C'est une peur assez commune. J'ai commencé à avoir peur du noir en même temps que grandissait ma fascination pour la nuit: la nuit tout me semble plus intense, plus dense. Les confidences sont plus étonnantes, les chemins sont plus escarpés, les sensations, les bruits, l'atmosphère, l'imagination. La nuit, tout est possible, alors les monstres aussi. Il n'y a jamais de tueurs en série morbides derrière mes portes ou à l'entrée d'un placard glauque, non de vrais bestioles d'enfant: des vampires dans leurs habits seyants, des monstres bizarroïdes, bref un bestiaire résolument non réaliste, mais ... au potentiel flippant. Il y a quelques années, je vivais dans une maison dotée d'un escalier gigantesque, qui tournait sur lui-même, il était en bois et dessinait de jolies boucles, donnait un peu le tournis (ma description tend à accréditer le fait que c'était une oeuvre-d'art pour mes mirettes), mais le soir je n'aimais vraiment pas être la dernière éveillée car j'avais alors la tâche d'éteindre toutes les lumières et de regagner ma chambre dans l'obscurité la plus totale, les bras tendus en avant pour prévenir le moindre obstacle, je multipliais les pas de fourmis. J'aurais dû avoir une bonne bougie, ou une lampe de poche... Bref, au matin, j'avais souvent un sermon: les escaliers pullulaient de lumières encore ... allumées.
Pour moi, l'endroit le plus romantique est certainement une usine désaffectée. Entrer par une porte dérobée, par une fenêtre en mauvais état, explorer ce petit monde suspendu, laisser des traces de pas dans la poussière qui recouvre le sol couvert de boulons, de vieux morceaux de bois, poser ses doigts sur les machines homériques soudain intensément silencieuses.