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Publié le 09 juillet 2008 par Pffftt
Suite aux réclamations (voire menaces) de mamzelle Kami, voici la suite et fin de "A un cheveux près". Alors une excellente lecture à tous, et pis aussi un merci à Alec Gurney qui a partagé ses écrits dans le coin...
C'était bien cool moi j'dis!
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"2 h du mat’.
Dringg ! Drinnnnnnnngg !
« Nolan ! Ouvre ! Je sais que tu es là ! »
Mon prénom ne me semblait étrange que dans tels instants, lorsque j’avais dormi. A poil hormis le T-shirt et les tempes qui battaient à cause de la vinasse.
Même pas eu le temps de finir d’ouvrir la porte qu’elle jetait déjà sa veste et son sac de voyage sur le plancher de mon couloir, et elle n’était pas encore entrée qu’elle était déjà en train de parler. Effluves de parfum et de tabac.
« Ouah ! Quelle journée j’ai passé ! Tu savais que plus les peintres étaient mauvais, plus ils se prennent pour des New-yorkais et se servent de Basquiat comme référence ? Non ? »
Elle était déjà dans la cuisine et servait deux verres de vin blanc d’une bouteille entamée qui trônait dans la porte du frigo en continuant :
« Oui, je te jure, c’est la dernière fois que j’organise un vernissage pour un type dont j’ai pas vu toutes les œuvres, surtout s’il fait dans le néo-expressionnisme de merde…. »
Elle s’assoit sur le canapé du salon en me prenant la main pour je fasse de même.
« …En plus, Willem étant d’un chiant, il m’a draguée toute la soirée, super lourd, du coup avec ses conneries, j’ai jamais eu le temps de parler à Igor Christen plus de deux minutes, je l’inviterai plus….. »
Elle me tend un verre et avale une gorgée du sien.
« ….Christen est à Paris pour deux jours, j’ai quand même réussi à caler un rendez-vous pour demain, faut absolument que j’arrive à lui vendre les trois toiles de Kushner, si je réussis, je te ferai une surprise. Tu me fais un joint ?
- ‘Soir Leithian, j’aime pas les surprises. J’aime dormir. Je t’en roule un. »
On s’est embrassé.
Profondément.
Longtemps.
Mes mains dans sa tignasse, ses bras autour de mon cou. Collés.
« T’as une maîtresse dans ton lit ou alors c’est pour moi ?
- Pardon ? »
Dix minutes que Leithian était arrivée et j’avais pas remarqué que le sommeil m’avait donné une trique de tous les diables.
Elle murmura :
« Quand tu auras fini, on ira se faire un chinois, j’ai pas eu le temps de manger depuis ce matin. »
- Fini quoi ?
- De t’occuper de moi ! »
Juste après, j’ai dû tout oublier.
Mon plan, Noisy-Le-Sec, le penthotal et tout le bordel.
Autant je ne savais pas ce qui se passait dans ses entrailles, autant je ne comprenais rien à ce qui survenait aux miennes, mais comme à chaque fois, elle m’avait irradié, m’anesthésiant le cerveau ; il ne restait que mon coeur et mon ventre livrés à eux-mêmes.
Je ne lui ferais pas de mal ce soir.
Bien sûr, on n’a pas mangé chez le chinetoque, j’ai dû faire des pâtes vers 5h du mat’, quelque chose comme ça.
Des listels de lune nous avaient accompagnés à travers les volets dans nos baises - douces ou moins - et nos papotages jusqu’à plus d’heure.
Emmaillotés par eux, Morphée et sa caravane nous avaient fauchés sur le canapé du salon déplié en lit.
Chuuuit.
Frottage insignifiant.
Chuuit à nouveau.
J’ouvre un œil.
Parait que les filles ont un sixième sens pour deviner des trucs de ….filles. Moi, j’avais un sixième sens pour détecter les emmerdes. Je pose les pieds par terre et me redresse sur le canapé sans faire un bruit. Leithian dormait comme un bébé.
Avec ma bite qui valsait de gauche à droite, je me suis approché doucement de la porte qui donnait sur le couloir d’entrée en évitant soigneusement les coins du plancher que je savais grinçants.
Ils devaient être deux, je les entendais bouger, des pros, ils étaient discrets, très discrets, mais pas assez. Y en avait un qui se dirigeait vers moi, j’entendais le bziiiiiittt caractéristique d’une lunette de vision infrarouge.
Un gros cendrier de verre.
Ca fera l’affaire.
De toute façon, j’avais rien d’autre sous la main.
Me cale dans l’angle de la porte.
Sa respiration.
Courte.
Rapide.
Il doit être à moins de deux mètres.
Attendre encore un peu.
Leithian ronfle gentiment.
Un mètre.
Encore un peu.

