“She was bad. She was dangerous. But… she was my kind of woman.”
The band wagon (Tous en scène), Vincente Minelli, 1953.
Ce sont un homme et une femme qui cheminent dans un parc. Ils sont là pour découvrir s’ils peuvent danser ensemble, mais marchant de conserve, ils dansent déjà. Et lorsque le pas de deux les entraîne enfin, c’est un pur miracle d’harmonie qui naît du contraste sans cesse renouvelé de leurs deux corps. L’homme, c’est Fred Astaire, alias Tony Hunter, l’aérien gentleman. La femme, LA femme, c’est Cyd Charisse, alias Gabrielle Gérard. Leur numéro intervient à peu près à la moitié du film, et marque le premier moment où les deux personnages qu’ils incarnent réalisent leur parfaite complémentarité en matière de danse. Et cet instant de grâce, ce duo nocturne simple et tendre à la fois, reflète si parfaitement ce qu’a été pour la comédie musicale le couple Astaire – Charisse qu’au moment où j’ai appris la mort de la grande danseuse, c’est bel et bien cette image qui m’est revenue en mémoire. The band wagon (Tous en scène en France) est un chef d’œuvre du genre, c’est entendu. Tous les numéros sont superbes, y compris l’hallucinant ballet final imitant les polars (et dont est extrait la phrase que j’ai placée en exergue). Mais ce moment de la danse dans le parc est véritablement le plus beau passage du film. Nous y voyons la verticalité aérienne de Fred Astaire s’opposer au corps si terrien, si sensuel, de Cyd Charisse, pour mieux l ‘épouser l’instant d’après. Il m’a toujours semblé que ce qui faisait la beauté de ce couple de cinéma était précisément le puissant contraste entre leurs deux styles, un contraste qui fonctionne bien mieux avec Fred Astaire qu’avec Gene Kelly, autre partenaire d’élection de Cyd Charisse. De toutes les danseuses ayant virevolté entre les bras d’Astaire, Cyd Charisse demeure à mes yeux la plus exceptionnelle. La plus magnifiquement femme. Grande dame de l’âge d’or de la comédie musicale, elle est aussi, puis-je écrire aujourd’hui, à l’origine de ma passion pour le cinéma, alors c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai appris sa disparition, et c’est avec infiniment de respect que je lui rends hommage.
(La belle de Moscou, par Rouben Mamoulian, autre chef d'oeuvre)