En France, nous situons la légende du Graal, principalement sur l'autorité de Chrétien de Troyes, puis de Robert de Boron, et ses continuateurs... Les pays anglo-saxons, s'appuient davantage sur la version de Thomas Malory (vers 1470)... Peu - en France - semblent s'intéresser réellement au Parzival de Wolfram von Eschenbach... Il serait temps, je pense, de corriger ce point de vue...
Et, si nous privilégions cette dernière version … ?
Quelques suisses et allemands, bien sûr, ont préparé cette voie. Depuis Wagner, et je pense en particulier à Rudolf Steiner (1861-1925), et ses continuateurs …
Je tiens à exprimer, avant de continuer, ma répulsion devant certaines théories raciales - qui avaient cours parmi nos meilleurs scientifiques de la fin du XIXe siècle ! ( Je pense à Camille Flammarion, que je suis en train de lire …) - et qui aujourd'hui sont totalement rejetées... Steiner n'y a pas échappé ! A nous de trier, en totale connaissance et raison … Malheureusement, en Allemagne - précisément du fait de l'intérêt au XIXe siècle pour le Parzival - la légende du Graal a pu et peut encore supporter une idéologie effrayante … ! A nous d'être vigilant …
Rudolf Steiner est né en 1861, dans l'Empire d'Autriche , exactement aujourd'hui, en Croatie... Journaliste, conférencier, il fonde l'anthroposophie...
L’œuvre de Richard Wagner ( 1813-1883), l'interroge. Je cite R. Steiner « C'était le jour du Vendredi saint 1857, dans la villa Wesendonk au bord du lac de Zurich. Il regardait au dehors la nature qui germait, bourgeonnait, fleurissait. Et à cet instant, le lien entre la nature bourgeonnante et la mort du Christ sur la croix lui apparut avec évidence. C'est ce lien qui constitue le mystère du Saint Graal. À partir de ce moment-là, l'idée d'adresser au monde, sous une forme musicale, le message du mystère du Saint Graal, s'empara de lui. »
Rudolf Steiner, imagine – à la lecture du Parzival - une communauté d'hommes et de femmes, réceptrice de ce message : des Templiers, des ''Chevaliers du Graal '' ( Lohengrin..) ; et il la différencie d'une autre communauté légendaire ( anglo-saxonne) : les chevaliers de la Table Ronde...
Par exemple : Richard Wagner voyait entre le soleil et les fleurs des échanges d'énergie, des échanges entre règne divin et végétal... Le calice de la plante est le Graal ; le rayon solaire est la Lance ( sanglante)... Le sang, c'est la Connaissance ; et l'importance de la lignée ( les liens du sang)
Cette Connaissance, c'est ce qui peut être donné aux hommes sous forme de sang coulant du calice, qui s'ouvre d'en haut ...
Gauvain, parfait chevalier de la Table Ronde, neveu d'Arthur, représente l'homme face aux affaires de ce monde... Parzival, accède à l'autre communauté des chevaliers du Graal... La coupe sacrée portant le sang divin fut apportée en Europe, aux chevaliers du Graal de Montsalvage.
Wagner dit reconnaître dans le sang du Christ : « la quintessence de la souffrance consciemment désirée, qui se déverse en tant que compassion divine dans tout le genre humain, source originelle de ce dernier. » Steiner voit en Wagner quelqu'un qui « s'est approché plus qu'aucun autre du mystère originel. C'est précisément l'énergie qu'il mit dans cette démarche qui fait de lui un grand artiste. On ne doit pas le considérer comme un musicien ordinaire, mais comme un profond connaisseur des profonds secrets du Saint-Graal auxquels, pour l'humanité moderne il voulait rendre vie. »
Pour Steiner, les ''chevaliers du Graal'' sont les chevaliers du Verbe ; et les chevaliers du roi Arthur : les chevaliers du glaive.
« L’épée du Graal, se brise quand elle vieillit. Il faut alors la rapporter à la source ce dont il ne reste que des fragments transmis par la tradition. Le passé doit être rajeuni à la source de vie. C’est là, à la source de l’esprit que l’épée du Graal se reconstitue. » R Steiner
« Si les scènes du Parzival apparaissent toujours deux fois, c’est parce que d’abord, on y revit le passé. On s’aperçoit alors qu’il est stérile. Ensuite, se produit une rénovation, les faits sont rénovés à la source de l’Esprit et deviennent alors féconds. D’ailleurs, toutes les scènes du Graal ont un double sens, historique d’une part et universellement humain d’autre part. L’être humain, par exemple, doit toujours retourner à la source, comme Parzival, qui reste en liaison avec la source de l’esprit en envoyant constamment les chevaliers qu’il a vaincu à la femme qui veille sur la source. » R Steiner.
Klingsor représente les ''anciens mystères'' profanés... Kundry comme Hérodiade, est le symbole de la force de création de la nature, qui chaste ou impudique, est ''sans rênes'' … Le pur et l'impur ont en commun une réalité sous-jacente, le désir... Kundry est une magicienne noire, jusqu'à ce que Parzival la délivre : les deux possède une sagesse …
Steiner, pense que si au Moyen-âge, on pouvait comprendre le sens du texte d'Eschenbach ; aujourd'hui c'est la musique de Wagner, qui transmet le message : « Ses mélodies portent les vibrations nécessaires à la purification du corps éthérique de l'homme aspirant à recevoir le mystère du Saint Graal. »
Ensuite, ce qui est curieux, c'est l'intérêt géographique porté aux indications géographiques de Wolfram pour identifier les lieux de l'action ; et qui va permettre à Steiner de choisir le lieu de construction du ''Goetheanum''...
Le Goetheanum est le siège de la Société anthroposophique universelle... Ont lieu des concerts et des spectacles d'eurythmie. En outre, plusieurs congrès s'y tiennent chaque année.
Ce lieu conçut par Steiner correspondrait à la localisation de l’ermitage de Sigune au pied de l’emplacement du ''château du Graal'' … !
Dans Willehalm et dans Parzifal, Wolfram von Eschenbach dit ne rien inventer...
Cependant, le style, le vocabulaire de Parzival, mettent en avant de nombreux artifices de langage et de style pour captiver son auditoire... On note de nombreux éléments merveilleux : heaume de diamant de Gamuret, château des reines dans lequel on retrouve vivante la mère d’Arthur, armure de Feirefils forgée par les salamandres, etc…
Le personnage de Gauvain, prend son intérêt dans cette histoire, du fait qu'il est le double de Parzival... Sinon, historiquement, sa quête ne fait pas avancer le récit … le roi Arthur, lui-même est un personnage secondaire …
Il semble que Wolfram se soit basé sur des lieux réels qu’il connaît pour camper le décor de son histoire avec une grande cohérence spatiale... ( nous en reparlerons...)
Plus intéressant, c'est que déjà , dans Willehalm de Wolfram von Eschenbach, est établi le lien entre le Christianisme, les Mystères et la science Alchimique des Arabes. Ce lien s’effectue grâce à Arabel/Gybourc, la femme de Guillaume, une femme arabe d’une grande culture...