Elie Berthet, à Paris : les Catacombes au XIXe s... -2/-

Publié le 10 novembre 2018 par Perceval

Le roman « Les Catacombes de Paris », par Elie Berthet (1815-1891), après sa parution, paraît également en feuilleton dans des hebdomadaires, comme « Le Voleur ».

Les souterrains de Paris sont à la mode …

Sous Louis XV, Philibert Aspairt, était carrier ( Payés à la pièce, les carriers sont des ouvriers spécialisés dans l'extraction de la pierre à bâtir.  ). A la Révolution il est portier du couvent du Val-de-Grâce. Le dimanche 3 novembre 1793, il décide de visiter les carrières, poussé dit-on par l’espoir de trouver du vin ou des liqueurs dans la cave du couvent des Chartreux.

Il accède aux soubassements du couvent par un escalier construit au dix-septième siècle dans l’intérieur du Val -de-Grâce. Il descend seul, sans prévenir personne et ne remonte jamais !

Onze ans plus tard le lundi trente avril 1804, des ouvriers découvrent un squelette décharné dans une galerie de la rue d’ Enfer,  près de l’actuelle rue de l’Abbé-de-l’Epée, à quelques mètres des souterrains des Chartreux.

Quelques débris de vêtements, une ceinture en cuir et un trousseau de clés trouvés près de lui, permettent d’identifier l’ancien portier du Val-de-Grâce. On fait inhumer ses restes à cet endroit même et on élève même une tombe, encore visible aujourd’hui. 


 

Cette histoire – dont la lecture a passionné Charles-Louis de Chateauneuf ( et qui lui rappelait bien de discussions...) nous ramène au Roman d'Elie Berthet :

L'histoire se passe sous Louis XV. Nous faisons connaissance de deux jeunes gens, l’abbé Chavigny, neveu de l'évêque de Bayeux et Philippe de Lussan avocat au Châtelet.

Le jeune abbé, s'est réfugié chez son ami à Paris. Chavigny fréquente de galantes jeunes femmes : « Abbé in minoribus! ( ordres mineurs) note bien ceci, in minoribus, ce qui change diablement la thèse et m'autorise à mener une vie fort indépendante.. » (…) « comme M. de Retz, « j'ai l'âme la moins ecclésiastique de l'univers. » ...

« Philippe avait plusieurs années de plus que Chavigny, mais celui-ci, malgré son étourderie et sa gaieté, se montrait si bon, si franc, si affectueux, son âme était si aimante,si généreuse, que Philippe avait peu à peu conçu pour lui une tendresse toute fraternelle. De son côté, le jeune Chavigny éprouvait pour Lussan une admiration sans bornes : à ses yeux rien n'était beau, sage, parfait en tous points comme son cher Philippe. »

Nous rencontrons Thérèse de Villeneuve « d'une beauté ravissante » , une jeune fille qu'aime Philippe de Lussan... Thérèse est obligée par ses parents d'épouser le duc de Beausset.

« Mais aujourd'hui des événements nouveaux se sont produits; on a reconnu que ce M. de Lussan était un ennemi du roi et de la cour, un abominable libelliste, un infâme gazetier, et on l'a enfermé à la Bastille, d'où, selon toute apparence, il ne sortira plus. Il n'épousera donc personne, et les engagements pris à son égard sont nuls de plein droit. D'un autre côté, ces faveurs royales dont M. de Lussan père, on ne sait par quels moyens, honteux peut-être, avait extorqué la promesse, peuvent encore se réaliser par le crédit de la famille de Beausset.

Tout à l'heure l'abbesse du Val-de-Grâce nous en donnait l'assurance. Vous n'avez plus aucune raison pour vous refuser à ce mariage qui doit élever votre famille au comble des honneurs, vous assurer à vous-même un haut rang dans le monde. Les deux jours que vous venez de passer dans une solitude absolue ont dû suffire à vos réflexions , aussi vous allez nous donner une réponse catégorique à l'instant même; et si vous vous obstiniez dans vos refus déraisonnables... »

Et alors qu'elle est couvent du Val-de-Grâce sous la surveillance de l'abbesse Mme de Mérignac; et alors que l'abbé de Chavigy a conçu un plan pour enlever Thérèse …

Thérèse de Villeneuve disparaît, dans les souterrains ......

« Ma soeur, courez bien vite annoncer à notre révérente mère qu'un grand scandale vient d'arriver... On ne peut trouver nulle pari le sacristain , et Mlle de Villeneuve a disparu de sa cellule. »

Chavigny et de Lussan partent - dans les souterrains de Paris - à la recherche de Mlle de Villeneuve.

Nous y sommes.. !

« A droite et à gauche s'alignaient, dans un bel ordre symétrique, des assises d'ossements humains dont la teinte noirâtre annonçait la vétusté. Cette lugubre décoration se laissait voir encore à l'extrême lueur de la lampe, par des carrefours infernaux, sous des voûtes de galeries, qui paraissaient devoir prolonger à l'infini le double soubassement de la mort. »

« Au fond de l'entonnoir, de grandes spirales prouvaient la violence des courants et des tourbillons ; les roches elles-mêmes témoignaient par leur désordre et leurs formes bizarres de la puissances du choc qu'elles avaient dû supporter dans ce cataclysme mystérieux, accompli loin du regard des hommes. »

Le souterrain apparaît comme un espace maudit, où dieu absent, est remplacé par le diable...  L'abbé de Chavigny récite les fleuves des enfers mythiques : « Je te suivrais à travers les sept fleuves de l'enfer, qui sont : Le Styx, le Léthé, le Ténare, l'Averne, le Cocyte, le Phlégéton  et... et... ma foi ! j'ai oublié le septième. »

Philippe de Lussan, affrontant les dangers des catacombes à la recherche de sa Thérèse fait penser à Orphée affrontant les enfers pour venir y chercher son Eurydice...

L'abbé se décide à suivre Philippe, et il dit : « Je n'oublie rien. Mais quand Thésée descendit aux enfers, Pirithoüs était inexcusable de ne pas l'y suivre pour l'aider à frotter Pluton et à enlever Proserpine. C'est décidé : si le diable nous tord le cou, il nous le tordra de compagnie... »