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La culture de l'effort et du résultat

Publié le 17 juillet 2008 par Renefoulon

Cela fait déjà presque un mois que je n'ai pas écrit de billet "de fond". La vie d'un retraité n'est vraiment pas pavée que de bonnes intentions : elle l'est aussi d'obligations, et c'est insupportable !

Après une vie toute emplie de labeur, de sueur et de contraintes diverses et variées, de journées interminables au clavier dans des salles trop climatisées (les informaticiens sont les champions toutes catégories du rhume et du coryza), après 168 trimestres de cotisation dont 75 à la complémentaire des "cadres", et tout ça pour une retraite d'indigent qui ne me permet même pas de prendre mes vacances au Negresco ou au Plazza, après avoir tant donné à mes patrons et avoir si peu reçu en retour, après des flots ininterrompus de cotisations sociales et d'impôts en tous genres, après une carrière de forçat, donc, me voici aujourd'hui contraint, pour survivre, d'encore faire des efforts. Insupportable, vous dis-je !...

Car enfin, si vous connaissez quelques personnes un peu moins grisonnantes que vous et moi, quelques-uns de ces post-adolescents qui constituent le plus gros des troupes en activité dans nos belles entreprises, dont l'âge se situe, disons, entre 18 et 45 ans (vous voyez bien de qui je veux parler : dedans, il y a nos enfants, votre fille, mon fils...), et si vous parvenez à mener avec eux une discussion de fond sur "le sens de la vie", vous allez vite constater que nous, leurs parents, nous n'avions rien compris. Et dire que nous étions chargés de faire leur éducation, de leur apprendre ce qu'était l'existence dans ce bas monde, comment fonctionnait la société. De leur donner les clefs de la réussite et du bien-être, quoi... Or, je le répète (écoutez-les, vous verrez), nous n'avions rien compris. Et s'ils ont tant de difficultés aujourd'hui, c'est sans doute qu'on leur a inculqué de fausses valeurs, qu'on n'a pas su leur expliquer, qu'on a été "à côté de la plaque" ... ou qu'on s'est trompé d'époque ?

Nous autres, nous avions eu des parents qui avaient souffert. Des parents qui avaient connu la guerre. Des parents qui avaient passé leur vie à travailler dur. Bien avant nous, ils avaient éduqué leurs propres enfants, ceux que nous étions alors, et ils nous avaient enseigné ce qu'ils croyaient juste. Que tout ne vient pas gratuitement du ciel, que même si Dieu était la Providence de l'être humain (nous, on rigolait bien : Dieu, tu parles ! C'était bien des idées de "vieux"...), il fallait travailler dur pour avoir quelque chose. Que si on voulait une voiture, une télé, un appartement, il fallait d'abord travailler, pour gagner l'argent nécessaire, et qu'ensuite seulement on pourrait les acheter. Le crédit ? Oh là là ! C'était trop dangereux, ça. C'était "hypothéquer l'avenir". La vraie valeur sure, c'était le travail. Rien que le travail. "Et ce que tu auras gagné de tes mains aura un bien meilleur goût, tu verras..."

Nos parents, et nous ensuite (forcément, l'éducation ça sert à ça !), on croyait dur comme fer qu'on était maître de notre destin. Qu'en travaillant bien à l'école on aurait une bonne situation. Qu'avec cette bonne situation, toujours en travaillant bien, on aurait une vie agréable, qu'on pourrait élever correctement nos propres enfants, etc.. etc..

Alors, on a bien travaillé à l'école (enfin, beaucoup d'entre nous), on a eu une bonne situation (enfin, certains d'entre nous), on a bien travaillé et on a eu une vie agréable (enfin, c'est maintenant, avec le recul, qu'elle nous parait avoir été agréable...), et on a essayé d'élever correctement nos enfants...

Mais voilà, tout ça, ça prend du temps. Et le temps, pendant ce temps, il a passé... Et comme le temps a passé, les temps ont changé... Il y a eu "la crise". C'est simple, depuis que j'ai 20 ans, j'entends toujours dire que "c'est la crise". Et les crises économiques, c'est d'elles dont il s'agit, ça engendre des crises sociales. Et les crises sociales, ça engendre des crises politiques. Et les crises politiques, quand on en sort, ça engendre des réformes.

On a vécu tout ça. Mais comme on était plongé dedans, on n'a pas vraiment vu que c'était important. On avait "la tête dans le guidon". Forcément, rappelez-vous ce que nous avaient dit nos parents : la valeur travail, la culture de l'effort... Nous on travaillait, on faisait des efforts. Et l'état faisait des réformes...

Un beau jour, au détour d'une discussion un peu animée avec votre fille, ou avec mon fils, on a ouvert les yeux : le monde avait changé. Nos enfants en étaient bien conscients, eux. Et ils nous reprochaient ouvertement notre ignorance. Un nouveau concept était né. Il s'appelle "l'Etat providence".

