[DEPUIS LA FENÊTRE OUVERTE]
depuis la fenêtre ouverte
il ne fait pas froid
il ne fait pas sombre
nous avons notre lumière
si faible pourtant vivace à travers les corridors
dans le foin des granges
dans les baignoires des palaces
ils disent : ça peut s’arrêter
parfois l’amour s’endort
longtemps
doucement
seul le bruit des heures qui s’en vont arrive
depuis la fenêtre ouverte
je ne m’en fais pas
je suis en train de creuser des terriers dans ma vie
pour te faire de la place
pour que tu puisses venir fermer les yeux
oublier le sang de ceux qui vont partir bientôt
le sang continue
lui
l’orage continue
lui
de balayer la terre et les oiseaux
je vais apprendre à rester là si tu m’aides à m’asseoir
écouter la musique des flammes
tendre la bouche comme on tend l’eau à l’enfant
qui veut boire
la soif continue
elle
la langue continue
elle
d’effleurer d’autres langues pour meubler la mémoire
seul le bruit du feu qui crache arrive depuis la porte ouverte
je cesserai d’écrire des poèmes le jour où l’on cessera
de considérer
les hommes sincères
comme des hommes malades
en attendant la rivière continue
elle
la pluie continue
elle
demain matin les ronces vont griffer les renards dans les bois
le ciel ce grand poumon sauvage a jeté ses filets
sur les hommes tout en bas
seul le bruit de la terre arrive depuis la fenêtre ouverte.
Cécile Coulon, Les Ronces, Le Castor Astral, 2018, pp. 71-72.
CÉCILE COULON
Source
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site du Castor Astral) une fiche bio-bibliographique sur Cécile Coulon
→ (sur le site du Castor Astral) la fiche de l’éditeur sur Les Ronces
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