« Je suis une femme, donc un être multiple» disait Juliette Gréco. C’est en ces quelques mots, que la
chanteuse résumait parfaitement le dilemme des publicitaires d’aujourd’hui pour qui une campagne de communication réussie passe par l’identification et la projection de la cible aux situations et
aux produits proposés.
À
l’époque de nos grands-parents, tout était bien plus simple pour les pubards. La ménagère de moins de 50 ans était une brave femme au foyer affublée d’un mari dilettante et de quatre mouflets.
Son bonheur se résumait à donner du plaisir à toute sa famille grâce à un bon bol de Banania, tout en rêvant d’être Angélique marquise des Anges.
Vous remarquerez que je passe sur le fait qu’a été bien vite oublié le rôle prépondérant des femmes pendant la 2e guerre mondiale et que le présage des mouvements féministes qui ont secoués les années 60-70 n’a été en rien ressenti.
Mais aujourd’hui, la donne semble bien plus compliquée. Après une multitude d’études très compliquées et très laborieuses à décortiquer, on s’est aperçu qu’il n’existe pas une seule unique Madame Michu (oui, c’est le petit nom dont nous affuble les marketeux, vous apprécierez) mais plusieurs avec des ambitions bien différentes Aïe, il est bien loin le doux temps où l’idéal féminin universel tournait autour de trois mots : mari, maison, bébés.
Alors elle est comment la femme 2008 selon nos publicitaires ? Après analyse, on peut clairement avancer qu’elle est très bizarre et à mille lieues de ce que vous êtes dans la réalité. La preuve en quelques portraits.
La Lara Croft des toilettes
Dans le monde merveilleux de la publicité, la femme possède de super pouvoirs. C’est donc vêtue de sa combinaison latex qui met en valeur ses formes forcément parfaites, qu’elle s’attaque bille en tête à l’immonde et odieuse cuvette des toilettes. Grâce à son arme secrète, plus connue sous le nom de Harpic, la saleté trépasse en une simple pression de gel. Elle ressort victorieuse de cette bataille, la mèche bien en place.
Dans la vraie vie, c’est un petit peu différent. Habillée du jogging de vos 16 ans et avec le gel toilette Marque Repère, vous vous dirigez à reculons vers les WC. Entre deux hoquets de dégoût, vous frottez et refrottez pour retrouver le blanc plus blanc que blanc de l’émail. La crasse résiste. Vous grognez et frottez de plus belle. Au bout de 20 min de combat acharné, vous êtes en nage, le mascara dégoulinant et le cheveu poisseux mais les toilettes rutilent. Trop forte !
La coquine de la salle de bain
Dans le tendre monde de la publicité, se laver ne relève pas d’un simple frottage de soi avec un gant de toilette usé, mais bien de tout un art érotico-hygiénico-sensuel. L’eau ruisselle sur le corps de la déesse au sublime grain de peau, elle ferme les yeux, soupire de plaisir et caresse doucement son derrière de genou avec une fleur de bain (rien que le terme laisse rêveur). Le temps ne compte plus. C’est - en toute simplicité - un instant de grâce.
Par contre, dans votre vie de tous les jours, c’est illico-presto que vous prenez votre douche. Comme d’habitude vous vous êtes réveillée avec ¼ d’heure de retard ; entre shampooing et savonnage vous pensez à tout ce que vous avez à faire dans la journée : passer au pressing, payer la crèche, finir le budget Trucmuche, nettoyer les toilettes en tenue de guerrière sexy,… Zut, vous avez du savon dans les yeux et ressemblez désormais à un lapin albinos. Pour le côté glam’-affriolant, on repassera.
Barbie chevelure de rêve
Dans le même axe que la belle dans son bain de miel, la femme de la pub a tout simplement une chevelure prodigieuse : douce, soyeuse, avec des reflets intenses et un effet gloss qui fait mal aux yeux. Et pour ne rien gâcher, volume magistral et coiffage exceptionnel clôturent le tout. Ce n’est pas Eva Longoria et toute la team l’Oréal qui nous diront le contraire
A ceci près que vous, étonnamment, ce n’est pas dans un salon de coiffure que vous passez vos journées. Alors entre le métro, le boulot, le portage de mômes, les courses chez Carrouf’ et le sport pour être en forme, votre chevelure ressemble plutôt à un tas de spaghettis tout juste égouttés. Et pourtant vous faites des efforts ; votre salle de bain est un véritable linéaire de masques et d’après-shampooings miraculeux. Le résultat reste cependant le même : consternant.
Celle qui perd la tête
Dans le monde idéal de la publicité, la femme en lingerie n’a pas de tête ! Oui, oui, vous avez bien lu. Plus de 200 ans après la Révolution française et 27 ans depuis la mise à la retraite de la guillotine n’ont pas empêché nos publicitaires ingénieux d’étêter les plantureuses mannequins en sous-vêtements sexy. Tout un symbole !
Sauf que vous, vous avez certes un corps moins galbé que celui de la pauvre décapitée de la pub Aubade, mais il n’empêche que votre tête repose bien sur vos épaules. Bon, elle est pas toujours au top (comprendre pores bouchés, yeux cernés, spots sur le fronts) mais les neurones qui la composent vous permettent de dire merde à tous ses crétins du marketing qui pensent que votre idéal se situe dans la vie rêvée des marques. Et pourquoi pas au paradis des lapins tant qu’on y est !?!
Alors on fait quoi fasse à tant d’écart entre la femme vue par la publicité et la femme ordinaire que nous sommes ? Rien, on ne fait rien.
Parce qu’après tout, s’il y a bien quelque chose qui nous plaît dans la pub, c’est de pouvoir croire que tous les produits dont on nous vante les mérites sont une forme de rédemption à nos soucis quotidiens. Et si cela ne fonctionne pas tant pis, on attendra les prochaines innovations qui nous ferons vraiment devenir des Lara Croft à la chevelure de rêve et au corps magnifique et dont le repos salvateur se trouvera sous une douche aphrodisiaque.