La Quête du Graal côtoie le ''secret'', parce qu'il s'agit d'un chemin vers un mystère ; et donc d'une expérience très personnelle... La Quête n'est pas réservée à quelques élus ; elle est pour tous ; mais il s'agit principalement d'un chemin solitaire...
Le secret correspond à ce qui est caché … Où ? Sans doute à l'intérieur de soi.... mais, ce n'est RIEN de le dire.... C'est si mystérieux, qu'il est nécessaire d'en reconnaître un peu dans les mythes, la littérature.... Et aussi dans la rencontre de l'étrangeté, de l'autre, du féminin ( pour le masculin, et vice-versa...)...
''La Quête'' se retrouve dans deux métaphores : le Secret, l'Amour Courtois... ( et d'autres, bien sûr...). Rappel : nous sommes au XIXe siècle ...
Le secret
Au XIXe siècle, le secret tient une grande place... il s'agit bien souvent – gouvernement ou opposition – d'échapper au regard de l'opinion... Peut-être aussi d'échapper à la loi, mais aussi affirmer une cohésion, une identité … Également : secret d'état, complot ...etc. Les sociétés secrètes sont légions...
Si nous parlons du secret, en évoquant quelque société secrète, nous signifions un mystère à découvrir … Nous pourrions parler aussi de ''clandestinité'' en pensant une activité qui a lieu secrètement ; puis d'intimité pour signifier une relation inter-personnelle...
Ferragus de BalzacLa bonne métaphore pour développer ce que j'aimerais faire ressentir, m’apparaît en ces temps romantiques, se présenter sous la forme d'un couple ( homme et femme ), un couple adultère, donc clandestin, intime et amoureux...
Comment découvrir ce secret, ? Par la correspondance : le secret de la correspondance amoureuse... précisément...
Il s'agit d'une longue correspondance croisée de deux amants, Adèle Schunck et Aimé Guyet de Fernex, ayant entretenu - dans le secret pendant une vingtaine d’années (1824-1849) - une liaison adultère... Cette correspondance a été mise à jour par Paula Cossart, qui a retrouvé 1500 de leurs lettres...
L'adultère est scandale... ! Il s'apparente au rapt de séduction... Au moyen-âge, l'enlèvement, le rapt de séduction enlève au mari sa femme... Ce rapt trouble la société civile et viole les lois humaines … Juridiquement, ce comportement appartient aux délits « qu'on appelle occultes et de difficile preuve... ». La preuve objective, reste le flagrant délit de « soudure » charnelle ; juridiquement : « lorsque la femme est trouvée seule, avec un autre que son mari, l'un et l'autre étant nus et couchés dans le même lit »...
La clandestinité amoureuse soude deux êtres épris dans l'amour passion, au mépris de la réprobation morale et sociale...
Adèle est mariée depuis 1812 à Philippe Henri Schunk, âgé d'une trentaine d'années de plus qu'elle. Ce n'est pas un mariage d'amour... Adèle est mère d'une petit garçon, Charles, qui a douze ans lorsque débute la liaison de sa mère. De plus ; il semble que le fils d'Adèle ne soit pas de son mari ; sa naissance semble avoir suivi de près leur mariage. Adèle est ''tombée enceinte'' et ses parents l'ont alors mariée par convenance avec Philippe Henri Schunk...
Portrait d’Adèle, peint en 1832 par Pierre DaubignyAimé lui est veuf, et père de trois petites filles... En 1824, lorsque leur liaison débute, Adèle et Aimé ont tous les deux un peu plus de trente ans...
En cette première moitié du XIXe s. le mariage est avant tout un ''établissement'' ; il assure à la femme une position dans le monde... aussi Adèle ne demande pas la séparation de corps, et le divorce est impossible ; elle tien à garder l'estime sociale... Le code l'honneur est alors un code des apparences et repose sur une culture du secret... Si l'infidélité masculine est tolérée, ce n'est pas le cas pour la femme, dont la sexualité est sous surveillance...
Le secret engendre un sentiment d'exceptionnalité, une valorisation du sentiment... Les amants sont seuls au monde, contre tous... Et, l’ardeur sans cesse relancée par l’obstacle, le risque, les plaisirs de la transgression et le souci constant d’une absolue clandestinité.
Prudence, crainte d'être découvert... Torture de ne point se voir … Rendez-vous furtifs ; et rencontre avec ses risques... Les promenades avenue de Breteuil ou dans le parc de Saint-Cloud... Se cacher dans la ville : le mystérieux appartement du n˚ 115, dont il importe de ne pas égarer la précieuse cle... Se promener en fiacre à l'abri des regards... Devenir anonyme …
La sphère du secret dépasse les amants... Le mari, a de forts soupçons, mais pour la défense de l'honneur se tait...
Présence, absence... Des lieux divers portent la mémoire de leurs amours : maisons, chambres, jardins … La ville ( la société) est le lieu du mensonge, où l'on joue son rôle : épouse... La campagne ( la nature ) est le lieu où l'on peut être soi-même, le lieu de longues promenades... La nature est une amie pour les amants, elle entretient des rapports avec l'âme humaine : variations du temps, et sentiments de l'âme...
Apparaît un endroit intermédiaire : les bois, et les parcs, où l'on peut se cacher... Les bois sont un lieu essentiel de clandestinité... C'est dans un bois, qu'Adèle « s'est donnée » à Aimé la première fois... Rendez-vous nocturnes …
Dans cette image de l'adultère, le ''chercheur'' exprime la condamnation ressentie, de la part de l'Eglise, de sa voie ''sur les marges'' et solitaire...
On peut passer à présent du ''Secret'' à l'amour courtois, à la manière ''romantique'', XIXe s. oblige …. A suivre …
Sources :
Paula Cossart : les papiers d’Adèle Schunck - la correspondance réciproque que cette femme a entretenu avec son amant, Aimé Pierre Marie Guyet de Fernex, entre 1824 et 1849 : 1500 lettres retrouvées... Aussi : Clandestinités urbaines: Les citadins et les territoires du secret (xvie-xxe) De Emmanuelle Retaillaud-Bajac