Au square il me prie de le seconder dans ses activités. De sa voix énergique, il m'incite à quitter le banc où je prenais le soleil :
"Madame Maman, Madame Maman, viens vite, il y a un pigeon. Il faut le chasser !"
Des visages doucement interloqués se tournent vers nous. Je bondis, je m'élance. Nous faisons le tour de la cabane. L'oiseau, las, finit par s'envoler. De l'auvent qui abrite quelques bancs il nous toise, prêt à revenir grignoter les miettes qui l'intéressaient et que nous piétinons, triomphants.
Puis Kéké s'écrie :
"Tu viens, Madame Maman, on va faire du toboggan ?
Il fait des petits sauts de cabri, il court, en se retournant sans cesse pour voir si je le suis derechef. Parvenu au bas de l'échelle, il pousse un garçon qui attendait son tour en articulant :
"Pardon Mademoiselle, je vais monter à l'échelle !
Je lui ôte les mains des barreaux et je lui explique que le garçon était là d'abord et que c'est à lui d'attendre.
Il acquiesce, rieur, clame :
"D'accord Madame Maman ! Vas-y Mademoiselle, c'est ton tour !"
Je dis :
"C'est un garçon, Kéké, tu as vu ? Il faut l'appeler Monsieur, pas Mademoiselle !"
Mais Kéké dévisage son comparse avec hauteur et préfère se taire.
Une mère, l'air pincé, s'enquiert :
"Il vous appelle comment ? Madame Maman ?
- Oui, j'aime que mon fils me respecte ! C'est important de leur enseigner cette notion assez tôt vous ne trouvez pas ?"
Puis je me sauve. Kéké m'appelle : il veut construire un château de sable.
"Ou plutôt, tu les construis, Madame Maman et je les casse..."
Illustration : Lisa Hurwitz