Tu es malade, tu as peur de ne pas pouvoir te soigner ? N'aies pas peur, il y a la Sécu. C'est compliqué, ça coûte cher, et ça rapporte rien du tout. Mais ça paye pour toi.

Tu as mal travaillé, ou ton patron a mal géré, ou tu as une tête qui ne lui revient plus ? Tu vas perdre ton emploi ? N'aies pas peur, il y a l'Assedic. C'est encore plus compliqué, ça coûte encore plus cher, mais ça rapporte : ça payera ton salaire.

Des exemples comme ça, votre fille, mon fils, ils en connaissent à la pelle. Et dire qu'on avait été assez bête pour ne pas s'en rendre compte. Nous, on continuait à travailler et à faire des efforts. Quelle incurie ! Mais au fait, qui est-ce qui paie tout ça ? La réponse est complexe : d'abord il y a les impôts (c'est vrai qu'ils ont terriblement augmenté, les impôts...), et puis il y a les cotisations (c'est vrai qu'en bas du bulletin de paie, c'est quand même beaucoup moins d'argent qu'en haut !), et puis il y a le déficit budgétaire. Ah oui ! Ca, on connaît, le déficit. On a appris ça en cours d'économie (nous, on en faisait encore, de notre temps, à l'école). Mais justement, le déficit, on sait bien qu'il faut un jour le combler. Et qui va le payer, ce déficit ? On ne sait pas. On verra ça plus tard. L'Etat providence y pourvoira sans doute. On ne peut pas laisser les gens dans le besoin...

Le pire, dans tout ça, ce n'est pas tout ce que je viens de raconter avec beaucoup (trop) d'ironie. Le pire, c'est l'état d'esprit qui sous-tend ce (manque de) raisonnement. C'est la culture de la facilité opposée à celle de l'effort. C'est celle des loisirs opposée à celle du travail. C'est celle de la redistribution opposée à celle de la responsabilité individuelle. Et pourtant, la responsabilité c'est aussi la liberté, non ? Ou alors, je n'ai vraiment rien compris, moi !..

Mais si, si ! La liberté, il connaît, mon fils. Il n'a même que ce mot-là à la bouche, certaines fois. Il en devient agaçant. Je devrais travailler plus, pour gagner (un peu) plus ? Et ma liberté, alors ? Je devrais respecter les horaires fixés par mon patron ? Et ma liberté, alors ? Je devrais faire une formation complémentaire pour progresser dans la hiérarchie ? Sur mes heures de loisirs ? Et ma liberté, alors ? Etc.. Etc.. Sauf qu'associer les mots "liberté" et "responsabilité", c'est souvent plus difficile...

Tout le monde aura compris que cette petite fable n'est pas la peinture fidèle de mon fils "dans la vraie vie". En fait, il a fort bien assimilé l'éducation que j'ai tenté de lui apporter, et j'en suis assez fier.

Mais tout autour de moi, tout autour de nous, nous sommes tous les témoins de ce type de comportement, largement conforté tant par les médias que par les pouvoirs publics, certains partis politiques et de nombreuses associations. Le "modèle social français", à force de vouloir aider "les plus démunis" en "prenant aux riches pour donner aux pauvres", n'en finit pas de prendre exagérément à ceux qui se conduisent de manière responsable, au (petit) bénéfice d'une multitude qui profitent du système de manière éhontée et qui ne compte que sur lui pour subsister. On a tué le sens des responsabilités et on a fabriqué un monde d'assistés.

Juste un exemple pour illustrer mon propos. Plusieurs sondages ont fait ressortir qu'une majorité de jeunes ont pour principale ambition d'intégrer la fonction publique. Et quand on leur demande pourquoi, la principale réponse que l'on obtient est la sécurité de l'emploi, suivie de près par le déroulement de carrière. Cela peut se traduire schématiquement par "je ne risque pas d'être viré si je ne fais pas l'affaire" et "je monterai automatiquement les échelons". En d'autres termes, "petit travail tranquille" et "promotion à l'ancienneté".

Quand y aura-t-il enfin un dirigeant suffisamment courageux pour faire marche arrière, rendre aux citoyens leur liberté, et leur faculté, de profiter des richesses qu'ils produisent par leur travail, sans leur en prendre la moitié au passage, et redonner à chacun le goût de vivre par lui-même sans se contenter d'oboles publiques ou d'emplois protégés ? C'est pourtant assez simple dans le principe : il suffirait d'arrêter de se mêler de tout et de tout le monde en se prenant pour le Bon Dieu. Il suffirait de redonner aux citoyens le bénéfice de l'effort et la promotion (sociale) au mérite. Mais ce sont peut-être là des "gros mots" ?

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