Jeudi 20 septembre
11h : Escapade à Quimper où m’appellent mes obligations universitaires ; on m’a dit beaucoup de bien de cette ville mais j’avoue ne rien lui trouver d’extraordinaire… Après un trajet en bus au travers de quartiers pavillonnaires mesquins que j’imagine bourrés de rombières débiles inquisitant la rue d’un œil milicien depuis les fenêtre de leurs salons encaustiqués, j’assiste à la première réunion du comité de lecture, dont je suis membre, d’une revue savante. Je réalise alors que cette activité consiste moins à examiner des propositions d’articles qu’à se disputer pour une virgule dans un texte officielle… Il y a des jours où la vie de chercheur me déçoit vraiment.
16h30 : Après l’Assemblée Générale de mon laboratoire, le directeur offre un pot pour les dix ans du labo à la suite de quoi un vieux chercheur se propose gentiment de me reconduire à Brest ; la vie de chercheur me déçoit parfois, mais heureusement, il y a des compensations : la bonté des hommes n’est pas la moindre d’entre elles…
Vendredi 21 septembre
13h45 : Pour la deuxième fois, je donne un cours d’histoire de la BD francophone aux étudiants de première année. Tout se passe bien : ils sont assez nombreux mais semblent attentifs ; en tout cas il y a peu de bavardages, tout au plus dois-je rappeler à l’ordre une seule fois trois étudiants un peu dissipés… Seulement, je ne peux pas oublier ma tante dont les obsèques ont lieu au même moment : mes parents m’ont assuré que toute la famille acceptait et comprenait mon absence, mais je garde un couteau au cœur en y repensant. Bien plus tard, j’apprendrai que quatre-vingts personnes étaient présentes à ses funérailles : au moins, on ne pourra pas m’accuser de l’avoir laissée partir seule – ce qui est, j’en conviens, une assez piètre consolation.
Samedi 22 septembre
14h : Passage aux Capucins pour me procurer et me faire dédicacer le numéro 3 de la revue brestoise annuelle de bande dessinée, Casier[s] : le cru 2018 me semble encore plus varié que les précédents et je prends plaisir à deviser avec tous ces talentueux artistes. L’un d’eux m’avoue qu’il apprécie, dans mes dessins, leur côté « naïf » au sens où on employait le terme pour qualifier les toiles du Douanier Rousseau. Je suppose que je peux le prendre pour un compliment ?
20h30 : Je tombe sur un reportage consacré au dernier film de Benoît Delépine et Gustave Kervern, I feel good, mettant en scène Yolande Moreau et Jean Dujardin. J’ai beaucoup d’estime pour le duo Delépine-Kervern : à mon sens, ces deux cinéastes Grolandais sont probablement les derniers cinéastes médiatiques en France à avoir des c******s au c** ; pour autant, je ne pense pas que j’irais voir ce film pour une raison qui va probablement vous paraître ridicule : je n’aime pas Jean Dujardin. Ce que j’ai enduré au collège m’a donné l’habitude discutable (j’en conviens) de « repérer » les hommes qui ont dû être des ados harceleurs et le personnage de bellâtre bling-bling de Dujardin m’amène à le rentrer, peut-être à tort, dans cette catégorie : n’allez pas vous imaginer que j’ai un préjugé irrémédiable contre les « beaux mecs rigolos » puisque je n’ai jamais ressenti ça avec Thierry Lhermitte. Disons que le phrasé et les attitudes de Dujardin me le rendent antipathique, me font voir en lui un oppresseur capable de mettre les rieurs de son côté aux dépends d’autrui : peut-être ai-je tort et cela me fait-il passer à côté d’un acteur majeur, mais tant pis ; à la limite, ça me donne un prétexte car je n’aime pas vraiment le cinéma, en tout cas pas suffisamment pour sauter le pas et pénétrer dans une de ces grandes sales obscures dont l’ambiance m’a toujours angoissé. Même à la télé, passer des heures à suivre une histoire devant un écran n’est définitivement pas mon truc…