Lundi 9 juillet
11h : J’ai pas mal de choses à faire mais, avec ce soleil, l’appel de la mer est plus fort que tout. Quelles que soient les circonstances, il est toujours urgent de profiter, dès que possible, du soleil, de la mer, de l’air… Je suis un peu comme George Sand : « Ne pas courir au soleil quand ce bon soleil de Dieu vous attire irrésistiblement (…), voilà ce qu’il me fut toujours impossible d’observer. » On a le droit de me trouver futile, mais s’il y avait plus de gens à raisonner comme moi au lieu de courir après les honneurs, l’argent, la gloire, etc., le monde se porterait sûrement mieux, vous ne croyez pas ? Tout en nageant, j’observe mes semblables, encore peu nombreux en cette fin de matinée et je vois une petite fille qui, effrayée par un gros chien, hésite à sortir de l’eau malgré les injonctions que lui adresse la rombière (mère, grand’mère, tante ou marraine, qu’importe) qui l’accompagne… Chaque fois que j’assiste à ce genre de scène, je suis révolté qu’on fasse honte à un enfant de ses peurs : on oublie trop souvent que pour nos chers petits, le monde parait deux à trois fois plus grand que pour nous ! Dans le cas présent, le chien, aussi pacifique fût-il, devait sûrement faire l’effet d’un monstre à la petite : pourquoi ne pas la prendre dans ses bras et la rassurer au lieu de la traiter comme un officier traiterait un conscrit rechignant à aller se faire charcuter au champ d’honneur ? « Ah mais professeur, on n’est pas chez les Bisounours, il faut apprendre à nos chères têtes blondes à vivre avec la dureté du monde » et gnagnagni et gnagnagna ! Pauvre cloche, et si nous élevions tous nos enfants dans la douceur ? Si nous leur apprenions à aimer le monde et non plus à lutter contre lui ? Nous construirions ainsi un monde moins dur, justement !
Mardi 10 juillet
15h : Incorrigible, je retourne me baigner. Je garde un œil sur le niveau de la mer afin de ne pas perdre pied et un autre sur les autres baigneurs, histoire de pouvoir lorgner sur le maillot des filles de temps en temps. Et oui, je ne suis pas de bois et je dirais bien, si je croyais en Dieu, que la fille en bikini est une preuve de son existence ! Même les grosses ? Surtout les grosses ! Mais je m’égare : tout à coup, je m’aperçois que ma route est coupée par un ballon de plastique qui a échappé à son jeune propriétaire et part à la dérive. Je le touche, dans l’espoir de le rapprocher du gamin qui tente de le rattraper, mais je ne parviens qu’à l’éloigner davantage. Le courant est si fort que le ballon va là où je n’ai plus pied moi-même… Une scène comme ça, il y en a sûrement des dizaines par jours sur toutes les plages où vient se presser la foule estivante : autant de petits drames qui viennent mettre un coup de poignard dans une vie d’enfant mais, surtout, envoient de nouveaux déchets engraisser de plus belle le continent de plastique qui enlaidit le Pacifique… Et si l’énergie qu’on gaspille à donner honte de leurs peurs aux enfants, on l’employait plutôt à leur donner des rudiments d’écologie ? Ce serait autrement plus urgent…