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Yod

Publié le 04 juillet 2019 par Les Alluvions.com
Reprenons : le i se glisse au cœur du Rems hébraïque et fait advenir Reims. Ni vu ni connu, ainsi passe-t-on à travers les mailles du filet des milices. A l'origine de notre i se trouve le iota grec et le yod de l'alphabet hébreu.
Yod
Selon Marc-Alain Ouaknin (L'Alphabet expliqué aux enfants, Seuil 2012), "le yod représente, en protosinaïtique et plus nettement encore en cananéen/phénicien, l'image de la "main", et plus précisément l'image du bras, de l'avant-bras articulé à la main qui prend un objet. Le mot yad en cananéen/phénicien signifie la "main"." Yod est la première lettre du Nom sacré, du Tétragramme, qui s'écrit : Yod  Hé  Vav  Hé  (à lire de droite à gauche)

Yod

Le Tétragramme en phénicien, en araméen ancien et en hébreu carré (Wikipedia)

Sachant cela, je m'émerveillai alors de découvrir que la dernière photographie du catalogue consacré à Cécile Reims représentait ses mains, ses mains au travail, poussant le burin sur la plaque de cuivre.
Yod

Je voulus dès lors relire L'embouchure du temps, son dernier ouvrage. Mais je m'aperçus qu'il était absent des rayonnages, j'avais dû l'emprunter à la médiathèque ; qu'à cela ne tienne, je me rabattis sur le précédent, Tout ça n'a pas d'importance (Le Temps qu'il fait, 2014). Or, à la première page du premier chapitre, c'est justement à partir de sa main que Cécile développe sa méditation sur l'existence :

"En la quatre-vingt sixième année  de celle qui use, avec de plus en plus de retenue ou d'exigence, de la première personne du singulier "je" et du pronom possessif qui lui est accordé, la main droite, jusqu'alors docile et répondant aux injonctions du graveur - main qui prédomine, exécute les gestes les plus élémentaires - cette main s'insoumet, opposant à la demande une douleur telle que la demande se rétracte et se soumet au verdict d'abstinence." (p. 9)

*L'ombre portante était le septième article du mois de juin, et le 707ème article d'Alluvions. Or, une recherche sur Quaternité, le blog de Rémi Schulz, avec ce nombre 707 nous conduit sur le billet du 11 mai 2009, Les pendus bizarres, où l'on retrouve non seulement le Livre d'Esther mais aussi le nombre 7, à travers un jeu numérologique décrit par Jean-Jacques Glassner :
Yod
"On retrouverait donc, poursuit-il, le même jeu dans le livre d'Esther, lequel est si imprégné de culture babylonienne que ses héros juifs se nomment Esther et Mardochée, où se reconnaissent Ishtar et Marduk, les principaux dieux babyloniens. A l'instar de la clémence de Marduk, c'est Mardochée qui est à l'origine de la lettre royale expédiée le 23 du 3e mois, 70 jours après la lettre du 13 du 1er mois, à l'initiative d'Haman, ordonnant l'extermination de tous les Juifs le 13 adar, 11 mois plus tard."
Rémi rappelle ensuite qu'il réagit particulièrement à l'idée d'un jeu palindrome sur le nombre 11 dans le livre d'Esther, parce qu'il a découvert "en 2002 que le jour de la naissance de Georges Perec, le 7 mars 1936 à 21 h, correspondait dans le calendrier hébraïque au début du 14 adar 5696, soit à la fête de Pourim, commémorant les réjouissances ayant suivi la victoire des Juifs sur leurs ennemis le 13 adar 3405, la réalité des faits et de leur datation n'étant pas mon problème." Il s'ensuit une cascade d'émerveillements que je me vois contraint de citer longuement, car c'est ainsi que l'on parvient à l'évocation finale de 707 :
"Je m'émerveillais donc ici de voir Perec lié au livre d'Esther, où apparaît cette disposition unique dans la Bible hébraïque, pour les versets 9,7-9:

