Revue de presse BD (332)

Publié le 24 octobre 2019 par Zebralefanzine @zebralefanzine

+ On attribue parfois au philosophe Diderot la paternité de la critique d'art. Ce genre littéraire, qui n'a cessé de prendre du volume depuis, était d'emblée mal engagé. En effet Diderot aborde l'art, comme tout le reste, en dilettante ; cet amateur d'art improvisé ne s'élèvera guère au-dessus des opinions superficielles dans une matière qui l'intéresse peu.

A ce dilettantisme s'ajoute une bonne dose d'hypocrisie ou de jésuitisme : en effet Diderot prône un art fait pour édifier le peuple, mais son goût personnel va aux marines de Joseph Vernet, pleines d'éclaboussures et de voiles déchirées, de rochers contondants... qui n'enseignent rien d'autre que les dangers de la marine à voile par gros temps et la séduction exercée par les scènes violentes sur le quidam.

Certainement Diderot inaugure la tutelle des intellectuels sur l'art, tutelle dont l'art contemporain représente l'aboutissement.

L'exemple de "Tintin", après celui de Marcel Duchamp, cet intellectuel-artiste stérile, est frappant. En effet "Tintin" ne serait rien qu'un divertissement pour enfants, conçu par un artisan aux opinions politiques démodées, sans les efforts déployés par une poignée d'intellectuels démocrates-chrétiens pour le faire passer pour une oeuvre magistrale, capable de rivaliser avec "L'Odyssée" (!).

Il arrive de temps en temps que les caricaturistes ou les auteurs satiriques "se vengent", qu'ils se moquent du snobisme ou des postures auxquels conduisent inévitablement les diktats des intellectuels ; comme rien ne se démode plus vite que les idées, il est nécessaire d'en changer sans cesse pour créer l'illusion de la vie.

Au XIXe siècle, du temps où la presse était encore libre, aucun grand artiste officiel n'échappait aux flèches de ses confrères caricaturistes. Epinglé Rodin et son Balzac grotesque ; épinglé G. Courbet et son "naturalisme" artificieux ; etc.

Jean-Luc Coudray, associé à Isabelle Merlet pour produire "L'Amusant musée" (éd. Wombat), contribuent à ce petit contre-courant satirique. On pense en feuilletant leur ouvrage, qui décode les interactions entre le public et les oeuvres exposées, aux BD d'Yves Chaland. Celui-ci fait en effet exploser en vol les prétentions de la BD franco-belge à être autre chose qu'une fiction amusante.

"L'Amusant musée" divulgue ce que Marcel Duchamp ne dissimulait guère : l'art contemporain est avant tout un jeu de l'esprit (à l'instar de beaucoup d'hypothèses pseudo-scientifiques) ; cela suffit à expliquer le divorce entre l'art et le public populaire : le peuple n'a pas le temps de jouer aux devinettes.

+ La manière dont Dickie se moque du musée et ses paroissiens est moins subtile que l'analyse de J.-L. Coudray. Comme la culture joue désormais en Occident le rôle de la religion, autant dire que "Dickie au musée", par Pieter de Poortere (Glénat), est carrément blasphématoire.

+ Tandis que les essais stupides autour de "Tintin & Milou" se multiplient, l'illustrateur Stanislas ne se lasse pas d'illustrer leurs couvertures.