Les liens que J. L. de la Bermondie va tisser à la veille de la Révolution, puis tout au long de celle-ci, et en partie dans l'émigration ; permet un regard différent sur cette période exceptionnelle...
Rencontre d'un noble français avec l’idéalisme allemand.
Mon aventure est de vivre à travers un personnage infiltré dans l'Histoire, les événements qui amènent à mieux comprendre le sens de la vie. Et, la philosophie n'est-elle pas le support essentiel pour questionner le Réel, avec intelligence … ?
L'esprit du temps, semble souffler sur deux pays ; en France de manière effective, en action ( c'est la Révolution!) ; et en Allemagne, il souffle aussi , mais en tant que pensée... Ce qui va étonner un noble émigré français, comme J. L. de La Bermondie ; c'est cette effervescence animée par la révolution française...
Dans ce que l'on va appeler '' l'idéalisme allemand'', on peut croiser plusieurs courants : des ''romantiques'' ou des '' matérialistes'' ( je ne sais pas comment les appeler...?)... Et, entre les deux, je dirais que commence à poindre, la pensée complexe de Hegel (1770-1831)... Hegel n'est alors que l'humble chercheur, qui vers 1792, accepte, de se faire le disciple de ses amis; de Schelling (1775-1854) en particulier...
Tübingen de 1788 à 1793 : Hegel, Hölderlin et Schelling partagent la même chambre au séminaire protestant de Tübingen. Les trois amis rêvent d'une révolution dans les Allemagnes.
Refusant d'être pasteur, Hegel devient précepteur à Berne... Là, sa réflexion critique porte sur la religion chrétienne. Hegel critique la ''positivité'' de la religion chrétienne, il reprend une opposition héritée de Lessing et très remendue à l'époque entre le ''rationnel '' et le ''positif'', le ''naturel'' et '' l'historique''. Comme Lessing, mais aussi comme Kant après celui-ci, il semble caractériser comme '' positive '' toute doctrine, toute croyance qui nous serait imposée par une autorité extérieure: par la Révélation ou l'Eglise, par les institutions politiques, ou même par nos pernets, c'est à dire les éducateurs en la parole desquels nous attacherions foi, sans pourtant être capables de determiner s'ils sont ou non dans le vrai.
La couverture du tome 1 de "Fraternités", de Camus et Rosanas, édité chez Delcour
Ce que Hegel oppose alors à la religion positive, c'est une religion qui serait fondée sur la raison. Il développe un idéal moral de liberté qui semble inspiré par Kant.
En ces temps troublés et révolutionnaires, il faut bien reconnaître que l'entraide maçonnique a son intérêt pratique. J. L. de La Bermondie, trouve de proche en proche, un milieu accueillant et sympathique. Mais, plus que tout autre chose, c'est l'agitation intellectuelle qui va le marquer.
Il n'est pas absurde de penser que J. L. de La Bermondie puisse rencontrer Hegel, dans une soirée, un atelier ...
Il faut dire que les plus grands penseurs de l'époque, même s'ils sont encore pour certains inconnus, se rencontrent dans des ateliers qui sont véritablement des lieux de réflexion ; un peu comme si chaque frère cherchait là, quelque chose qu’il désespère de trouver ailleurs... ( ailleurs, notamment dans la religion)... Si, un Goethe ou un Fichte, fréquentent ces lieux, ce n'est pas pour banqueter, faire du commerce, ou manifester quelque générosité dans une bonne œuvre...
Est-ce un hasard, si le Grand-duché de Saxe-Weimar ( régi par des maçons) ; reçoit les écrivains et les philosophes les plus novateurs, comme Goethe, Herder, Fichte, Hegel, Schelling, et tant d'autres.. ?
Bien sûr, et heureusement, on s'aperçoit bien vite qu'il faut tenir compte des divisions idéologiques qui se déploient ici : on y croise les ''Lumières'' , et aussi les '' Illuminés de Bavière'' ( de nombreux intellectuels "progressistes" comme : Niethammer, Schelling, Jacobi, seront accusés par leurs ennemis d'appartenir à l'Ordre des Illumines de Bavière) , et même les ''mystiques'' ; un peu comme en France ( dans une moindre mesure).
Auparavant, du fait de la réputation des ''Illuminés de Bavière'', nous ne pouvons pas ne pas parler encore de la Franc-maçonnnerie...
