Tiens, je t'aurais presque oubliée de la liste toi, ma jolie, avec qui je suis parti en vacances, à l'été 1989, sur la côte bordelaise. Toi que je trouvais si jolie, toi qui me plaisais tant et qui préférais t'en foutre éperdument pour te faire sauter par tous les gros lourdingues du lycée et avoir le culot, par surcroît, de venir chialer dans mes bras, voire dans mon lit, quand tu te faisais rhabiller comme une conne.
La proximité physique entre nous n'arrangea rien. Tu restais totalement rétive à mes avances et j'avais fini par me contenter de n'être que ton ami, espérant, c'est pas bien mais c'est vrai, que tu me tomberais peut-être toute cuite dans la bouche et dans le lit un soir de détresse ou d'ivresse. Nos deux semaines s'écoulèrent sans bruit. Pour faire bonne figure, un soir où tu boudais, je sortis et me tapais une Allemande sur la plage. Triste lot de consolation: I want the one I can't have, and it's driving me mad...
Les vacances touchaient à leur fin. Ton ex ne l'était plus, à nouveau d'à nouveau, et nous repartions vers Bordeaux pour y prendre le train qui nous ramenait vers notre première année de fac et la séparation inéluctable de nos chemins qui s'étaient si peu croisés au fond. Ayant du temps à tuer, nous visitâmes, sur le port, un de ces disquaires indépendants, comme il en existait alors encore partout. Tu t'achetas, malgré ma mine peu réjouie, le premier album de Ian Durie puis, sur ma recommandation, 16 Lovers Lane des Go-Betweens.
Tout ça pour dire quoi? Que j'ai perdu ta trace depuis fort longtemps, que ça me chagrine un peu, mais que je suis un grand garçon. Quand bien même on se retrouverait, là, j'aurais sûrement pas envie de te baiser, car c'est ton cul de 20 ans que je voulais. Que tu es de l'histoire bien ancienne, mais pas la musique. Et sûrement pas les Go-Betweens. Et que c'est sans doute pour ça que ce soir j'ai le coeur au bord des levres : samedi soir, à 47 ans, Grant McLennan est mort dans son sommeil à Brisbane. Alors vraiment, ma jolie, sans rancune aucune.