Au XIXe siècle, le retour du Moyen-âge. -1/.-

Publié le 01 novembre 2018 par Perceval

Entre 1826 et 1830, pour un tirage moyen d'un livre, à l'époque, de 1 000 exemplaires.. Il se vend 20 800 exemplaires d’Ivanhoé et de L'Antiquaire, et 20 000 de Quentin Durward... !

Il s'agit de Walter Scott (1776-1832), né à Edimbourg, en Ecosse.

Abbotsford: Demeure de W. Scott

On l'a vu précédemment, en France, Mme de Staël se libère des points de vue esthétiques des classiques et, en 1800, reconsidère la littérature médiévale … La revalorisation de la littérature et de l'architecture médiévales se précise depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle... Elle est reprise par Chateaubriand dans ses premières œuvres (1802, 1809).

Walter Scott et beaucoup de romantiques font entrer le lecteur dans le monde du passé. Ils vont donner au Moyen âge et aux temps anciens ( de France, ou d'Angleterre …) , la même position que les philosophes attribuaient alors à l'antiquité.

Ainsi, le XIXe siècle suscite un regain d’intérêt pour l’Histoire, comme en témoigne le succès des cours de Fr. Guizot (1787-1848)( le Moyen Âge fut l'un de ses centres d’intérêt essentiels tout au long de sa carrière.) et de Michelet (1798-1874) , en même temps qu’elle encourage le goût déjà prononcé du public pour les grands récits. S’installe dès lors un engouement durable pour les romans historiques, dont Walter Scott se fait le chef de file, et qui font resurgir de grandes figures héroïques cristallisant les fantasmes d’une époque. Le XIXe siècle est également propice à l’apparition d’une forte tendance médiévaliste... Il s'agit d'une ''fabrique'' d'un Moyen-Âge et une fascination pour les ''folles croyances '' des siècles passés .. Les écrivains de l’époque se partagent en effet entre indignation devant des convictions considérées comme contraires à la raison et nostalgie pour de belles illusions perdues. Ainsi, Ivanhoé, best-seller européen de Walter Scott, hésite entre la critique véhémente de l'obscurantisme d'un Moyen Âge pétri de violence et de superstitions, et l'admiration pour des vertus morales et guerrières disparues au XIXe siècle.

Pourquoi le Moyen-âge ?

Depuis la Révolution Française, l'Histoire est devenue un vaste champ de batailles intellectuelles. La signification politique et sociale de la Révolution domine le débat idéologique: on interroge les faits et les personnages susceptibles de parler d'un passé trop récent.

Le Moyen Age est une période ''blanche'' qui va cristalliser les passions: pour la noblesse restaurée il s'agit ( retour aux origines …) de montrer les vertus de l'ordre féodal ; cependant que la bourgeoisie libérale met l'accent sur les progrès de la liberté et le mouvement communal. Pour les royalistes le Moyen Age est, en plus d'une admirable source de poésie, un temps qui crée une Europe chrétienne merveilleuse de grandeur, de force, de vertus héroïques... J. Michelet préfère mettre l'accent sur la misère et la crasse. Réaliste, Fustel de Coulanges (1830-1889) résume bien la situation de l'historiographie médiévale: « chacun se façonne un Moyen Age imaginaire et chacun se fait sa foi et son credo politique suivant l'erreur à laquelle il donne sa préférence. »

Strawberry Hill - construit par Horace Walpole

Enfin, n'oublions pas : ce goût du XIXe siècle pour, pour l’étrange, le mystère. et le Moyen Âge se rattachent aux romans gothiques d’Ann Radcliffe (1764-1823) et d’Horace Walpole (1717-1797), avant même les romans historiques de Walter Scott... Déjà, James MacPherson (1736-1796), avait imaginé une supercherie littéraire, et réussit à faire passer ses Poèmes d’Ossian, pour des chants épiques attribués à un barde du IIIe siècle...

Le XIXe siècle va aimer cultiver les expressions de la peur et de l’inconnu pour répliquer aux « certitudes » rationnelles et scientifiques de l'époque et renouer avec l’irrésistible plaisir associé à la transgression des lois de la Raison. Le goût de l’étrange et du surnaturel, inséparable de l’évocation d’un « ailleurs » (l’époque médiévale aussi bien qu’une contrée lointaine), caractérise ainsi les œuvres de S. T. Coleridge (1772-1834).