La Franc-Maçonnerie, et la Révolution :
Le fameux ''serment du jeu de Paume'' (20 juin 1789), a un caractère maçonnique... Le Duc d'Aiguillon, qui fait partie depuis 1786 de la Société Olympique ( qui ne compte que des francs-maçons), avec le Vicomte de Noailles, proposent le 4 août 1789, la suppression des privilèges. Et, quand l'Assemblée Nationale va ensuite déclarer les Droits de l'Homme, inspirée par la déclaration américaine de 1776 ; on y reconnaît l’œuvre des maçons...
A la veille de la Révolution, le Grand Orient de France a 629 Loges et 30 000 Maçons. Même si on rencontre les opinions les plus variées parmi les députés maçons. On peut noter que, c'est dans la députation de la noblesse que la proportion de maçons est la plus élevée : 81 Francs-Maçons sur 285 députés, soit 28 % ; 6 % pour le Clergé et 17 ou 19 % pour le Tiers-Etat, 107 ou 121 sur 619 élus. Sur la base que l'assemblée était composée de 1165 membres, à l'ouverture le 5 mai 1789.
( Sources : M. Pierre Lamarque)
<- Ce tableau, très probablement peint au début de la Révolution Française, en 1789, symbolise la réconciliation de l'Église, de la Noblesse et du Tiers État en France devant l'entrée d'un temple maçonnique. Peint par Nicolas Perceval (1745-1837)
Si les maçons sont nombreux parmi les Girondins de la Convention, les grands ténors n'appartiennent pas à la Franc-Maçonnerie, à l'exception de Marat. Et Robespierre lui-même, contrairement à la légende, n'est pas maçon. La Terreur va arrêter les travaux maçonniques. Le Grand Maître Philippe d'Orléans, se fait désormais appeler Egalité, et déclare ne plus vouloir se mêler en rien des affaires du Grand Orient ni des Assemblées de francs-maçons.
Le Duc de Luxembourg, bras droit du grand maître et initiateur de la fondation du Grand Orient de France, émigre dès juillet 1789.
La thèse de l'abbé Barruel, selon laquelle la Révolution française résulte d'un complot fomenté contre l'Église et la royauté par les philosophes athées, les francs-maçons avec les ''illuminés'' et les jacobins, est sans fondement... !
La plupart des loges maçonniques de France font de la monarchie leur clef de voûte et chaque frère prête serment au Roi.
Favorables à une monarchie constitutionnelle, les maçons ne résistent pas au choc révolutionnaire... En 1800, seulement 75 loges seront en mesure de reprendre leurs travaux...
Necker n'a jamais été franc-maçon. Germaine de Staël, sera familière d'une certaine tendance maçonnique aux côtés de son mari, le baron suédois de Staël-Holstein, franc-maçon versé dans l’ésotérisme et fréquentant les cercles ''d’illuminés''... Mme de Staël dit ne pas apprécier ces sectes secrètes, qui veulent se distinguer par vanité.
Évoquant les ''illuminés de Bavière'', Mme de Staël écrit: « Un secret, quel qu'il soit, flatte l'amour-propre des hommes ; et quand on leur dit qu'ils sont de quelque chose dont leurs pareils ne sont pas, on acquiert toujours de l'emprise sur eux. »
Elle leur reconnaît une indépendance d'esprit, et observe cette fraternité qui permet de dépasser les différentes barrières sociales. En Écosse et en Allemagne, où se trouvent ses origines, la franc-maçonnerie est selon Madame de Staël une institution plus « sérieuse » qu’en France... !
Les ''Illuminés de Bavière'' ont formé une société secrète, sous l’impulsion d' Adam Weishaupt (1748-1811) en 1176, en Bavière où régnait une sorte de monarchie absolue, bastion de la Contre-réforme catholique et à l'écart du vent nouveau ( l’Aufklärung ) qui soufflait en Allemagne... L'ordre des illuminés se rallia à la franc-maçonnerie avec A. de Knigge (1781) pour devenir un cénacle où se retrouvait tout ce que la Bavière comptait d’esprits ouverts, adeptes du changement. L’Électeur sévit et promulgua plusieurs édits de 1784 à 1787: dissous, pourchassés, les Illuminés disparurent … Mais, la réputation de la secte ne cessa ensuite de hanter l'imaginaire ...