La bataille de Courtras, par Paul Lehugeur, XIX° siècle. détail
Dans les années 1820-1830, l'auteur romanesque le plus populaire en France est indubitablement Walter Scott (1776-1832). Ses romans font partie des livres les plus lus dans les cabinets de lecture...
On lit dans la revue '' Le Globe '', datée du 23 juillet 1825, cette constatation: " on n'écrit plus aujourd'hui que des romans historiques. "
" On a peine à se figurer aujourd'hui l'effet que produisirent en France les romans de W. Scott. Ce fut comme une révélation : un Moyen Age inconnu sortait du tombeau, armé de pied en cap. " (Louis Maigron (1866-1954) )
Walter Scott bouleverse radicalement les codes établis du XVIIIe s. en mettant à l'avant-scène des héros fictifs issus de toutes les couches sociales et en prônant dans l'écriture la redécouverte d'un authentique passé national. Avec la Révolution, l'Histoire entre dans la vie de chacun... Et si chacun peut en devenir acteur, il y a la volonté de la comprendre, de lui donner un sens...
L'Histoire ne prend plus pour seuls héros, des grandes figures monarchiques ou des personnages mythiques de l'Antiquité gréco-latine (référence historique obligée depuis le XVIIe siècle).
W Scott a le souci de faire revivre le passé des nations, avec le désir de retrouver ses racines.. L'itinéraire des héros est fonction de l'Histoire... L'éclairage est romanesque, et vrai : avec des descriptions très développées...
Victor Hugo - dans '' Quentin Durward'' loue l'œuvre d'un écrivain qui " a senti [ce] qu'il fallait [...] à une génération qui vient d'écrire de son sang et de ses larmes la page la plus extraordinaire de toutes les histoires humaines ". Victor Hugo, ' Quentin Durward ou l'Écossais à la cour de Louis XI, par sir Walter Scott ', La Muse française, n° 1, juillet 1823.
1819-1820 : - Le jeune homme Balzac s'oriente alors vers le roman historique dans la veine de Walter Scott,... '' Les Chouans'', 1826 est un roman ''scottien'' ...
- Victor Hugo à 17 ans, s'est pris de passion pour Scott : " Walter Scott est un homme de génie ". Avant le drame romantique Hernani ; Hugo lorsqu'il écrit '' Cromwell '' (1827), se place sous les figures tutélaires de Shakespeare et de Walter Scott. '' (1831). décrit le passage d'une civilisation à l'autre. Une vision pessimiste, puisque l'imprimé a tué le livre de pierre ; et l'Histoire écrase les Grands comme le peuple...
- Alfred de Vigny - '' Cinq-Mars'' - en 1825, est souvent considéré comme le Walter Scott français...
Cinq-Mars donne l'image d'une noblesse contre un pouvoir centralisateur, et conte la disparition de l'ancienne société féodale.
Vigny publie d'ailleurs sa théorie du roman historique dans la troisième édition de Cinq-Mars en 1827, dans une préface intitulée " Réflexions sur la vérité dans l'art ". Il défend l'idée d'un récit qui " perfectionne l'événement pour lui donner une grande signification morale ". Il affirme que la liberté qu'il prend avec l'histoire est " la liberté que les Anciens portaient dans l'histoire même ", car " à leurs yeux l'histoire était aussi une œuvre d'art ".
- Alexandre Dumas, ''pilote'' la rédaction entre 1842-1848 de 11 grands romans historiques. Infidèle à l'Histoire, il s'en sert comme d'un prétexte.
Peu de romans du XIXème siècle échappent à l'Histoire jusqu'au dernier roman historique romantique (Quatre-vingt treize, Hugo)
L'historien Augustin Thierry (1795-1856) s'est nourri aussi des romans de Walter Scott.
Il lui rend un vibrant hommage, et particulièrement à '' Ivanhoé '', un livre dont Thierry prend connaissance alors qu'il travaille depuis quelques années déjà à son opus magnum : " II a fallu qu'un romancier, homme de génie, vint, dans ces derniers temps révéler au peuple anglais que ses aïeux n'avaient pas tous été vaincus dans un même combat. " Plus tard, il devait reparler de l'influence exercée sur lui par l'illustre écrivain écossais : " Simple romancier, il a porté sur l'histoire de son pays un coup d' œil plus ferme et plus pénétrant que ceux des historiens eux-mêmes. "
Enfin, je rappelle parmi les acteurs même de notre Histoire : ..- Rêvant elle-même d'aventures, la duchesse de Berry dévorait les romans médiévaux de chevalerie, comme la légende des chevaliers de la Table Ronde, la tête farcie disait-on des œuvres de Walter Scott.
F. de Fauveau, bénitier de Saint Louis - 1840Souvenez-vous de Félicie de Fauveau qui délaisse sa carrière prometteuse de sculptrice pour s'opposer à Louis-Philippe Ier, après l'abdication de Charles X en 1830. Elle entre en résistance au côté de la comtesse de La Rochejaquelein qui mène l'insurrection royaliste pour la duchesse de Berry depuis son château de Landebaudière, en Vendée.
" Dans son âme, il y avait quelque chose de plus inspirateur qu'une impulsion politique, écrira l'historien Jacques Crétineau-Joly . C'était un rêve de Moyen Âge qui se réalisait pour elle, une sorte de chevalerie en gros sabots et en veste de bure qu'elle évoquait du fond de son cœur. " Le soulèvement tourne au fiasco du 3 au 7 juin 1832. La duchesse de Berry est arrêtée. Condamnée à la déportation, Félicie de Fauveau gagne clandestinement Paris et se réfugie à Florence au printemps 1833, où elle demeurera. " Faites pendre Walter Scott, car c'est lui le vrai coupable ", s'exclamera Chateaubriand pour résumer cette aventure.