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Isabelle Alentour | [Jamais d’abord, ni contre]

Publié le 31 mai 2019 par Angèle Paoli

[JAMAIS D'ABORD, NI CONTRE]

J amais d'abord, ni contre, la densité d'un corps et le geste qui efface.

Qui tient au poids du silence.

Tout ce dont la langue fut coupée.

Tout ce qui se putréfie d'être tu.

Écrire.

Peu.

Donner un nom à ce qui échappe : le trop intime, le monstrueux.

Écrire avec la retenue des forêts.

Sans souffrance inutile pour les arbres manquants.

En dessous des épaules démarrent les brumes.

Coagule le sang.

Rien ne s'ouvre qui permette l'avant.

À mon poignet un autre mutisme.

Ça ne finit pas, non, ça ne finit pas.

(Ne pouvoir écrire, seconde mort)

Douleur
dédouble
chaque
minute
casse en deux chaque
sourire
ou bourgeon enivré de printemps


Nul arbre où grimper
(cabane où s'abriter)
nulle pluie où tomber
ni moineau vers le sud pour s'envoler

Dehors
le soleil (cet insouciant)
continue de tourner

Ne prononcez pas ces mots.

La seconde mort.

Celle qui se troue d'un blanc après que tout est fini.

L'oubli des victimes.

Non, ne vous fatiguez pas à prononcer ces mots.

Les égouts de l'histoire s'en chargeront.

Isabelle Alentour, " V - Comme dans un rêve ",
Ainsi ne tombe pas la nuit, Éditions iXe, Collection racine de iXe, 2019, pp. 52-54.

Isabelle Alentour  |  [Jamais d’abord, ni contre]


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