La parution d'"Un Auteur de BD en trop", quelques semaines avant le festival d'Angoulême, n'est sans doute pas
Son auteur, Daniel Blancou, y égratigne le milieu de la bande dessinée dans un album superbement édité (!?). La notice wikipédia de D. Blancou nous informe que cet auteur a débuté sa carrière il y a une dizaine d'années.
Une large majorité des auteurs de BD connaît un "spleen" qui n'a rien de "baudelairien", puisque beaucoup ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois.
Les éditeurs sont pointés du doigt puisqu'ils ont ouvert au cours des dernières décennies le marché de la bande dessinée à une concurrence féroce, en appliquant des recettes commerciales ("dumping social") enseignées à HEC.
On sait le poids de l'industrie du divertissement dans les économies dites "néo-libérales". Le statut des auteurs de bande dessinées est, à cet égard, parfaitement ambigu, et un certain nombre d'entre eux entretient cette ambiguïté. Tandis que certains auteurs de bande dessinées sont de simples employés de cette industrie, plus ou moins satisfaits de leur sort, d'autres aux antipodes critiquent la société de consommation "à leurs risques et périls".
"Un Auteur de BD en trop" n'est pas le manifeste d'un auteur mécontent, mais plutôt un regard ironique et décalé sur une profession où se côtoient des ambitions et des désirs disparates, pour la raison que nous venons d'évoquer.
Comme la presse française a intérêt à être solidaire de "Charlie-Hebdo", masquant ainsi son motif principal de domestication des Français, les gros éditeurs de BD ont intérêt à être solidaires des petits producteurs indépendants qui font circuler un peu d'air frais dans une production où on en est à rééditer à tour de bras les "classiques" des années cinquante.
On regrette que la partie la plus faible soit celle où Daniel Blancou évoque le rapport entre la bande dessinée et l'art contemporain. Le milieu de la bande dessinée, notamment en France, nourrit un complexe à l'égard du milieu de l'art contemporain, figé dans une posture plus vaniteuse que la Grande galerie des glaces.
Or D. Blancou ne tire pas pleinement parti de cette situation comique, proche du "Bourgeois gentilhomme" découvrant qu'il sait manier la prose, puisque des professeurs révèlent aux auteurs de BD qu'ils avaient toujours fait de l'art sans le savoir et peuvent désormais se prévaloir en société du titre gratifiant d'apôtres du 9e Art. Amen.
"Un Auteur de BD en trop", par Daniel Blancou, éd. Sarbacane, janvier 2020.