Le terme est apparu en juillet 2017 sur Tumblr, un terme inventé par l’autrice américaine Alexandra Rowland. Très vite repris et beaucoup partagé, il a permis de servir de support à tout un courant de pensées et, bien sûr, d’écriture en science-fiction et fantasy. Elle intervenait sur une table ronde portant sur le sujet à la WorldCon 2019 à Dublin (photo ci-dessous), à laquelle j’ai assisté. Voici donc ce qui s’en est dit et ce que j’ai pu approfondir ensuite, afin d’expliquer ce concept que je trouve enthousiasmant.
Alors que le solarpunk (cf. l’excellent article d’Arte qui présente ce que c’est) se concentre beaucoup sur les technologies et l’écologie, le hopepunk se tourne vers l’humain et vers ses émotions et sentiments. Ce mouvement contestataire (d’où le « punk ») s’élève contre l’avenir forcément anxiogène, foutu et tragique que nous présentent de plus en plus les médias et les créations artistiques (livres, séries et films, et même illustrations). L’idée est de proposer un futur réaliste, mais où le meilleur de l’être humain est valorisé – au contraire du sarcasme, de l’ironie et du cynisme qui ont aujourd’hui la belle part dans la reconnaissance intellectuelle. Le hopepunk fait de l’optimisme, de la bonté et de la gentillesse un réel pouvoir face au marasme, au manque de moralité, à la violence et au fatalisme. Même si le tableau est sombre, voire désespéré, cela n’empêche pas d’aimer, d’être gentil et d’espérer. « Être gentil devient un acte politique » précise Alexandra Rowland. Il faut du courage et de la persévérance pour agir avec sincérité et conviction, afin de changer les choses de l’intérieur.
L’espoir (le « hope » du terme) devient donc à la fois un acte de résistance pour lutter contre la vision cynique de l’avenir, mais également un vrai choix conscient d’affirmer son humanité. Il ne s’agit pas d’une soumission ou d’une résignation, mais bien d’un acte courageux : croire fermement que nous avons la possibilité de créer un monde meilleur en nous préoccupant les uns des autres, au lieu d’être en lutte permanente les uns contre les autres. C’est le grand pouvoir de la petite goutte d’eau qu’est le cœur de chaque individu. Et pas tout seul ! L’importance du collectif et du communautaire est soulignée : à plusieurs, nous sommes plus forts et nous accomplissons plus grand. Le hopepunk est donc devenu une tendance culturelle et narrative : déprogrammer les pensées établies qui font de notre société et de l’avenir un monde individualiste, sombre, cruel, pessimiste, voire pervers. Écrire un futur et un monde dans lequel on aimerait vivre. Privilégier la bienveillance, l’empathie et le respect de chaque être humain. L’espoir est un beau perturbateur !
L’écriture hopepunk rassemble plusieurs paramètres :
- la « force de la douceur » avec une esthétique et une atmosphère consacrées
- une lutte constante et permanente contre la résignation et le pessimiste (voire contre le système)
- la construction d’une communauté par la coopération volontaire plutôt qu’en réponse à un conflit ou une guerre
- des personnages lambdas comme vecteurs du changement (et non des super-héros, des nobles, etc.)
- une conscience de soi-même et de ses émotions comme rappel essentiel de sa nature d’être humain
- de la gentillesse, du respect et de la considération pour l’autre
« La gentillesse et la douceur ne sont pas une faiblesse » clame d’ailleurs Alexandra Rowland. Plusieurs ouvrages pourraient être rangés sous l’étiquette « hopepunk » alors qu’ils ont été écrits avant que le terme n’existe. Star Trek est un bon exemple de l’esprit de ce courant : au lieu d’avoir un capitaine qui ordonne d’ouvrir le feu, l’équipage se concerte pour trouver une solution au problème auquel ils sont confrontés. Le terme lui-même n’a pas créé le concept, mais l’a juste nommé. Cela lui donne ainsi une visibilité médiatique claire.
Il ne s’agit pas non plus de naïveté, d’utopie ou d’idéalisme. C’est proposer que la science-fiction positive ne soit pas juste une évasion face au monde réel, mais bel et bien une invitation à imaginer le changement que nous pourrions nous-mêmes mettre en place dans le monde. « On sait qu’on est mal barrés, mais on ne lâche rien : on se bat et on croit à un monde meilleur. » Il y a de la lucidité dans ce mouvement : nous savons que les conditions sont très mauvaises, mais notre espérance est prouvée par nos actions. Le personnage du hopepunk se rapproche plus des hobbits et de la lutte de Frodo contre l’influence maléfique de l’anneau chez Tolkien, que du héros noble ou hors-norme aux qualités extraordinaires ou magiques. En outre, l’importance n’est pas la victoire au bout, mais le chemin lui-même et le travail à faire chaque jour. L’un des exemples souvent cité dans les articles est : cultiver son propre potager pour nourrir son voisin.
Face aux désastres climatiques et la montée de l’extrémisme un peu partout sur la planète, la vraie contestation est de croire au futur, de croire que l’homme peut se réveiller et se racheter grâce à ses qualités humaines. Profondément optimiste et positive, je ne peux donc qu’adhérer à cette prise de position ! C’est également ce que je prône à travers mon métier de dynamisatrice. Je trouve ça juste incroyable que ce qui devrait être du bon sens normal se retrouve à être une approche subversive…
Je me suis amusée à faire un visuel (cf. ci-dessus) pour porter haut les couleurs de ce mouvement. J’ai même fabriqué des badges qui sont en vente dans ma boutique Etsy, si cela vous dit d’afficher votre adhésion à ce concept
… Et surtout, je découvre vers quoi mon écriture s’orientait inconsciemment jusque là. Je compte bien essayer de le faire de manière affirmée et militante dorénavant !