71 - Règlement de compte (4ème partie)

Publié le 17 juillet 2008 par Theophile

  ...Je te préviens, je ne veux aucune histoire avec la police, tu m'entends !
Je te préviens,
Regarde ta mère, elle ne supportera pas tout cela longtemps...
Regarde ta mère,
Arrête de pleurer Marion, ça sert à quoi ?
Regarde ta mère, Tu l'a vu ? Tu l'as vois ?
Regarde-la  !

Terrorisé, assis en haut de cet escalier, comme maudit, je ne peux faire le moindre geste...

Je tente de comprendre, à chaque parole proférée de mon grand-père, le sujet de ses vociférations. Qu'est-ce que cela veut dire ?  "Cette nuit", "ce couteau", "Qu'est-ce que tu lui as encore fait ?"
Pourquoi parle-t-il de la police ?
Alors que je demeure glacé sur cette marche de l'escalier, je me laisse saisir par le bruit de cette porte qui claque, soudainement. Une porte qui claque violemment. Comme après un départ de colère. C'est lui. C'est "l'autre." Il part.
A ce moment, une panique monte en moi. Je dévale les escaliers à toute vitesse pour comprendre ce qu'il s'est passé et pourquoi est-il parti aussi vite, en claquant la porte. Et pour aller où ?

Lorsque j'arrive dans la cuisine, je vois ma grand-mère, assise, la tête baissée avec un mouchoir qu'elle manipule entre ses mains, et mon grand-père, debout, appuyé contre le plan de travail, fumant une de ses Gitanes...

   - Qu'est-ce qui se passe ?

Ils sursautent tous les deux lorsque je déboule dans la cuisine.

   - Où est-il allé ? Il est parti où ?

Mon grand-père, tout en écrasant sa cigarette...

   - Théophile... Bonjour mon petit. Tu as bien dormi... ?
   - Il est parti où ?
   - Ce n'est rien Théophile... Il revient tout à l'heure... je te sers un chocolat chaud...?
   - Qu'est-ce qu'il a fait ? Cette nuit, qu'est-ce qu'il a fait ?

Ma grand-mère se lève, et se dirige vers le vaisselier pour mettre le couvert du petit déjeuner...

   - Ton grand-père a été chercher des croissants pour toi...

Ma panique augmente de plus en plus face à leur mutisme.

   - Mais répondez ! qu'est-ce qu'il a fait ?

Ma grand-mère s'approche de moi. Sur son visage se dessine une grande tristesse. Elle tend ses mains pour prendre mon visage avec tendresse. Puis elle me serre contre elle en me caressant les cheveux... Je me laisse faire, toujours avec ces questions ressassées dans ma tête...
La tête appuyée contre sa poitrine, je regarde le sol. Je sens ses doigts dans mes cheveux. Puis sa voix résonne. Avec les battements de son coeur que je perçois, mon oreille collée contre elle, je l'entends me dire d'une voix douce :

   - Ta mère nous a fait tellement de mal...

Une rage et une haine surgit alors de moi, et je la repousse le plus violemment possible...
Je remonte à l'étage pour me rhabiller le plus vite possible. Puis je décide de partir pour rentrer chez moi. Retrouver ma mère...

Je reviens dans la cuisine. Je pointe ma grand-mère du doigt :

   - Je te préviens, toi. C'est la dernière fois que tu dis quelque chose à propos de ma mère... tu m'as bien compris ?! C'est la dernière fois...! Le mal, c'est ton fils qui le fait... (Puis à mon grand-père.) Emmène-moi chez ma mère...

Silence. Il me regarde. Il s'allume une cigarette.
   - S'il te plait, ramène moi chez ma mère...! tout de suite...

Après un temps, il expire un épais nuage de fumée puis me répond calmement :

   - Non.

Sans voix pendant quelques secondes, je finis par sortir une dernière phrase avant de partir et fuir loin de cette maison :

   - Allez vous faire foutre !

En rage, rouge de colère, pâmé par les larmes et la course, je traverse toute la ville pour me rendre le plus vite possible auprès de ma mère.

C'est à 5 kilomètres... 5 kilomètres pendant lesquels mon imagination créé tous les scénarios possibles et imaginables. La peur, le doute, l'urgence me font parcourir ces cinq kilomètres sans presque jamais m'arrêter... Avec toujours la peur au ventre... la vie de ma mère...

(A suivre)