J'ai fusionné ici le texte d'Esther donné pages 124 et 126 de l'édition Colbo de 1987, ISBN 2-85332-094-4
On y voit dans la colonne de droite le dernier mot du verset 6, ish, "homme", censé désigner Haman, pendu plus tôt sur le gibet qu'il avait préparé pour Mardochée, suivi des noms de ses 10 filsYod, tués le 13 adar; dans la colonne de gauche, 10 fois la conjonction we'eth, "et", et le premier mot du verset 10, assereth, "dix" (fils d'Haman...) La tradition voit Haman et ses 10 fils avoir été pendus l'un au-dessous de l'autre sur le gibet de 50 coudées de haut.
Je m'émerveillais parce que la disposition fait apparaître un carré avec un blanc central, de 11 lignes de hauteur, or le carré, le "manque" et le nombre 11 sont essentiels dans l'oeuvre de Perec, dont notamment le recueil Alphabets est constitué de 176 carrés de 11x11 lettres, l'immeuble de La vie mode d'emploi correspondant à un carré bi-latin est sis 11 rue Simon-Crubellier.
Je m'émerveille à nouveau en apprenant la possibilité d'un jeu palindrome dans le livre d'Esther, ou anadrome pour employer le terme exact, alors que c'est une autre spécialité de Perec, et le jeu original est de plus basé sur le nombre 11, le premier nombre palindrome non trivial en chiffres arabes.
Je m'émerveille encore plus en constatant que mes considérations sur la date de naissance de Perec étaient intégrées à une page nommée baruq, en référence au prétendu auteur Boris Baruq Nolt mentionné dans La vie mode d'emploi, nom obtenu par divers jeux palindromes sur les 3 premiers éléments du titre de la nouvelle Tlön Uqbar Orbis Tertius, de Borges. Perec a inversé l'ordre des deux syllabes uq-bar pour en faire bar-uq, de même que Marduk avait joué avec les deux signes cunéiformes écrivant 11 et 70.
J'achevais cette page ainsi :
Il est ahurissant de constater que le procès de Nuremberg s’est soldé par la condamnation au gibet de 11 chefs nazis, et que le schéma 1-10 du récit d’Esther s’est matérialisé dans l’Histoire avec son grand nœud coulant : l’accusé vedette Göring a réussi à se suicider la veille de la pendaison, les autres 10 sont montés sur le gibet le 16 octobre 46.
En 2002 je ne sais si les infos disponibles aujourd'hui en ligne ne l'étaient alors pas, ou si je n'ai pas été capable de les découvrir, toujours est-il que mon renouveau d'intérêt m'a mené à ceci :
- Lors de la pendaison des chefs nazis, celui qui s'est le plus exprimé est Julius Streicher, qui a notamment crié Purimfest 1946, “(Voici la) fête de Pourim 1946”
- Les noms des fils d'Haman présentent des anomalies typographiques, diverses selon les traditions. Selon l'une d'elles, 3 lettres seraient plus petites que la normale, et la valeur numérique de ces 3 lettres 707 correspond dans le calendrier hébreu à l'année de la pendaison des nazis, 16 octobre 1946 = 21 tishri (5)707 !"
On retrouve certains des éléments décrits ici dans Tout est accompli du trio HMR. Encore une fois, longue citation :
"L'une des principales sources d'aveuglement consiste à enfermer l'histoire profane dans ses propres cadres. Or l'histoire profane ne cesse elle-même de renvoyer à l'histoire sainte, comme le prouve ce qui s'est passé au XXè siècle. Ainsi la fin du IIIème Reich s'inscrit-elle directement dans le livre d'Esther. Au tribunal militaire de Nuremberg, on prononce d'abord douze condamnations capitales. Comme Martin Bormann était contumace, onze dignitaires nazis attendaient l'exécution de la sentence. Mais dans la nuit qui précède les pendaisons, un des dignitaires, Hermann Göring se suicide avec du cyanure. Aussi, Julius Streicher, l'un des futurs pendus, comparera-t-il les condamnés aux dix fils de Haman. Au moment où on lui passera la corde au cou, il s'exclamera même :"Pourim fest 1946." L'antisémite en lui, le fils d'Amaleq, venait de reconnaître le renversement du sort, ce moment où le dé se retourne en faveur d'Israël.
Il n'est pas anodin non plus que les droits d'auteur de Mein Kampf, déposés par Hitler sur un compte secret en Suisse, l'aient été au nom de Max Amann, homonyme du chef d'Amaleq dans le Livre d'Esther. Par ce subterfuge, Hitler se comparait implicitement à l'exterminateur d'Israël, avec l'idée de mener à fin ce que son prédécesseur n'avait fait qu'entrevoir." (pp. 242-243)
Amaleq revient souvent dans l'essai. "Amaleq, écrit David Banon dans la revue Pardès, c’est le peuple qui, sans raison aucune, a attaqué Israël dans le désert. Sans raison si ce n’est la haine ancestrale qu’Esaü vouait à Jacob. Car Amaleq est de la lignée d’Eliphaz, fils d’Esaü (Gn. 36, 12) et, comme son ancêtre, il voue aux descendants de Jacob une haine implacable.(...) La tradition juive fait d’Amaleq la figure de l’anti-Israël et ordonne de le combattre."


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