Magazine Journal intime

[lu] l'île des enfants perdus, roman de nicolas chaudun

Publié le 01 octobre 2019 par Tilly

Actes Sud, septembre 2019,lien 192 pages, 18 euros 80

Sortie de mon mutisme bloguesque pour l’occasion de reparler d’une histoire qui m’avait touchée il y a plusieurs années, celle de La Fleur de l'âge, film fantôme de Carné et Prévert sur une mutinerie au bagne d’enfants de Belle-Île-en-Mer.
À la fois l'existence de ce pénitencier très spécial, et celle du film avorté, m'avaient été révélées par l'exposition à Vannes en avril 2013 des superbes photos de plateau d’Émile Savitrylien.

4ème de couv — Au printemps 1947, Marcel Carné et Jacques Prévert ont tourné un film à Belle-Île-en-Mer, La Fleur de l’âge. Celui-ci s’inspirait de la mutinerie survenue en 1934 dans le bagne d’enfants érigé non loin du Palais, le principal port de l’île. Il y était question d’amours impossibles entre un mutin en cavale (Serge Reggiani) et une riche estivante (Arletty), entre une jeune îlienne (Anouk Aimée) et un innocent mis en cage… De cette nouvelle collaboration, la huitième, le public attendait un chef-d’œuvre du même tonneau que Le Quai des brumes ou Les Enfants du paradis. Et, en effet, de l’avis unanime de ceux qui en avaient visionné les premières séquences, cette cuvée promettait un sommet. Mais le chantier resta en suspens, interrompu par les vents contraires. Et du film inachevé, pas une séquence ne subsiste, ni même un rush. Rien donc, sinon quelques photographies de plateau. Malchance ? Torpillage ? La malédiction susciterait pas mal de rumeurs et autant de fausses pistes… Le narrateur part à la recherche des bobines disparues, stimulé par de maigres indices et le témoignage de rares survivants. Son enquête fournit un fil conducteur à l’évocation du cinéma français de l’âge d’or, depuis les années fébriles de l’immédiat avant-guerre, jusqu’à celles plus troubles encore de l’épuration ; une fresque oui, mais pitoyable et glorieuse, étincelante et pourtant entachée de zones d’ombre… — Éditeur d’art, documentariste et écrivain, Nicolas Chaudun a notamment publié chez Actes Sud une biographie du baron Haussmann qui fait autorité, ainsi que deux récits historiques: L’Été en enfer (2011), plusieurs fois primé, et Le Brasier (2015), élu meilleur livre d’histoire de l’année par le magazine Lire.
Je n’ai pas été totalement séduite par le "roman" que Nicolas Chaudun a tiré de ce naufrage cinématographique, mais j'en attendais sans doute trop.
Les photos de Vannes m'avait déjà appris beaucoup de choses ; j'avais même gratouillé autour pour écrire ma chronique d'alorslien (voir les liens vers la presse de l'époque et autres sites) ; mais le grand mérite de Nicolas Chaudun est de livrer l'histoire de L'Île des enfants perdus à un public de lecteurs beaucoup plus large que celui des visiteurs d'une expo en province (sans parler de l'audience riquiqui de mon blog !).

Petit rappel pour celles et ceux qui ne cliquent pas sur les liens (et qui ont tort car le tort tue !) :
En 1934 un fait divers bouleverse Prévert : pour mater la rébellion des jeunes internés de la maison de redressement de Belle-Île, les autorités locales font appel aux habitants et aux touristes. Une prime est distribuée pour chaque fugitif retrouvé... Jacques en fait un poème, La Chasse à l'enfant, et un scénario. Ce n'est qu'après la guerre que les vieux amis Carné et Prévert pourront concrétiser leur projet de film basé sur cet événement triste et révoltant. Hélas, de mai à juillet 1947, d'incidents en difficultés techniques et financières, le tournage vire à la catastrophe et sera complètement arrêté au bout de trois mois. Cela fait penser à L'Enfer de Clouzot... Sauf que cette fois on a complètement égaré et jamais retrouvé ce que Marcel Carné avait finalement sauvé et monté une dizaine d'années plus tard.


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