Magazine Journal intime

Acte II, scène 7

Publié le 17 juillet 2008 par Pffftt

J'ai regardé Denis avec un demi sourire.
Chez Momo, c'est Yassine qui préparait le kebab. Ce même Yassine là qui était ptdr devant ma tronche de vexée. Alors, j'ai presque engueulé Denis:
- Comment ça vous n'aimez pas le mouton?
- Ben nan.
- Mais c'est pas du poulet dans le kebab Denis qu'on y met!
- Je sais Lila.
Il avait une façon de prononcer mon prénom ce mec, ça me faisait presque peur à chaque fois, comme si avant, on ne m'avait jamais appelé Lila.
Yassine nous a servi du thé et deux barquettes de frites en fredonnant un truc que je connaissais de loin ou d'il y a longtemps.
J'ai sorti les clopes et j'ai tendu le paquet à Denis. Il l'a ouvert en marmonant.
- Pourquoi tu mets ton briquet dedans? Ça les écrase les cigarettes, c'est con.
- Parce qu'on se tutoie maintenant?
- Non, bien sûr que non,
Il a sourit avec ses yeux gris.
Putain mon coeur de fille!
J'allais imploser...
Je me suis levée.
- Vous partez déjà?
- Nan, je vais pisser.
- Comme vous êtes classe Lila, très classe...
- Je fais des efforts, des putains d'efforts Denis!
Il a sourit avec ses yeux gris.
Bordel, la deuxième fois déjà!
Me suis enfermée dans les chiottes. Double tour.
Respiration profonde et lente, j'ai tenté de me ressaisir.
Et mon portable a sonné:
- C'est Denis.
- Ouais, ça s'affiche.
- Est-ce que j'ai fini mon boulot avec vous Lila?
- Non.
- Et il reste quoi alors ?
- ...
- Bon. Qui est Marius Colin ?
- Le héros.
- Bof, il a l'air d'un pauvre type je trouve.
- Ben justement.
- D'accord, c'est vous l'écrivain.
- C'est ça ouais, je suis l'écrivain...
- Bon Lila, sors des chiottes et viens t'assoir maintenant, on va négocier mon nouveau contrat...
- Ah bon ? Parce qu'on se tutoie là ?
- Oui, bien sûr que oui.
Il a raccroché.
Je ne suis pas sortie sur ses ordres moi! Il se prenait pour qui ce con? C'était moi le patron nan ?
Je suis restée encore cinq bonnes minutes, le temps d'écouter un truc sur mon mp3. Fallait que je calme les papillons. Ça virevoltait.
C'était le printemps là?
Nan, même pas, c'était l'été...
Putain, il faisait chaud dans ces chiottes et ça sentait la pisse.
J'ai deverouillé.
Je me suis lavée les mains.
J'ai fait un sourire de merdeuse dans la glace piquetée et je me suis tirée la langue. C'est bien aussi l'absurde, ça donne du courage...
Denis avait rejoint Yassine au comptoir. Ils se bidonnaient comme des baleines, de vrais potes.
J'me suis assise sur le tabouret à côté de lui. Il était tellement gras ce foutu siège que j'ai angoissé trente secondes pour mon Levis. Pour continuer, j'ai rien trouvé de mieux que d'insulter Denis, toujours moins pire que de lui casser la gueule...
- T'es un mec foireux Denis!
- Quoi?
J'me suis appliquée à lui sourire comme une vraie miss, et j'ai fait genre «de toutes façons j'm'en fous!».
- Tu me sers la même chose que ce branleur Yassine s'il te plaît?
- Tu veux sauce blanche toi aussi?
- Yes! La big dose!
Denis continuait de déguster son kebab avec dévotion, il foutait de la sauce partout, ça dégoulinait sur ses doigts et son menton, c'était super crade. Un délice.
Il s'est tourné vers moi.
Ses yeux toujours gris.
- Tu sais quoi Lila ?
- Ben nan, dis moi...
- Y a que les imbéciles qui changent pas d'avis moi j'dis!
Sourire de lui pour moi.
Ça m'a parcouru comme des guilis de quand on était tout petit et là malgré moi j'me suis fendillée du haut jusqu'en bas.
Ses yeux toujours gris.
Comment c'est possible des yeux comme ceux là?
Du haut jusqu'en bas.
Et merde!
J'me suis fendillée encore une fois...
Mec foireux.
Vrai branleur.
Le tout malgré moi...ben voilà. Acte II, scène 7

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