Un jeune romantique en ces années 1830 - 1-

Publié le 07 décembre 2018 par Perceval

Charles-Louis de Chateauneuf (1816-...), après avoir échoué à l'entrée de l'École Polytechnique, profite de cette infortune pour affirmer son goût pour la littérature ( selon le sens général de l'époque ...) et aborder enfin sa ''quête'' qui passe par la connaissance du Moyen-âge...

Rompant avec les projets de sa famille, et une partie de leur soutien financier; il va avoir l'opportunité de trouver une place de secrétaire chez l'historien Augustin Thierry (1795-1856)...

Je vais vous expliquer comment cela s'est passé...

Son intérêt pour l'histoire et Walter Scott, lui a fait suivre les articles du jeune Sainte-Beuve ( 1804-1869) chargé de la critique des ouvrages historiques, dans '' Le Globe''... C'est ainsi que Charles-Louis va devenir aussi un admirateur de Victor-Hugo (1802-1885)..

Sainte-Beuve, dans la revue, décrit un un groupe de personnes, qui depuis le salon de l'Arsenal, constitue ce que l'on va appeler '' le Cénacle '' et qui autour de Victor-Hugo constitue l'Ecole romantique ...

Ces ''enfants du siècle '' ( Musset) - qui n'ont connu ni la Révolution, ni l'Empire - exprime un goût vers le lointain passé. Pour la plupart, leurs positions sont aristocratiques, et ils s'affichent en tant que royalistes... Je pense au '' Génie du Christianisme '' et Fr.-R de Chateaubriand : en 1814, Chateaubriand entra en politique en publiant, le 5 avril 1814, un pamphlet daté du 30 mars, intitulé De Bonaparte et des Bourbons et de la nécessité de se rallier à nos princes légitimes pour le bonheur de la France et celui de

l'Europe.).

Puis, Victor Hugo ce " véritable poète du parti ultra " (Stendhal) qui a publié une ode au sacre de Charles X; affirme an 1830 : " le romantisme, tant de fois mal défini, n'est, à tout prendre, et c'est là sa définition réelle, que le libéralisme en littérature ".

Comment en est-on arrivé là ? Ce fut une véritable guerre : les romantiques étaient royalistes, et les classiques libéraux ; ceux qui prêchaient la liberté dans l'art étaient absolutistes en politique, et par contre les libéraux ne voulaient pas souffrir la moindre émancipation dans le domaine littéraire.

Ainsi, la poésie est devenue royaliste et catholique en même temps que romantique.

Le théâtre, va devenir le lieu de l'unité entre les deux courants, contre les ''ultra''.

Dans la préface de " Cromwell " (1827), Victor Hugo écrit un manifeste qui sera le fondement de la théorie du romantisme.

Victor Hugo - 1836

En 1829, la censure refuse " Marion Delorme ", drame romantique que le poète voulait mettre en scène. Hugo proteste, rencontre Charles X... En vain

A l'occasion des Trois Glorieuses de 1830, et du naufrage de Charles X, Victor Hugo abandonne le parti légitimiste et se rallie aux Orléans qu'incarne Louis-Philippe.

Les ''enfants du siècle '' vivent leurs passions, à partir des salons... Au cœur de ces rencontres mondaines, l'activité fort appréciée de cette société des élites, est '' la lecture ''

" On s'occupe de psychologie, d'art et d'archéologie aussi bien que de littérature. On discute sur le gothique et les cathédrales, sur la peinture anglaise et les vitraux de Westminster, sur la femme et l'amour... On organise des lectures. " Chronologie du romantisme (1804-1830) / René Bray,...

Pas de soirée réussie sans la récitation de quelque poème par un auteur à la mode.

" Dans les salons, au milieu d'une assemblée non officiellement poétique, si deux ou trois poètes se rencontrent par hasard, oh ! la bonne fortune ! vite un échantillon de ces fameuses soirées ! le proverbe ne viendra que plus tard, la contredanse est suspendue, c'est la maîtresse de maison qui vous prie, et déjà tout un cercle de femmes élégantes vous écoute. " Sainte-Beuve, " Des soirées littéraires ou Les Poètes entre eux ", 1832.

Tony Johannot (1803-1852). Soirée d'artiste 1831

Les ''grandes maisons'' proposent leur jour, où la maîtresse de maison reçoit... On y est expressément invité le premier soir, avant de devenir un habitué... Les soirs de " petit cercle ", un dîner est servi à dix heures... Les soirées se terminent entre intimes ...

