Ce que tu écris à présent
sera-t-il jamais lu ?
Cela ne te regarde pas.
Les mots se forment sous tes yeux,
venus tu ne sais d’où,
comme la foule ce matin
sortant d’un peu partout.
Les mots dévisagent des gens
que tu ne connais pas:
cela défile comme en rêve;
à la sortie des gares
on croit qu’untel va s’arrêter,
mais c’est peine sans trêve:
ici la rime féminine
se noie dans la mâle rumeur
des employés pressés -
on éprouve alors un effroi,
comme au bord d’un fossé...
Mais tu marches déjà là-bas,
les mots t’ont précédé
dans les rues qui vont quelque part:
ils marchent du pas décidé
du matin des humains
qui, ne pensant ici qu’au soir,
vont aux bureaux chauffés
là-haut où d’autres mots attendent
le moment du café.
(Noté ce matin sur mon I-Phone, avant le lever du jour)
Peinture: Joseph Czapski.