[JAMAIS D’ABORD, NI CONTRE]
Jamais d’abord, ni contre, la densité d’un corps et le geste qui efface.
Qui tient au poids du silence.
Tout ce dont la langue fut coupée.
Tout ce qui se putréfie d’être tu.
Écrire.
Peu.
Donner un nom à ce qui échappe : le trop intime, le monstrueux.
Écrire avec la retenue des forêts.
Sans souffrance inutile pour les arbres manquants.
En dessous des épaules démarrent les brumes.
Coagule le sang.
Rien ne s’ouvre qui permette l’avant.
À mon poignet un autre mutisme.
Ça ne finit pas, non, ça ne finit pas.
(Ne pouvoir écrire, seconde mort)
Douleur
dédouble
chaque
minute
casse en deux chaque
sourire
ou bourgeon enivré de printemps
Nul arbre où grimper
(cabane où s’abriter)
nulle pluie où tomber
ni moineau vers le sud pour s’envoler
Dehors
le soleil (cet insouciant)
continue de tourner
Ne prononcez pas ces mots.
La seconde mort.
Celle qui se troue d’un blanc après que tout est fini.
L’oubli des victimes.
Non, ne vous fatiguez pas à prononcer ces mots.
Les égouts de l’histoire s’en chargeront.
Isabelle Alentour, « V – Comme dans un rêve », Ainsi ne tombe pas la nuit, Éditions iXe, Collection racine de iXe, 2019, pp. 52-54.
ISABELLE ALENTOUR
[PELLEGRINI]
■ Isabelle Alentour
sur Terres de femmes ▼
→ [Lac étal comme un épuisement] (extrait de Je t’écris fenêtres ouvertes)
→ [Heures douces d’un après-midi d’été] (extrait de Louise)
→ Louise (lecture d’AP)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) [Pour ne pas perdre la pluie] (poème inédit, 2013)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions iXe) la fiche de l’éditeur sur Ainsi ne tombe pas la nuit d’Isabelle Alentour
→ (sur Terre à ciel) une page sur Isabelle Alentour [+ mini-entretien avec Roselyne Sibille]
→ (sur Ce Qui Reste) une page sur Isabelle Alentour
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