Jeudi 11 octobre
17h : Conférence de Patrick Gourlay co-organisée par la SEBL et l’ADU, consacrée à Emile Cloarec, maire de Ploujean de 1892 à 1914 et député de Morlaix aux temps héroïques de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’était un républicain convaincu et un anticlérical pur et dur qui fit partie des rares députés bretons à voter la loi de 1905, mais il fut aussi un ardent défenseur de la langue et de la culture bretonnes : ça n’avait rien d’évident à cette époque où il semblait bien établi qu’un bretonnant devait forcément être un conservateur à la botte de l’Eglise et qu’un bon républicain ne pouvait jurer que pour la langue française. J’ai une sympathie spontanée pour les gens qui refusent de choisir un camp ou, s’ils en choisissent, un, ne s’alignent pas pour autant sur la ligne idéologique qu’on cherche à leur imposer ; j’aime les gens qui pensent par eux-mêmes et ne passent pas leur vie à obéir à des ordres. Ces gens sont précieux ; ne serait-ce que parce qu’ils sont rares.
19h30 : Représentation de J’ai des doutes, le spectacle de François Morel en hommage à Raymond Devos. Se mettre à l’unisson d’un « show-man » du calibre de Devos n’est pas une mince affaire et l’ami Morel, fidèle à lui-même s’en tire avec son talent habituel. Dans la salle obscure, je tente de faire des croquis sur le vif, mais je dois y renoncer très vite : je me demande comment Cabu arrivait à dessiner dans le noir, qui plus est en profitant tout de même du spectacle ! « Il avait du temps, lui ! » Mais je t’emmerde, moi…
Vendredi 12 octobre
14h45 : Je donne mon cours d’histoire de la BD francophone ; nous ne sommes pas à la moitié du semestre et les étudiants me posent déjà des questions sur le déroulement des examens ! Comme quoi ils prennent l’affaire très au sérieux : de toute évidence, ceux qui présentent les jeunes d’aujourd’hui comme des écervelés qui ne pensent qu’à faire des jeux en ligne n’approchent jamais un jeune… Ecoutez-moi, vous, les « seniors » : la seconde guerre mondiale a pris fin il y a déjà 73 ans, de sorte qu’aujourd’hui, les plus âgés d’entre vous n’ont jamais connu que la paix et la prospérité ; contrairement à vos grands-parents voire à vos parents, vous n’avez connu ni les tranchées ni la ligne Maginot, vous n’avez pas passé votre enfance dans la mine, vous n’avez pas passé votre vie à labourer jusqu’à finir cassés en deux : rien que pour ça, vous êtes très mal placés pour faire la leçon aux jeunes, vous ne pouvez pas en tout cas leur opposer que vous en avez bavé toute votre vie. Vous les traitez du ramollis du bulbe parce qu’ils utilisent une abondance d’appareils électroniques mais, bien souvent, face auxdits appareils, vous êtes comme des poulets face à un cure-dent : c’est commode, traiter d’imbéciles ceux qui possèdent une compétence que vous n’avez pas ! Tirer gloire de son incompétence, c’est vraiment minable ! Monsieur Michel Serres, au moins, a l’honnêteté de reconnaître que ses vieux doigts gourds l’empêchent d’utiliser un smartphone ou une tablette aussi efficacement que celle qu’il appelle affectueusement « Petite poucette »… Je suis sûr que si vous aviez bénéficié des mêmes moyens techniques à leur âge, vous auriez eu le même comportement ! Alors, je vous en prie, faites preuve d’un minimum de décence et de modestie : arrêtez de penser que vous étiez parfaits et que la génération qui vous succède représente forcément une dégradation de l’humanité ! Il y a des cons dans toutes les générations et la vôtre n’en a pas été plus avare que les autres !