Il suffit de l'un de ces revers de la réalité, d'un rappel de cet état dans laquelle un homme peut être plongé par ses regrets, sa tristesse et ses obsessions dévorantes. Celui qui te frappe chacun de ces matins terrifiants. Les pensées ne s'arrêtent jamais, malgré les efforts, les tentatives, les espoirs, l'illusion que celles-ci se soient calmées. Elles reviennent en permanence et ne proposent même pas une quelconque nouveauté. Elles ne se taisent jamais. Mon esprit ne se tait jamais. Je suis enfermé en moi-même et je souffre. Je suis enfermé dans mes ruminations dévorantes qui rendent chaque minute toujours plus pénible. Je voudrais que l'on me sorte de ma tête, que l'on me dégage de ce piège vicieux et rugueux. Je rampe, j'en ai même perdu la vue. Mon esprit a pris le dessus et je ne sais pas comment me dégager de ses filets. Je ne peux même plus voir aux alentours, je ne peux même plus voir mes enfants, ma famille ni même mon visage. Je ne fais que vivre dans ma boîte crânienne, si je peux encore appeler cela « vivre ». Je suis en effet vivant en tant que je ne suis pas mort, que mon corps n'est pas encore éteint mais j'entends à peine les appels que l'on me fait. Je dessine parfois quelques paroles de mes proches me conseillant ainsi de « retrouver la raison ». Je comprends leurs mots, ils résonnent en effet quelque chose de tout à fait compréhensible à mon esprit mais mes pensées ne veulent pas l'ingérer. Ces paroles glissent littéralement sur tout le brouhaha dans lequel je vis. Ma conscience semble être encore un peu présente, elle ne m'a pas abandonné. Je ne suis donc pas encore fou, peut-être. Si la folie est cette absence de conscience alors je suis encore sauvé, alors un espoir de guérison existe encore, peut-être. J'ai conscience, oui, de mon état en tant que je comprends les paroles de mon entourage. J'ai conscience, oui, même sans leurs mots, de la tristesse dans laquelle je suis. Je la ressens, dévorante, écœurante, maladive, étouffante mais je vais mieux qu'hier. La douleur est vide, traumatique, déchirante mais je vais mieux qu'hier. Mon corps est aujourd'hui une simple carcasse qui ne recueille plus rien mais je vais mieux qu'hier. Ma tête n'est plus qu'un moulin de pensées interminables. Le sommeil est mon plus grand remède, il est celui qui me soulage de mon quotidien. Je veux dormir, dormir sans cesse pour ne plus être conscient quelques minutes de la réalité. Je ne fuis pas, non, je soulage mes douleurs. Je veux guérir mais mes pensées ne sont pas encore prêtes. Elles ne me laissent pas encore tranquille alors j'attends que les jours passent tout en entretenant cette obsession, ces questionnements. La guérison est lente, elle semble interminable elle aussi. Je guéris déjà dis-tu ? Mais quelle sera la fin ? La mort ? La vie ? Quand saurais-je qu'il m'aura pardonné ? Quand pourrais-je enfin me pardonner ? Et les larmes coulent en continu à l'intérieur de mon corps inerte, de ce corps devenu bien trop lourd pour moi. Je ne suis pas dépressif. Je suis humain. Les coups de hache continuent de se battre en moi. Ils me réduisent en lambeaux. Mais pourtant, entendez bien, encore une fois, que j'essaye. J'essaye, oui, je ne mens pas. J'essaye de guérir et je vais même mieux. Vous devriez le reconnaître. Je rechute, dites-vous ? Je ne me souviens déjà plus de vos paroles. De quoi venons-nous donc de parler ? Il est encore plus douloureux que la réalité me remet cette frappe permanente lorsque j'ouvre les yeux. J'avais pourtant choisi de dormir pour soulager mes douleurs rappelez-vous, et pourtant je ne m'en souviens à peine... comme un remède que l'on prend lorsque le corps souffre, celui-ci paraît insuffisant lorsque ses effets thérapeutiques ont cessé d'agir. Alors je reprends ma dose. Je retourne me coucher pour mieux retrouver cette souffrance fébrile dans laquelle je me trouve quotidiennement. Mes pensées s'expriment parfois à voie haute, de la même façon qu'elles apparaissent dans ma tête. En boucle. Je réfléchis, j'interprète. Vous voyez, je suis encore capable d'appeler ma raison
pour essayer de guérir... comme vous me l'avez conseillé. Je ne l'utilise pas comme il faudrait ? Entendez bien, je vais mieux qu'hier et j'irais mieux demain.15.09.18