Entre deux dents de rocher

Publié le 10 septembre 2019 par Les Alluvions.com

Extrait d'un texte lu par Fernand Deligny dans Ce gamin, là, film de Renaud Victor, 1975.
Je reviens sur mes deux Himalayas, l'alien Henri Van Lier  et le non moins alien Fernand Deligny. J'ai déjà établi hier une connexion twinpeaksienne avec le premier, je récidive avec le second. Car, de manière plus éloquente encore, c'est sous l'égide de montagnes jumelles que l'inclassable Del (ainsi le surnommaient les gens de son réseau) a placé ce qu'il appelait sa "tentative".
On en trouve les images sur le site du journaliste scientifique Jean Segura (né à Paris 9ème en 1949*), qui fit quelques passages dans ce pays en ses jeunes années activistes.

Les jumelles (Rouquette et Saint Chamand) qui surplombent Gourgas (Jean Segura)

Les voilà donc ces deux dents de rocher, ces Twin Peaks cévenoles, que Deligny évoque à plusieurs reprises, comme des divinités tutélaires.
Segura commente ainsi :

"Au tournant des années 60 et 70, un lieu dans les Cévennes a représenté un Eden de liberté, d'intelligence et d'imagination, Gourgas : une abbaye séculaire bâtie sur une colline perdue dans la garrigue entre Monoblet et Saint Hippolyte du Fort (dans le Gard) que le psychanalyste Félix Guattari (co-mentor de l'antipsychiatrie avec Gilles Deleuze) avait acquis en 1967.   Alors sans eau ni électricité, Gourgas devient, après des travaux d'aménagement, un lieu où se retrouvent ouvriers, étudiants, artistes, enseignants, architectes, psychiatres. Le « pionnier du travail social »   Fernand Deligny, ancien instituteur qui avait fondé en 1948 la Grande Cordée, réseau d'hébergement de jeunes délinquants et caractériels, aidé par Jacques Lin, ancien ouvrier électricien chez Hispano-Suiza, va faire de Gourgas pendant quelque temps un havre d'accueil pour des enfants et adultes autistes venant d'institutions psychiatriques comme La Borde."
Jacques Lin qui, dans son livre La vie de radeau (Le Mot et le Reste, 2007), reprend exactement la même expression des "deux dents de rocher" :
"Je fais une halte à Gourgas, une vaste demeure plantée au pied de deux dents de rocher, dans les premiers replis des Cévennes. Près de cent personnes vivent là, depuis le début de cet été 1967. Des médecins, un architecte, des enseignants, des enfants, un chanteur catalan, deux copains d'usine qui m'ont parlé de ce lieu et encore bien d'autres gens qui ont l'air de tous se connaître. Tout ce petit monde va et vient, discute et s'interpelle dans les couloirs, par les fenêtres et à tous les étages de cette grande maison en piteux état qu'il s'agit aussi de restaurer. Tous les abords accessibles de la maison sont envahis de voitures ; en contrebas, des murets de pierre retiennent la terre autrefois cultivée. Après avoir coupé des ronces, j'installe ma tente près d'un olivier. Un des copains de l'usine s'en va très vite, effarouché par le climat de cette petite société. Je suis aussi déconcerté que lui, mais il y a des outils et du matériel ; alors je m'attelle aux travaux de restauration. Rapidement je me retrouve seul à manier la truelle ; la plupart des volontaires préfèrent les terrasses des cafés, la fraîcheur des ruisseaux ou les fêtes de village." (p. 31, c'est moi qui souligne)

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* Je précise ses détails car je n'oublie pas que j'écris le 9 septembre 2019, donc le 9/9/19.
Gloire au 9 !
Le 9 septembre, c'est aussi la date anniversaire de la mort de Mallarmé, ce dont m'informe un tweet de France Culture :

Le lien conduit vers une émission datée du 30/09/2011**, Splendeurs de Mallarmé, où était reçu le philosophe Quentin Meillassoux (né en 1967), qui venait alors de publier son livre Le nombre et la sirène, où il présentait son décryptage du Coup de dés.

Le Nombre au coeur du poème - j'en ai parlé naguère, dans 421, un article qui était consacré aussi, comme par hasard, à Deligny - c'est le 707. 707 dont j'ai aperçu une plaque ce matin rue Fontaine Saint-Germain (en revanche, pas de 813 aujourd'hui, ce qui met fin à une série continue de sept apparitions journalières).
** Je me transporte sur l'article du jour du site L'ex-homme-âne-yack, site que j'ai mis en lien parce qu'il comporte l'intégrale de l'autobiographie de Fred Deux, ce qui mérite d'être salué. Descendant un peu sur la page d'accueil, je remarque un article daté du 30 septembre 2017, qui met en ligne une émission en trois parties de France Culture consacrées à Fernand Deligny, datant d'août 1977 rediffusée quarante ans après, fin mai 2017 : Les vies retranchées.