Mardi 5 juin
15h : Visite chez un particulier, brestois d’adoption, qui n’est autre que l’arrière-petit-fils du général Nicolas Lokhvitsky, commandant du Corps Expéditionnaire Russe en France pendant la première guerre mondiale. Ce vieux monsieur semble sorti tout droit d’une aventure de Tintin, tout comme son intérieur, rempli à ras bord d’objets et de documents liés à cette période charnière de l’histoire russe – c’était aussi l’époque de la révolution bolchévique. Le personnage me fascine tellement que je n’ai même pas le réflexe de lui donner ma carte de vitesse en partant comme j’en ai l’habitude, comme quoi on n’a pas besoin des réseaux sociaux pour rencontrer des gens intéressants.
Mercredi 6 juin
12h : Parmi les engagements du nouveau gouvernement néo-fasciste italien, on retrouve le rapprochement avec la Russie : vous n’avez pas été frappés par cette passion commune aux démagogues (je n’écris pas « populistes » par respect pour le mouvement littéraire auquel ce mot a été volé) européens pour la Russie de Poutine ? Certains diront que c’est parce qu’aider Poutine à pousser ses pions en Europe de l’Est, c’est affaiblir l’Union européenne présentée au bon peuple comme la source de tous les maux : cela est vrai, mais ce n’est pas la seule explication. La Russie actuelle, c’est d’abord un régime politique qui se prétend démocratique mais où l’opposition est muselée, les homosexuels persécutés et le viol puni d’une simple amende : bref, c’est un pays où le mâle blanc hétérosexuel et chrétien, autant dire le « cœur de cible » des politiciens démagos, peut se sentir le roi du monde. En clair, si les démagogues européens vouent une telle admiration à la Russie de Poutine, c’est parce qu’elle leur permet de faire miroiter à leurs gros beaufs d’électeurs un monde dans lequel les zadistes, les féministes, le mariage pour tous et autres « conneries de bobos-biens-pensants » ne seraient même pas envisageables, un monde où la liberté des gros cons ne devrait plus s’arrêter là où celle des autres voudrait commencer…
21h : Après avoir bu quelques verres, je manque de m’écharper avec un ami sur la distinction entre « vulgaire » et « grossier ». Faute de mieux, je lui dis que quand Jean Yanne disait « merde », il était toujours moins vulgaire que Cyril Hanouna quand il dit « salut ». J’aurais pu développer, les exemples ne manquent pas : quand Cavanna ou Nadine Monfils écrivent des romans pleins de mots crus, ils sont grossiers, tandis que quand Marc Musso et Guillaume Lévy écrivent des romans à l’eau de rose aseptisés, ils sont vulgaires ; quand Reiser faisait dire « merde » au petit Jésus, il était grossier, quand Minute traite Christiane Taubira de guenon, il est vulgaire ; quand De Caunes jouait Didier L’embrouille, il était grossier, quand Drucker cirait les pompes de Mireille Mathieu en nous faisant croire qu’il avait du talent, il était vulgaire ; quand François Ruffin se fâche à l’Assemblée, il est grossier, quand Stéphane Bern reproche à ce député ses tenues débraillées, il est vulgaire. Bref, la grossièreté est un excès de franchise destiné à secouer les consciences tandis que la vulgarité un excès d’hypocrisie destiné à endormir le bon peuple. Attention ! Certains vulgaires se déguisent en grossiers pour tromper leur monde, on les reconnait à la vacuité de leur discours où la grossièreté est réduite au rang de cache-misère. Exemples : Hanouna, Bigard, Booba, Morano, Trump…