[OUVRANT LES JOURNAUX] O uvrant les journaux
lorsque je lis un article
sur les Aïnous,
surgissent à chaque fois
des pensées qui me tourmentent
Il n'existe plus
de pureté aïnoue
à l'heure d'aujourd'hui
Je regretterai toujours
les villages d'autrefois
En souhaitant vivre
mais également mourir
comme un Aïnou
le cœur attristé je peins
les motifs chers à mon peuple
Reprenez courage
ô mes frères aïnous
Il faut souhaiter
De grandir et prospérer
Sur la terre comme au ciel
Voilà que la nuit
déjà s'est bien avancée
Soudain malgré moi
songeant à mes compagnons
je me mets à sangloter
Iboshi Hokuto | 違星北, poète aïnou (1901-1929), Chant de l'étoile du nord, carnet, édition bilingue français/japonais, Éditions des Lisières, Collection Aphyllante, 26110 Nyons, décembre 2018, pp. 36-37. Traduction et adaptation Fumi Tsukahara et Patrick Blanche. Préface de Gérald Peloux.
_________________________________
Note de l'éditeur : première traduction française d'un poète aïnou, le Carnet d'Iboshi Hokuto est le témoignage poétique d'une lutte pour la reconnaissance d'un peuple. Premiers habitants de l'île d'Hokkaïdo annexée au Japon en 1869, les Aïnous (terme signifiant " les hommes ", " les êtres humains ") ont dû attendre 2008 pour que l'État japonais reconnaisse leur statut d'autochtones. Avec beaucoup d'humour et parfois d'amertume, celui que l'on appela le Takuboku des Aïnous nous conte à travers ses tankas (133) et quelques haïkus (21), les vicissitudes de sa vie et de son peuple. Refusant la soumission à la langue et à la culture dominantes, Iboshi Hokuto fera de sa courte vie un appel à la dignité et œuvre de résistance.
IBOSHI HOKUTO
Né en 1901, Iboshi Hokuto fait partie des pionniers (avec Batchelor Yaeko et Moritake Takeichi) d'une littérature moderne aïnoue en langue japonaise. Auteur de poésie, d'essais, de contes et d'un journal, il vivra de petits boulots et luttera jusqu'à sa mort en 1929 pour la dignité de son peuple.
■ Voir aussi ▼
→ le site des éditions des Lisières