Sait-on jamais quel mot, quelle phrase touchera l’autre?
Hier soir, ce fut le mot fluide.
Francine a dit que j’avais « une écriture fluide » dans mon blogue.
Et elle me donne le livre Les femmes qui écrivent vivent dangereusement.
Me parler de mon blogue, me donner un livre. Je suis émue. Je suis aux anges. Je flotte. Je renais. On me lit. On aime ce que j’écris. C’est rare, c’est précieux.
Le savez-vous que vous êtes peu nombreux à me parler de mon sujet préféré : les livres. On ne devrait pas demander aux gens comment ils vont, on devrait leur demander : « qu’est-ce qui vous intéresse ces jours-ci? »
À quelqu’un qui n’est jamais très loin du fond de la désespérance (oui, je sais je suis un peu une Anne Shriley de l’exagération) en matière d’écriture, cette conversation ressemble à un printemps qui refleurit. À une eau fraîche par un jour de canicule. À un lever de soleil rosé après des mois de nuages noirs.
Vous me direz que j’étais pourtant déterminée fin mai au retour du camp littéraire Félix. Oui, bien sûr. Mais en bon bélier qui a la course rapide, mais la résistance anémique, j’ai eu la respiration haletante un mois plus tard. L’estomac s’en est mêlé, le sommeil aussi. Les questions ont suivi. L’écriture ne coulait plus, était loin d’être fluide. C’était devenu un devoir. Le genre de devoir qu’on écrivait pour plaire au professeur. Où notre cœur n’y était pas.
Et pour éviter d’entendre « non, non, non » de M. B. qui m’interdit le scepticisme, je me suis même interdit mon Carnet de roman. Je n’ai rien abandonné, tout juste délaissé.
L’été, il y a les fraises, les framboises, les bleuets.
Il y a les pique-niques, les baignades, les promenades à vélo.
Il y a les vacanciers à accueillir, la famille à recevoir.
Il y a aussi les merles, les geais bleus, les phébis à observer.
Il y a les livres à lire.
Il y a la vie.
Je me suis donc remise à la lecture. Frénétiquement, comme une nageuse essoufflée qui s’accroche à une bouée qui la fait encore rester un peu dans l’eau, son milieu préféré.
J’ai enchaîné les lectures :
Bien sûr, Les femmes qui écrivent vivent dangereusement de Laure Adler et Stefan Bollmann. Sur les cinquante femmes citées, j’en connaissais une petite vingtaine. Donc encore des heures de plaisir à découvrir les autres.
Puis,
Hôtel Lonely Hearts : J’ai encore ragé contre le titre anglais (en partie, je sais puisqu’il y a un accent circonflexe sur le « o »). À les voir se multiplier (My absolute darling, After), à ne pouvoir m’y opposer, je baisse le ton. Je me suis d’ailleurs demandé pourquoi ce titre. On mentionne le nom de l’hôtel une seule fois… à la page 518. L’éditeur a raison de dire que c’est « un conte sans fées ». Un style original, de l’érotisme à chaque page, des métaphores à la tonne, de la musique, de la magie. Bref, j’ai bien aimé.
L’amour aux temps du choléra : Venu par erreur sur mon agrégateur Netvibes, alors que le billet de Madame lit datait de 2015, j’ai quand eu le goût de relire. Fait du bien de lire des vraies phrases, longues avec des virgules, des subordonnées. Une histoire qui ne bouscule rien, une intrigue sans violence, autre que celle des sentiments. Délicieusement suranné et puis, même pas. Disons que ce n’est pas l’amour qui m’émeut, mais qui ne rêve pas d’avoir un Florentino aussi tenace et patient.
Débâcle de Lize Spit (en numérique) : Attirée par les articles élogieux, les étoiles accordées, les prix remportés, il m’a fallu attendre longtemps avant de lire plus qu’un extrait parce qu’il est beaucoup emprunté, numérique ou papier.
Oui, pour les louanges méritées. Oui, pour la forme construite comme un scénario de télé. Oui, pour le récit glacial comme un vent calme avant l’orage.
13 à table : treize nouvelles publiées par certains auteurs chevronnés. Le thème de 2018 (parce que ça fait trois ans, je crois, que le concept existe, voir leur site Internet) est l’amitié. Certaines nouvelles s’en tiennent à ce thème d’autres non. Certaines sont vraiment surprenantes, d’autres ont une chute très réussie, d’autres un peu plus prévisibles, mais toutes agréables à lire.
Quarante-quatre minutes, quarante-quatre secondes de Miche Tremblay : J’étais à la bibliothèque municipale, j’attendais un livre pour une amie. Évidemment, je furetais. Tiens, un Tremblay que je ne me souviens pas avoir lu. Je feuillette. J’emprunte. Je lis. J’aime.
Alors, merci Francine. Merci pour Les femmes qui écrivent vivent dangereusement. Merci pour Hôtel Lonely Hearts. Mais surtout pour m’avoir écoutée. M’avoir parlé de mon blogue. Être intéressée par la lecture et l’écriture.
Alors moi aussi, un seul mot: merci.
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