Bon, voilà, pour la troisième fois, je fus l'un des bénévoles de la Nuit du Polar, orchestré par l'équipe de la Bouinotte, selon un scénario comme d'habitude savamment élaboré (on ne le dit pas assez) par Yvan Bernaer, mélange raffiné d'énigme et d'humour qui permit aussi de découvrir la vieille ville sous un autre angle, au hasard des errances de l'enquête. Cette beauté modeste qui fait le prix de Châteauroux se révèle à travers ses jardins et ses ruelles, les coulisses de ses monuments (le cinéma Apollo fut la grande nouveauté de cette année) et quelques sites insolites comme cette cave voûtée, véritable crypte, de la rue Descente-des-Cordeliers (que tous n'auront pas vue, eh oui, il faudra revenir), qui fut mon dernier poste (il fallait éviter que les joueurs se rompent les os en s'appuyant sur une rambarde traîtresse).
Tout avait commencé au Musée Bertrand, par un flash-back dans les années 20, avec enterrement à la clé, croque-morts, curé en soutane et corbillard tiré par un cheval, pleureuses et discours du maire de l'époque. Et puis voilà, au moment crucial, le mort jaillit du cercueil et se sauve par les toits. L'édile en a la chique coupée.
Que voilà une habile transition vers mes propres obsessions...
Paul Valéry frappé de mutisme devant la tombe de Stéphane Mallarmé.
Question pour le jeu des mille euros : Qui s'est donc rendu sur la tombe de Valéry, à Sète, et a ensuite écrit un livre intitulé Dévotion ?
Réponse (je vous laisse quelques secondes pour vous remettre dans les oreilles les sons de cristal du glockenspiel joué en direct, bon allez c'est terminé, de toute façon vous n'avez pas trouvé) : Patti Smith.
Oui, la chanteuse n'a pas d'yeux seulement pour ce punk de Rimbaud, elle aime aussi, semble-t-il, le poète de La Jeune Parque. Elle raconte son pèlerinage à François Busnel, et c'est toujours dans le grand entretien d'America.
"J'ai voulu aller à Sète pour voir la tombe de Paul Valéry. A côté de la sienne, il y avait celle d'une fillette qui s'appelait Fanny. Sur sa pierre tombale, ses amis et sa famille avaient disposé des chevaux qui formaient une sorte d'écurie qui m'a semblé capable de résister aux intempéries comme aux vandales. Et puis, plus loin dans ce cimetière, j'ai vu une tombe qui portait une inscription en diagonale : "Dévouement". Avant de reprendre le train pour Paris, je suis allée me promener dans un parc. Je me sentais désœuvrée. J'ai eu un vertige. Et j'ai commencé à écrire. Pour m'occuper. Dans le train du retour, j'ai continué à écrire. Un journal intime, un journal où tout est vrai. Il y est question de Simone Weil, d'Albert Camus et de Patrick Modiano. Entre autres. De retour à Paris, j'ai continué à écrire. J'aime bien écrire à la terrasse du Café de Flore. Et je me suis rendu compte que toutes ces notes se faisaient écho, en cercles. (...). Voilà, Dévotion est un livre qui parle du patinage, des pierres tombales, d'Albert Camus, de Simone Weil, de Patrick Modiano, des rues de Paris..."