Fin du siècle - Être orléaniste...

Publié le 21 juillet 2019 par Perceval

Nous allons entrer dans le monde des salons et de la culture dans le Paris mondain, entre 1895 et 1915. Nous pouvons le faire - grâce aux documents qu'Anne-Laure de Sallembier a laissé à son fils - puisqu'elle eut le privilège du titre, pour côtoyer les personnes qui ont le prestige de l'aristocratie ou de l'argent, ou chose recherchée, le don artistique, médiatique, politique...

Anne-Laure a eu cette chance, de savoir – toute jeune – ce à quoi elle devait se consacrer... Sa Quête allait consister à suivre un fil – déjà tendu par ses ancêtres – et passer de rencontre en rencontre, de réflexions en théories, d'anecdotes en expériences à traverser... Les mondanités vont la conduire à modifier ses convictions politiques, à côtoyer le mystère avec l'occultisme, rencontrer la théosophie, se passionner pour la recherche scientifique... Anne-Laure va vivre avec la même intensité ''religieuse'' : l'art, et l'amour ; la philosophie et la Quête du Graal ...

Le salon de la comtesse Potocka

« Un salon, c'est d'abord une femme... ». Un salon est ouvert, mais intime ; c'est un lieu de rencontre et de conversation.

Anne-Laure a suivi l'évolution du salon, mondain : qui met en relation le monde, conforte les alliances, arrange les mariages, accélères les carrières … ; jusqu'au cénacle : à forte identité culturelle et engagé...

Anne-Laure de Sallembier, par les titres de son mari, accède aux salons qu'il fréquentait... La plupart sont marqués politiquement...

Monsieur de Sallembier, tout comme la famille d'Anne-Laure, étaient ''orléanistes'', proche du duc de Broglie (1821-1901), et de son fils Victor de Broglie (1846-1906) .

Ce peut être l'occasion de se rendre compte du milieu intellectuel, social et politique, dans lequel Anne-laure va évoluer, jusqu'à la ''Grande guerre''... Les opinions qui environnent alors Anne-Laure et qu'elle partagera, peut-être, ne nous sont pas familières ; et même nous choquent …

Revenons à la politique :

Les convictions des orléanistes, proches d'une droite libérale, vont être ébranlées par la reconnaissance du pape Léon XIII, de la République... Les catholiques qui soutiennent cette position constituent un parti catholique et républicain, « l'Action libérale ». Les légitimistes, en majorité, ont du mal à suivre l'avis pontifical, et certains font même courir le bruit que le souverain pontife serait franc-maçon... !

L'écueil principal reste les conséquence de l'affaire Dreyfus... Affaire qui commence, trois années plus tard après la condamnation d'Alfred Dreyfus en 1894 quand l'opinion est mise au courant de l'erreur judiciaire... Elle va alors se diviser en deux composantes : '' dreyfusards et anti-dreyfusards '' jusqu'à déstabiliser la République, en 1898... En effet, les partis de droite soutiennent l'autorité de la chose jugée. Ils vont même préférer s'opposer à la révision d'un procès qui serait dangereux pour l'honneur de l'armée.

La majorité des catholiques va se ranger aux côtés des antidreyfusards, ce qui ranime l' anticléricalisme, et permet à la gauche alors divisée sur la question sociale, de se souder...

L'affaire Dreyfus semble rendre impossible la réconciliation des droites avec le régime républicain et empêche les orléanistes de participer à la République avec ce que l'on appelait un ''esprit nouveau''...

Malgré tout, plus tard en ce début du XXe siècle, les orléanistes rejoignent les milieux affairistes et l'idéologie libérale du « juste milieu »: ordre et liberté, protectionnisme, tolérance en matière religieuse. 

En 1905, la ligue d'Action française est créée ; elle devient un groupe d'agitation permanente. Les orléanistes du camp royaliste sont scandalisés par ces « trublions » qui prétendent servir la même cause qu'eux.

L'aristocratie se rattache à une terre... Celle des ''Sallembier' se situe dans la Basse-Normandie, celle d'Anne-Laure de Fléchigné, entre Mayenne et Orne...

Victor de Broglie est conseiller général du canton de Craon et député de l'arrondissement de Château-Gontier en Mayenne.

<- Pauline, Marie, Laure de Broglie, née en 1888, est la seconde fille et le 4ème enfant du prince Victor de Broglie (1846-1906)

Ce cercle de relations, les rend proches d'un royaliste comme Albert de Mun (1841-1914) dont je vais parler...

Plus proche géographiquement, Émile de Marcère (1828-1918) est né à Domfront dans l'Orne. Dès 1871, il s'était rallié à l'idée républicaine en soutenant Thiers : il affirme à la tribune de l'Assemblée Nationale : « Dans un pays de démocratie et de suffrage universel, la République est seule possible ».

Cela n'empêche pas E. de Marcère d'admirer le royaliste Albert de Mun et de s'opposer au républicain Gambetta.

Juliette Adam (1836-1936)

Comme beaucoup de républicains il fréquente le cercle de Juliette Adam... « On se rencontrait dans les lieux où se tenaient d'habitude les réunions des groupes mais de préférence dans les salons, comme il était naturel : les divers partis correspondant à peu d'exceptions près à des catégories sociales différentes »

A propos du salon de Juliette Adam :« Pendant une dizaine d'années, de 1874 à 1884, ce salon fut le centre du mouvement politique qui se produisait à Paris et dans les groupes parlementaires et son influence se fit sentir soit dans les délibérations de l'Assemblée et des chambres, soit dans la composition des ministères... Toutes les manifestations de la vie publique y avaient leur contrecoup, plusieurs mêmes furent préparées dans ce milieu un peu enfiévré et dont l'ardeur était entretenue par la maîtresse du logis. » E de Marcère

Le salon de Juliette Adam, est un lieu d'agrément où l'on «cause politique» au même titre que de littérature, de peinture et aussi de science...

Albert de Mun, - dans le sillage des positions de Léon XIII et de la Doctrine sociale de l'Église (encyclique Au milieu des sollicitudes de 1892) - prône le ralliement des catholiques à la République. Il défend nombre de réformes sociales dans un esprit particulier, inspiré du corporatisme d’Ancien Régime...

<- Par l'encyclique Au milieu des sollicitudes (1892), Léon XIII invita les Français à se rallier à la République pour la réformer de l'intérieur.

Après avoir soutenu le général Boulanger, il devient anti-dreyfusard... Il n'est pas le seul : il rejoint les peintres Edgar Degas et Auguste Renoir, les poètes José-Maria de Heredia et Pierre Louÿs, le compositeur Vincent d'Indy, Jules Verne, et bien-sûr Maurice Barrès, Maurras...

Il fonde l’Action libérale populaire après la victoire du Bloc des gauches en 1902... Il va ensuite s'opposer de façon virulente à la loi de séparation des Églises et de l’État...

En 1909, Albert de Mun prend position contre l'Action française...

A suivre: La vie mondaine - 1900