Charles Nodier 1780-1844

Auguste Jal (1795-1873), écrivain, archiviste et historien français, présente l'Arsenal comme un lieu sans prétention : " le sans-façon est vrai ", le " bon goût dépouillé de toute manière " ; on savoure " liberté et retenue " dans " ces soirées où se rencontrent toutes les nuances d'opinions politiques, littéraires et d'arts "

En pleine bataille romantique, Jal, nous raconte : " On rencontre des adversaires chez Nodier, jamais d'ennemis ; les partis y conservent leur force de raison, ils abdiquent, en y entrant, leur aigreur et la violence de leur logique ". Même au plus fort de la bataille entre romantiques et classiques, " les soirées de l'Arsenal ont été remarquables par l'union qui n'a pas cessé d'exister entre tous les visiteurs de cette maison ; et cependant se trouvaient en présence [...] Victor Hugo et Ancelot, Alexandre Dumas et Alexandre Duval, Lamartine et Auger, Delacroix et Alaux le Romain " : ce témoignage insiste sur la disparité idéologique des membres de l'Arsenal qui, loin d'être un cénacle univoque, une école, est une tribune, mais une tribune pacifique. Le maître de maison, par ses talents de conciliateur, son humour qui désamorce l'agressivité, est le principal artisan de cette réussite.

A.Devéria - Marie Nodier - Vers 1829

A. Jal note que l'Arsenal doit aussi beaucoup aux hôtesses (l'épouse de Nodier, la sœur de celle-ci, Mme de Tercy, la fille de Nodier, Marie Ménessier) : " Ces trois femmes, pleines de naturel, d'esprit et d'amabilité " reçoivent les hôtes. Les activités sont régies par une division sexuée. Le salon de Nodier est de ceux où l'on joue et le maître de maison passionné de cartes, préside au jeu d'écarté et aux lectures poétiques, dans lesquelles Hugo et Lamartine prennent souvent la parole, lectures qui occupent " les quatre dernières heures de la journée de chaque dimanche ", tandis que la danse est conduite par les gracieuses hôtesses. Mais leur rôle ne se limite pas à une fonction protocolaire et décorative : Jal témoigne du plaisir que les invités ont à voir éclore le talent de la jeune Marie Ménessier, poétesse et musicienne.

" La maison de Nodier était fort animée, et les réunions pleines de gaieté je n'ai vu nulle part autant d'entrain. Les peintres, les poètes, les musiciens, qui faisaient le fond de la société, étaient laissés à toutes leurs excentricités particulières, et remplissaient le salon de paroles vives et retentissantes. On chantait, on dansait, on jouait, on disait des vers. Tout cela était plein de vie; madame Nodier était aimable de bonté. Sa fille unique l'était avec son esprit, qui tenait de celui de son père, avec ses talents agréables et avec ses quinze ans. C'était une existence qui s'épanouissait parée de mille enchantements.

Marie Mennessier-Nodier 1811-1893

Peu de jeunes filles ont eu, autant que mademoiselle Marie Nodier, cette verve joyeuse qui semble dire : Je suis heureuse de vivre! On s'amusait donc beaucoup chez Nodier, car une réunion s'empreint naturellement des dispositions d'esprit de la femme qui la préside, et la toute charmante fille de Nodier remplissait de joie le salon de son père elle y avait ses amies, comme elle à la fleur de l'âge. Des poètes, des musiciens, des peintres aussi jeunes et joyeux, les faisaient danser, et tout cela était sous le charme de l'espérance la gloire leur apparaissait rayonnante, ils la voyaient de loin Et ce qui mettait le comble à l'insouciance, à l'enthousiasme et à l'exaltation, c'est que toute cette jeunesse, heureuse d'espérer, ne pensait pas le moins du monde à l'argent. C'était encore le temps où l'on n'y pensait guère chez les artistes et chez les écrivains. Il y en avait qui étaient arrivés à leur âge mur, d'autres à la vieillesse, sans y avoir jamais songé; on le leur reprochait et ils en riaient, car ils étaient heureux d'une vie modeste dont le luxe était le succès de leurs ouvrages et la joie le plaisir du travail. " de Mme Ancelot, Les Salons de Paris,

Dans les années 1830, l'Arsenal est un cénacle romantique en vue où se croisent poètes, peintres et musiciens. On reconnaît debout, à gauche, légèrement penché, Charles Nodier, homme de lettres et bibliothécaire à l'Arsenal depuis 1824. À la table de jeu sont représentés Alfred Johannot, Frédéric Soulié et Jules Janin, et dans l'angle de droite, près d'une jeune femme, Paul Foucher. Tony Johannot était un habitué du salon de l'Arsenal. Tous les dimanches soirs, la première génération des romantiques se réunissait chez Nodier : Hugo, Lamartine, Dumas, Musset, Vigny, Gautier, Balzac, Nerval, Delacroix, Devéria, Tony Johannot...