Anne-Laure évoque aussi Corisande de Gramont, comtesse de Brigode (1850-1935), mariée en 1871 au fils d'Annette, Gaston de Brigode ( 1850-1937). Elle est la sœur d'Alfred de Gramont (1856-1915)...
<- Famille de-Gramont, avec ici, Elisabeth de Clermont-Tonnerre et Louis-René de Gramont avec son père, Antoine XI-Agénor
Le père d'Alfred et Corisande, est donc Antoine Agénor de Gramont, qui alliait prestige et séduction... Ses aventures galantes l'ont porté vers la tragédienne Rachel, la marquise de Païva, et surtout Marie Duplessis, la '' Dame aux camélias '' d'Alexandre Dumas... En 1848, il a épousé Emma Mackinnon, d’une ancienne famille écossaise... Ils ont quatre enfants, dont Alfred ( le dernier) et Corisande ( l'ainée) qui épouse Gaston de Brigode ; Agénor (1851-1925), et Armand.
Alfred de Gramont est l'ami fidèle du duc d'Orléans – Philippe VIII, arrière petit-fils du roi Louis-Philippe – et contraint à l'exil par la loi de 1886... Il regrette l'état du parti royaliste, du à l'erreur boulangiste et accéléré par le Ralliement du pape, la tentative de coup d’état de Paul Déroulède ( 23 février 1899)... Il constate le rôle néfaste des militants de l'Action française ; regrette l'extrémisme le sectarisme, le goût de la violence et les provocations des militants du mouvement de l'athée Maurras...
La tradition de cette grande famille de Gramont, garde en mémoire Diane d'Andouins, la '' belle Corisande '' mariée à Philippe de Gramont, mère du premier duc de Gramont et amie de Montaigne. Elle a laissé une correspondance avec Henri IV, dont elle fut l'égérie pendant les huit années qui ont précédé son accession au trône... Le comte de Guiche, libertin de la cour du jeune Louis XIV, est son petit-fils...
Je reviens à Annette, baronne de Poilly (1831-1905), dont parlait souvent Élisabeth de Gramont : elle racontait que Barbey appelait la baronne de Poilly Sémiramis, « à cause de son charme oriental » : « Toujours belle, de cette beauté étrange et aphrodisiaque qui ensorcela tant de gens, elle recevait dans son hôtel, 34, rue du Colisée, - un petit hôtel tendu de peluche, de portières et d'étoffes chinoises - les jeunes hommes de lettres et les personnages brillants. La baronne de Poilly ressemblait à ces belles femmes opulentes, comme les peintres se sont plu à en décorer les plafonds des palais et des Opéras. Mais elle avait aussi un esprit cultivé, subtil, raffiné, et savait écouter… Barbey était le commensal attitré des dîners de la baronne, qui lui réservait toujours ses vins préférés : du bordeaux ancien et du vieux porto. Cet hôte de choix illuminait le salon du feu d'artifice de sa parole. ». ( source : Elisabeth de Gramont publie chez Grasset, une biographie sur le Connétable, 1946)
Chez la baronne, Anne-Laure pouvait rencontrer, outre Barbey d'Aurévilly ( le ''connétable'' est mort en 1889), Judith Gautier (1845-1917), la fille de Théophile, séparée de Catulle Mendès, et dernier grand amour de Wagner... C'est elle qui inspire à Wagner les « filles-fleurs » de Parsifal et près d'elle, il a écrit le troisième acte de Siegfried. Sa première rencontre avec Wagner date de juillet 1869. Judith Gautier lui enseigne les subtilités des mystiques orientaux. Elle est alors une spécialiste de la littérature et de la civilisation chinoise...
Elle a refusé de devenir une princesse persane; et épouse le 17 avril 1866, Catulle Mendès.
Quand Anne-Laure de Sallembier fait connaissance de Judith Gautier, elle a trente de moins que la fille de Théophile Gautier qui fait déjà autorité. Elle a reçu plusieurs prix littéraires, et écrit ses souvenirs '' Le Collier des jours, '' ...
« La fille du poète est dédaigneuse et belle,
Elle hait nos cités et, loin du sol natal,
S'envole et va songer, ses rêves, beaux comme elle,
Ont l'étrange splendeur du rêve oriental. »
Judith Gautier participe à la création du jury du Prix Femina - Vie Heureuse. Elle sera élue à l'Académie Goncourt le 28 octobre 1910.
A cette même époque, elle continue de fournir un recueil de nouvelles, Le Paravent de Soie et d'or. Son ami Pierre Louÿs écrit, dans une annexe du Pré aux oiseaux, sa plus célèbre œuvre, Aphrodite. Judith fréquente Péladan ou encore Pierre Loti...
Dans la dernière époque de sa vie, Judith Gautier est accompagnée d'une jeune fille toute à sa dévotion, Suzanne Meyer-Zundell. C'est elle, qui racontait que Judith regrettait de ne pas avoir eu d'enfant de Wagner …
Muse du Parsifal de Wagner - elle a écrit sur Parsifal – Judith intéresse fortement Anne-Laure, qui va bénéficier d'une source d'informations importantes dans sa quête ...
A Paris, Judith Gautier reçoit le dimanche, 30 rue de Washington, dans un appartement, sous les toits, au cinquième étage au cadre bohème, avec tentures et tapis et où traînent de précieux manuscrits de ses admirateurs, comme Wagner ou Victor Hugo... Judith a passé la cinquantaine, et, un portrait d’elle (de Sargent) rappelle sa beauté... Anne-Laure y croise Robert de Montesquiou, l'espagnol Carlos de Battle, Pierre Louÿs, Louis Bénédictus ( musicien, compositeurs accrédités par l'Ordre des Rose-Croix, et épris de Judith ), la duchesse Élisabeth de Clermont-Tonnerre ( c'est ainsi que femme mariée, Élisabeth de Gramont signe ses ouvrages …), et Joséphin de Péladan...
«Dans son appartement de la rue Washington, au décor exotique, parmi ses chats et ses chiens, Judith avait l'air d'une vieille impératrice byzantine ou chinoise, hiératique et taciturne, immobile et comme figée dans son embonpoint, que dissimulaient mal des soieries à ramages multicolores. Malgré tout, malgré ses airs de tireuse de cartes, on se rendait compte qu'elle avait été très belle. Son profil resté pur, son teint resté mat et ses yeux noirs faisaient encore une forte impression. ..» André Billy
L'été Judith Gautier, reçoit ses familiers à la villa du Pré des Oiseaux à Saint-Enogat ( en fait, Dinard) : une maison à deux étages un peu en retrait derrière les hautes demeures qui dominent la plage. Elle y passe tous les étés depuis 1877, puis ses dernières années jusqu'à sa mort le 26 décembre 1917.
A l'écoute des légendes celtes, elle étudie aussi l'occultisme...