(Planche extraite de "L'Homme à la Fourrure", biographie de Sacher-Masoch citée par "Marianne"comme un exemple de BD "intello".)
+ "La BD est-elle devenue intello ?" : l'hebdo "Marianne" (22-28 février) consacre un long article à la mode des BD, pompeusement baptisées "romans graphiques", qui se multiplient en librairie et visent un public plus âgé que la bande dessinée franco-belge.
L'auteur de l'article, Thomas Rabino, cite le bédéaste américain Will Eisner : "Notre génération dessinait comme des dieux des histoires stupides, la nouvelle arrive avec des dessins nuls et des histoires incroyables." Mais cette description lapidaire ne correspond pas à l'évolution de la BD en Europe. Quel scénariste contemporain rivalise avec un Goscinny, un Hugo Pratt, un Fred, un Chaland ?
A l'inverse, on pourrait citer quelques dessinateurs contemporains qui ne manquent pas de talent mais dont le propos est un peu vain, intellectuel au sens péjoratif.
La distinction de la forme et du fond n'est guère utile à propos de bande dessinée qui mélange les deux comme les hiéroglyphes égyptiens.
Plus certainement, c'est l'économie de la bande dessinée qui a changé au cours des dernières décennies ; la presse écrite sur laquelle reposait la BD franco-belge a perdu toute sa vitalité ; le dynamisme repose aujourd'hui sur une poignée de petits éditeurs indépendants dont les plus grosses maisons s'empressent de recopier les idées.
+ Le projet de construction européenne est présenté dans les médias audio-visuels sous l'angle culturel afin de mieux convaincre une partie de l'électorat désabusé.
La mise en service d'un "Captain Europe" pour séduire les plus jeunes électeurs indique clairement le modèle américain suivi en matière de culture.
Les discours des derniers chefs d'Etat américains face à la "nation" empruntent largement au vocabulaire et aux symboles des "super-héros" ; ils ont encore en Europe une connotation puérile.
Les Etats-Unis sont le plus souvent qualifiés en France de "démocratie-chrétienne". Les super-héros soulignent un aspect commun avec la France, à savoir le caractère "technocratique" du régime, non seulement capitaliste ; l'analogie est entre les super-pouvoirs attribués aux super-héros et ceux attribués à la technique, mais aussi au plan "métaphysique" car l'espoir de "sauver le monde" est un leitmotiv caractéristique des organisations technocratiques.
Les spécialistes des super-héros précisent que leur succès public n'est jamais aussi grand que dans les périodes de crise, ce qui souligne encore l'étoffe religieuse des super-héros.
Cette dimension religieuse de la technocratie, véhiculée notamment par la culture de masse, disqualifie l'argument "scientifique" souvent mis en avant. Elle disqualifie également la laïcité en tant que remède au fanatisme et au totalitarisme.
Disqualifiés aussi les intellectuels qui présentent les super-héros comme une nouvelle mythologie prolongeant la mythologie antique, grecque ou juive (biblique) ; la mythologie grecque reflète en effet une conscience nette de ce qui oppose la science à la technique.
En d'autres termes, les Etats-Unis ont plus de deux millénaires de retard sur la Grèce antique sur le plan culturel ; le cinéma est un autre élément significatif de leur marche arrière vers le futur.
+ Les "Cahiers de la Bande dessinée" (nouveaux) (n°6/janv-mars) publient une enquête sur Alain St-Ogan, auteur notamment de "Zig & Puce", dont le jeune Hergé imita le trait en le modernisant peu à peu au fil de sa carrière.
Les "Cahiers" se penchent notamment sur la carrière conséquente de dessinateur de presse de St-Ogan. S'il ne fut pas un caricaturiste de premier plan, en revanche St-Ogan avait une vraie passion pour la presse et les médias.
Par ailleurs les "Cahiers" consacrent un article illustré à Franz Masereel, artiste originaire des Flandres aux opinions pacifistes et communistes. Les éditions Martin de Halleux viennent de rééditer "Idée", bande-dessinée muette gravée sur bois par l'auteur.
+ L'Ecole d'art Estienne (Paris, XIIIe) rend hommage au caricaturiste Honoré, assassiné en janvier 2015, à travers une exposition de ses dessins lors de la semaine du dessin de presse et du trophée "Presse-Citron" 2019 (-13 mars).
Les caricatures de Honoré font un clin d'oeil appuyé à la gravure sur bois, se démarquant nettement du style moins "rétro" de ses confrères. Honoré faisait rarement la Une de "Charlie-Hebdo" comme ci-dessous (24/2/2010).