Charles-Louis de Chateauneuf reçoit comme un immense privilège l'attachement du professeur Edgar Quinet (1803-1875) à son égard...
Beaucoup de choses les rapprochent : le goût pour le Moyen-âge, pour les philosophes allemands et pour Madame de Staël... E. Quinet est franc-maçon. Loin d'être athée ; s'il est anti-clérical, il reste attaché à la foi chrétienne... On lui reproche d'ailleurs, à lui, et à beaucoup de maçons, un certain ''illuminisme'' ( nous sommes encore au milieu du XIXe siècle...)
Nous reviendrons plus tard sur ''la religion d'Edgar Quinet'' ...
Pour l'heure, Charles-Louis, parle à l'historien; pour lui faire état du parcours des ses aïeux : Roger Laron, J.- L.de la Bermondie... etc … et lui explique sa quête autour du Graal, et des templiers...
Edgar Quinet, connaît bien Heidelberg, c'est au cours d'un de ses séjours, qu'il a rencontré son épouse Minna... Minna qui tente de décrire à Charles-Louis, les paysages qui entourent Ansbach, et tout à côté Eschenbach... Malheureusement, elle ne peux rien dire du château de Montsalvage, cité par Wolfram von Eschenbach, dans son Parsival... Edgar et Minna sont beaucoup plus prolixes sur le beau château de Heildelberg...
Le couple Quinet, écoute avec beaucoup de plaisir, les explications sur la signification, pour Charles-Louis de ce que peut signifier cette Quête : « La recherche du 'Graal', c'est la recherche de la 'Présence' du Christ... » explique le jeune homme...
De même que le Graal peut se matérialiser par une Coupe, ou par une Pierre; la Présence se comprend et se représente selon diverses formes...
Parler de Présence de Jésus, alors que - personnage historique - il est mort ; c'est exprimer par la foi : qu'il est ''vivant''... Aussi, sa Présence est bien autant mystérieuse que cette du Graal ; à la différence près que la ''relique'' que représente la Coupe n'est qu'un objet ; on ne prie pas le Graal … !
Également, ''la Parole'', contenue dans la Bible, et en particulier les Quatre Evangiles, ne se modifient pas ; pourtant, la Quête du Graal, bien qu'utilisée sous les mêmes mots, est bien différente selon les époques ( comme nous l'observons ici sur ce site depuis l'époque médiévale, jusqu'à aujourd'hui), selon les cultures, et même selon les personnes....
Le Mythe est le seul mode adéquat de la connaissance religieuse.
En ce XIXe siècle, il faut rendre compte de la réflexion de nombreux théologiens allemands :
Wilheim Martin Leberecht de Wette (1780-1849), professeur à Berlin, puis à Bâle... Elève en sa jeunesse de Jakob Friedrich Fries (1773-1843), professeur à Heidelberg, libre philosophe kantien, de Wette avait beaucoup réfléchi au rôle de symbole dans la connaissance religieuse. Comme il n'est pas possible au croyant de parvenir à une connaissance de Dieu déterminée, en usant des concepts dogmatiques, inadéquats à la réalité de l 'Absolu, comme le pur sentiment l'abîme dans une sorte de vénération aveugle, seule l'organisation des symboles par le récit mythique lui permet une entrée en communication avec l'Infini.
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Le mythe est « le libre jeu de l'Esprit » et que, originairement ( le mot est important) il n'est objet ni de foi ni de vénération.
La foi crée et se nourrit de mythes et de récits qui expriment comment l'humain se tient devant son Dieu, mais qui n'ont ni visée historique ni prétention dogmatique.
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Si le temps des mythes est par excellence celui d'une littérature collective et orale, quoi d'étonnant à ce que la Bible ait partagé le sort commun ?
David Strauss( 1808-1874) , élève à Tübingen de Ferdinand Christian Baur, devient répétiteur au séminaire protestant de la ville, mais doit abandonner son poste après la publication du Das Leben Jesu ( la Vie de Jésus) … ( traduit en français par Émile Littré entre 1839 (tome 1) et 1853 (tome 2). ) - Ce livre a scandalisé son époque en montrant un Jésus historique et non divin et par sa vision des évangiles comme récit inconscient des premières communautés chrétiennes.
L'histoire évangélique semble fondre sous la plume de Strauss. Après tous ces déblaiements, il n'est guère possible de voir dans la Bible un autre paysage qu'un « champ de ruines », selon l'expression de Quinet...
Purger tout récit des interventions divines, miracles... c'est monter qu'on ne prend pas ces textes au sérieux, avec leur poids de foi. Le Mythe souffre de dédain dans la pensée occidentale... Heyne, Schelling et leurs disciples allemands y virent au contraire la porte d'entrée dans les cultures du passé ; mieux, le chemin d’accès à une réalité que seuls les poètes et les ''croyants'' connaissent. En admettant la dimension mythique de la Bible, les théologiens allemands mirent en meilleur jour la dimension symbolique de toute connaissance religieuse.
Les bouillonnements culturels qui se produisent outre-Rhin intriguent les français. Victor Cousin (1792-1867) décide d'aller sur place, entreprend plusieurs voyages en Allemagne de 1817 à 1824, rencontre Schleiermacher, Goethe, Creuzer et surtout Hegel, avec qui il se lie durablement. Dans ce courant de sympathie pour la culture allemande, il entraîne bientôt Michelet, puis Edgar Quinet.
Ce denier surtout fait de très longs séjours en Allemagne où il réside de décembre 1826 à 1838. Il épouse Minna la fille d'une pasteur du Palatinat. En 1827, il fait paraître la traduction de l'ouvrage de Herder : Idées sur la philosophie de l'Histoire de l'humanité (1784-1791).
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Cousin et le courant spiritualiste dont il est le chef de file sont soucieux à la fois de garder à la religion son rôle dans la société et de ne pas redonner au catholicisme la situation qu'il occupait sous l'Ancien Régime. Ils le souhaitent plus ouvert et déplorent l'inertie de la théologie française devant les innovations allemandes. Le grief devient public grâce aux articles publiés par Quinet dans la Revue des deux mondes en 1838 et 1842.
Sources : La Bible en France: Entre mythe et critique, XVIe-XIXe siècle, de François Laplanche (1928-2009) : historien français, spécialiste de la pensée religieuse en France.