Lors de mon aventure équestre, il n’est arrivé une histoire rigolote.
Le deuxième jour nous avons fait une pause chai dans une ferme, un bloc de béton hideux comme il en pousse de partout dans la campagne shekhawati, blockhaus en attente de peinture jaune, rose, bleu ou violet, qui n’ont décidément pas le charme des maisons en boue/blouse. Bref. À peine descendue de cheval, on m’installe un banc à vingt mètres de la maison, pour moi toute seule. Trop timide pour protester, je suis allée parler à mon cheval. Il faut dire qu’à part une petite mamie dans un coin, il n’y avait que des hommes, c’était peut-être poli pour eux de m’isoler ainsi.
Le lendemain, rebelote. Même ferme, même banc. Cette fois, j’ai dit non et je suis allée dire bonjour à la forme accroupie et recouverte d’un châle posée dans un coin de la cour. En guis de réponse elle a grogné un truc indistinct, j’ai eu un peu peur mais j’ai résisté à l’idée de courir à mon banc et j’ai répété « namasté » plus fort en joignant les mains. Elle m’a répondu avec un grand sourire, s’est levée et m’a posé des questions sur moi et ma vie. Pour satisfaire sa curiosité, j’ai montré des photos de ma famille. Elle était tellement contente qu’elle a voulu immortaliser notre amitié en photo !
Ensuite elle m’a offert un lait chaud sucré. Un peu surprise, j’ai bu malgré tout. Et puis elle est arrivée avec un broc à eau. J’ai cru comprendre que c’était pour me laver les mains. J’étais encore plus surprise, et un peu gênée de me faire nettoyer comme ça, mais je me suis exécutée. Comme elle n’arrêtait pas de verser de l’eau et que je ne comprenais pas son charabia, j’ai remonté mes manches pour mieux me laver. Et puis, inquiète à l’idée que ça tourne en bain public et comprenant bien qu’elle attendait autre chose de moi, je me suis tournée vers mon guide pour qu’il vienne à ma rescousse. Il m’a expliqué très clairement, en hindi, qu’après avoir bu du lait, les Indiens se lavent... la bouche. Et moi qui me récurais les mains, la honte !
Me voilà donc avec les paumes en coupe à recevoir de l’eau que je porte à ma bouche et, suivant les consignes, à cracher dans le sable à mes pieds. Une fois a suffi, même s’ils m’ont encouragée à recommencer. Heureusement que le ridicule ne tue pas !
Enfin, j’ai croisé un papi un peu plus loin auquel une jeune fille apportait un broc à eau. Et je pus remarquer qu’avant de boire ou de se rincer la bouche, il commença par se nettoyer les mains. Je n’étais donc pas complètement à côté de la plaque non plus !!
Dans la même veine, voici quelques pratiques indiennes, souvent inspirées de l’ayurveda, qui m’ont fait réfléchir :
- Se déchausser avant d’entrée dans la plupart des lieux ;
- Toujours être assis pour boire de l’eau – apparemment les organes seraient mieux irrigués ainsi, prendre le temps de boire (en s’asseyant donc) est toujours mieux, et puis ce serait un signe de respect pour le breuvage (de la même manière, il faut manger assis) ;
- En se réveillant, se laver la bouche en crachant trois fois de l’eau – pour éliminer les gaz formés pendant la nuit ;
- Commencer la journée par boire un verre d’eau chaude – ça, ce serait pour la digestion ;
- Se laver la bouche (et la gorge) après un repas – tout simplement pour se laver la bouche, supposant que la nourriture est sale ( ??), ce qui donne souvent lieu au restaurant à de vibrants gargarismes dont je me passerais bien (je suis prude là-dessus mais j’assume).
Ceci nous renvoie à une certaine obsession de l’hygiène facilement observable dans l’hindouisme et surtout le brahmanisme – cela ne s’étend pas aux parties communes, il ne faut pas confondre avec la saleté environnante. Il existe en fait de nombreuses façons de se « nettoyer » l’intérieur : jala neti (ou se mettre de l’eau dans le nez et l’expulser pour se nettoyer les sinus), des potions pour récurer le foie, la pratique d’aller au fond des oreilles retirer tout un tas de trucs etc.