins risqué pour tout le monde.

Mais de quoi elle parle, la meuf ? Faut se détendre !

Je vais vous dire, de quoi je parle.

Oh, nom de Dieu, je vais même vous le hurler.

Je parle.
De cette manie.
Qu’on maintenant les industriels et les administrations.
De s’adresser à nous.
COMME SI ON ÉTAIT DES FOUTUS.
BORDEL.
DE LEURS RACES.
DE MÔMES !!!!

Alors je sais bien que, depuis Amélie Poulain (2001 quand même, les mecs), on est tous passés en mode régressif, entre les pubs sur fond de chansonnettes accompagnées au ukulélé, la comfort food et les œuvres au regard à la fois triste et tendre sur notre société et nos compromis (avec SURTOUT pas de réflexion sur comment changer les choses, ça pourrait forcer à se remettre en question), mais à quel moment les boîtes qu’on PAYE et l’administration à notre SERVICE ont-elle commencé à nous causer comme s’ils étaient nos darons ? Sur le moindre site Web, dans la moindre notice, vous n’avez plus « Mode d’emploi », « Contact » ou « Compte client » mais « Ma Découverte Pas à Pas », « Mes Questions » et « Mon Espace Perso ». Sans déconner, d’où tu me parles à la première personne, entreprise ? J’ai l’air d’avoir quoi ? Quatre ans et demi ? C’est quoi cette fausse proximité passive agressive ? Et si je t’appelle pour gueuler (parce qu’évidemment « Mes questions » sont les questions que TU veux que je te pose, pas les questions que JE me pose), après vingt minutes de Yann Tiersen entrecoupées de messages dictés par Poppy (vous ne connaissez pas Poppy ? Googleisez-la. C’est terrifiant), si j’ai enfin la chance de tomber sur un être humain, la conversation risque de ressembler à ÇA :
—   Bonjour, madame Bauthian, je suis Marie-Caroline-Charlotte.
—   Bonj…
—   … et je vous souhaite une belle journée.
—   Je… merci. Alors j…
—   Comment puis-je vous aider, madame Bauthian…
—   Et bien, si vous me laissez…
—   …  à améliorer votre expérience ?
—   Vous…
—   Madame Bauthian, je vous écoute.
AH MAIS VOUS POUVEZ COMMENCER PAR LA FERMER DEUX SECONDES, EN FAIT ! ET À ARRÊTER DE RÉPÉTER MON NOM, JE LE CONNAIS !!! ET À ME FILER LE VOTRE, D’AILLEURS, LE VRAI, ET AVEC UN NOM DE FAMILLE PARCE QU’ON EST DES ADULTES ET QU’ON LE SAIT TOUS QUE VOUS VOUS APPELLEZ PAS MARIE-CAROLINE-CHARLOTTE MAIS FARIDA, QUE VOUS AVEZ UN BAC + 12, MAIS QUE LES GROS RATS EXPLOITEURS POSTCOLONIAUX QUI VOUS EMPLOIENT VOUS DEMANDENT DE RÉPÉTER CES CONNERIES EN ABANDONNANT JUSQU’À VOTRE IDENTITÉ POUR NE PAS FROISSER LE PETIT BLANC, DÉJÀ QUE, MANIFESTEMENT, ON NE PEUT PLUS LUI DIRE « CLIQUEZ ICI » SANS QU’IL SE SENTE OPPRESSÉ, ET QU’IL FAUT REMPLACER CA PAR « MON BOUTON SUIVANT » !

Et encore, gueule, je gueule, (sisi, je geule) mais ça, c’est la stratégie subtile. Celle qui crée un cocon de fausse douceur en jouant à la complicité affectueuse pour espérer tromper les mecs qui n’ont jamais vu Gattaca.
Mais il y a ceux qui n’essaient pas de faire l’effort d’être fins.
Ceux qui vous forcent à plonger dans leur small small world de sourires obligés, de citoyens du monde où qu’on est tous potes avant même de se donner du respect de base.
Ces concepteurs d’applis, de jeux, de vêtements et de boissons « trop cool », ces ados rêveurs de quarante piges, ces startupers dreadeux et ces minettes au sourire greffé à la tronche, ces trop sympas qui n’oublient pas de vous pomper votre pognon par abonnement renouvelable tacitement tous les mois pour payer leur loft au style indu dans le Marais.
Ces gens… et leurs produits… VOUS TUTOIENT.

J’espère qu’ils finiront en Enfer, à torcher le cul des diablotins, à poil, en marchant sur des braises. Et qu’on appellera ça « Mon Espace Expiation ».

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