9h45 : Deuxième jour de foire Saint-Michel, je récupère mes affaires que j’avais déposées pour la nuit, à l’instar des autres exposants, sous un barnum surveillé ; dans la précipitation de l’installation, je n’arrive pas à retrouver l’un de mes dessins sous verre. Entre deux caricatures (car mon stand attire autant de monde que la veille), je passe la journée à me miner, persuadé de l’avoir perdu à jamais, pensant que je l’ai égaré dans les affaires des autres ou, pire, qu’on me l’a volé ! Ce n’est que le soir, en rentrant chez moi, que j’aurai le fin mot de l’affaire : le dessin avait tout bonnement glissé, avec son cadre, dans une sacoche contenant une banderole de secours emportée au cas où l’autre s’abîmerait… Je me suis mis la rate au court-bouillon pour rien : mon existence est pleine de glorieux moments de cet acabit ! Je ne dois pas être doué pour la vie…
13h : Un client, qui m’avait laissé un copain à lui pour que je le caricature à l’occasion de son anniversaire, vient exiger le remboursement du dessin, arguant que cinq euros est un prix trop élevé pour, je cite, « un truc pas ressemblant avec du blanco dessus » ! En voilà un qui ne doit pas sortir souvent de Brest : s’il savait combien réclament certains « caricaturistes » de la place du Tertre, à Paris, qui affichent des œuvres de Morchoisne, Ricord et Mulatier pour appâter le client mais dessinent, eux, comme des cochons ! J’ai beau lui opposer que je fais ça depuis des années sans que personne ne se plaigne jamais et que ce n’est pas du blanco mais de la gouache blanche que j’avais appliquée pour corriger une faute de dessin (même les plus grands en font) car je n’allais pas laisser son copain repartir avec un dessin qui pouvait être encore améliorer, rien à faire : il va même jusqu’à me traiter d’escroc et à prétendre que les dessins que j’expose ne sont pas de moi ! Comme il menace d’assiéger littéralement mon stand, je finis par lui rendre son fric, mais en le lui jetant par terre et en lui hurlant dessus pour qu’il foute son camp ! Je ne suis pas fier de moi, mais il avait dépassé les bornes : on n’avait plus remis en doute ma paternité artistique depuis le temps maudit du collège ! De toute façon, cet esclandre n’a pas dissuadé d’autres clients, plus sympathiques, de venir… La recette est bonne, mais je garde un couteau au cœur : je me traite assez souvent moi-même d’escroc sans avoir besoin de l’entendre d’un tiers !
Lundi 1er octobre
22h : Un an après la mort de Johnny Hallyday, c’est Charles Aznavour qui y passe. Va-t-on manquer de ringards ?
Mardi 2 octobre
19h : On nous annonce que la mort d’Aznavour était naturelle : il avait 94 ans et il aurait fallu trouver louche qu’il meure ? Je me sens las, mais las ! Ma mort à moi, au train où ça, risque de ne pas être naturelle du tout : si je ne me suicide pas, excédé par ce monde de cons, là, on aura le droit de trouver ça louche ! Bon, j’exagère un peu, j’avoue…