J’imagine la taille du mec en situant le grésillement de sa lunette sanglé autour de la tête.
Viens encore ! Fils de pute !
Mon cœur va péter tellement il carbure.
Maintenant !
Mon bras part comme un piston.
Son mat et craquement sourd.
Le cendrier avait fracassé instantanément la glotte de l’ombre qui apparaissait sur la droite. Un gargouillis informe comme simulacre de cri, la forme porte les deux mains à sa gorge.
Un second et dernier coup de piston appliqué de bas en haut avec la paume de la main dans le bas du nez lui arrache la cloison nasale pour remonter comme un stylet lui transpercer le cerveau.
Il ne râle plus et s’écroule sur moi.
Je l’accompagne au sol et le tire dans la pièce.
Silence.
Il n’y avait que la respiration de Leithian sous la couette.
Silence.
Et puis, un murmure presque inaudible :
« Hans ? »
« Hans ? Wo bist du ? »
Hans, j’ai besoin de ton couteau !
Je me baisse pour ramasser le gros couteau de combat que la dragonne retenait au poignet du con à mes pieds.
J’me recale dans l’angle de porte, il est obligé de passer par ici.
J’attends.
Pas longtemps.
Un éclair et immédiatement une douleur fulgurante à l’épaule.
Il est déjà devant moi et me saisit la gorge de sa main libre.
Visage grotesque avec son œil unique et rougeoyant.
Le bras arrache la lame qui m’avait transpercé jusqu’à aller se ficher dans l’omoplate.
Cri de bête. J’ai des étoiles devant les yeux.
Hurlement de Leithian.
Pur instinct de survie animal, le couteau de combat de Hans s’enfonce jusqu’à la garde dans la nuque du cyclope moderne.
Il s’écroule.
J’ai dû m’évanouir.
Douleur.
Odeur.
Retour.
Fraîcheur humide.
J’y voyais rien qu’un brouillard avec deux billes vertes, ou bleues.
Elle était là, son visage au-dessus du mien. Elle me souriait je crois.
Douleur intense.
« Comment te sens-tu ? »
Impossible de bouger, le corps en marbre.
Impossible de parler, j’avais des lèvres de plomb.
Douleur lancinante.
J’ai senti la douceur des siennes sur mon visage me redonner vie.
Comment ais-je pu penser une seconde qu’elle me voulait du mal ?
Si jamais ça avait été le cas, je serais déjà en train de festoyer au banquet d’Odin, elle n’aurait jamais loupé cette occaz de me finir ou de me livrer à je ne sais quelle organisation à la con qui serait déjà en train de me travailler au chalumeau ou au fer à souder, et elle ?
Elle ne serait pas là.
Elle ne serait pas là à me caresser le ventre.
J’essaye de desserrer l’étau qui comprimait ma langue.
« Attends, ne fais pas d’efforts, je vais te passer encore un peu d’eau. »
J’ai entendu les clapotis, j’ai senti les gouttes et le gant de toilette sur mon torse. Dans ma tête, j’ai dû sourire, j’aimais bien quelle s’occupe de moi. Il parait que le blessé tombe toujours amoureux de son infirmière en noir et blanc, comme dans les films américains des années 50.
Aucune notion du temps.
Sûrement aussi court pour moi que les aiguilles avaient valsé longtemps.
C’était bon d’avoir confiance, je savais maintenant qu’elle n’y était pour rien. Changer de vie et partir.
Loin.
Avec elle.
Oui.
Une autre vie, enfin ; plutôt, enfin une vie. J’pourrai ranger ces putains de souvenirs dans un placard, et balancer le placard à la mer.
Fini.
Fini le souvenir de mes parents qui m’emmenaient, et me laissaient à dix ans chez le vieux du troisième.
Fini le souvenir du goût salé dans ma bouche et du mal de fesses que j’avais en redescendant de chez lui.
Fini le souvenir de mon père me donnant mon premier flingue à l’âge où j’avais pas commencé à me branler en me disant :
« C’est lui ! Fais-le ! »
Fini tout ça
Fini aussi les putes qui embrassent pas.
Fini les planques à la con sans allumer la lumière pendant des semaines et les fausses vies imaginaires où t’avais tout inventé.
Et les femmes que tu dessoudes sans que ton cœur batte à plus de soixante pulsations.
Et les regards terrorisés au moment où t’injectes le curare en disant :
« C’est juste un relaxant, c’est cool ! »
« Lleithiann ? »
C’était pas une voix, juste un bruit de gorge brutalement ânonné.
« Oui, Nolan, je suis là.
- C’est pas mon vrai nom Nolan.
- Ah bon ! C’est quoi alors ?
- M’en rappelle plus.
- C’est pas grave, ça reviendra plus tard.
- Tu veux partir avec moi ?
- Où ça ?
- En Amérique ? Au Mexique ou au Brésil ? Ailleurs si tu veux, mais partir loin avec moi ?
- Oui, il faut qu’on parte. Tous les deux. Après ce que tu as fait, il faut qu’on parte !
- J’ai du fric, tu sais.
- Je m’en fous du fric. Tu m’en reparleras tout à l’heure de tout ça, d’accord ? Je reviens tout de suite, ne bouge pas surtout.»
Elle a glissé sa langue sur mes paupières - façon de dire : ferme les ; et puis dans mon nombril aussi.
Je me suis vautré dans l’oubli.
Une porte a claqué.
Elle semblait lourde.
J’ai entendu le crac - crac d’un verrouillage.
Une lumière cireuse au plafond.
Dans ma cave de Noisy-Le-Sec.

By Alec Gurney, A un cheveu près...(3/3)



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